"Q. Que faut-il penser de la sécheresse de l'âme ?
E.P. Cela dépend de l'usage qu'on en fait.
E.P. Cela dépend de l'usage qu'on en fait.
La sécheresse d'âme est un genre de mort.
"Sécheresse" est un terme du vocabulaire mystique.
La sécheresse est une des formes de "la nuit obscure de l'esprit",
donc de la mort intérieure.
Aujourd'hui la sécheresse signifie souvent
une distance
par rapport aux sources profondes
de ce qu'on appelle
l'inconscient.
La vie profonde, telle que la voie alchimique nous la
révèle,
se traduit souvent par la montée des eaux.
Pour descendre du
vocabulaire mystique
à la description psychologique de l'âme de notre
époque,
nous dirons que l'âme moderne est sèche.
Elle est brûlée par un
feu qui n'est pas le feu d'amour,
mais le feu d'une connaissance
séparée de sa source,
l'amour de la totalité, et qui, de ce fait,
nourrit l'appétit de puissance qui accompagne
le désir de savoir pour
savoir, la curiosité.
Un pareil feu est, de ce fait, luciférien.
Et ce n'est pas un hasard s'il a trouvé son apothéose infernale
dans
l'éclair qui est apparu pour la première fois
dans le ciel des hommes
le
16 juillet 1945 à Alamogordo,
et qui, depuis, s'est multiplié.
Je vous rappelle pour mémoire,
avait salué cet
éclair,
lorsqu'il a vu naître son enfant spirituel,
par les mots
d'Arjuna, le compagnon de Krishna,
adorant son ami divin qui se
transformait devant lui :
"Si l'éclair de mille soleils apparaissait
dans le ciel,
tel est l'éclat que répand cette âme divine."
C'est le
point culminant de la sécheresse.
Ici elle se transforme en feu
destructeur."
« La vie profonde, telle que la voie alchimique nous la révèle, se traduit souvent par la montée des eaux. »
RépondreSupprimerCette montée des eaux évoquée par Étienne Perrot me remet en mémoire le rêve d’un jeune homme s’engageant sur la voie des rêves. Il se trouvait dans la cave étroite (ou partie de cave) d’une vieille maison rustique en compagnie d’un petit groupe d’hommes et de femmes de sa connaissance. L’eau se mettait soudain à sourdre du sol de la cave et son niveau s’élevait assez rapidement, menaçant de noyade toutes les personnes enfermées dans ce réduit en sous-sol. Le rêveur trouvait une échelle qu’il dressait sous la trappe de bois fermant le local, ouvrait la trappe en la soulevant avec effort et invitait chacun, chacune, à monter à l’échelle sans tarder. Ce qui fut fait. Ils se trouvèrent alors sur le gros plancher d’une vaste pièce assez peu éclairée par quelques chandelles ou lumières tamisées. Un grand demi-cercle de "méditants", d’auditeurs attentifs, se tenait respectueusement assis en tailleur autour d’un enseignant silencieux. Le rêveur s’approcha du demi-cercle et on lui fit place parmi les méditants. Après un instant de silence, l’un des méditants s’approcha de l’enseignant puis revint vers le rêveur et lui confia : " Le maître dit que vous pouvez participer à la traduction".
Le rêveur accueillit cette annonce avec enthousiasme.
Amezeg
Très beau rêve !
RépondreSupprimerLe rêveur aurait-il "gravi" un échelon (ou un étage) dans la connaissance de lui-même ?
Mieux vaut traduire en conscience les eaux montant de la profondeur inconnue (les eaux de l’inconscient) que de se laisser submerger et noyer par elle si l’on veut progresser dans la connaissance de soi. C’est ce que ce rêve invitait sans doute ce jeune homme s’engageant sur la voie des rêves à mettre en pratique.
SupprimerC’est au pied du mur qu’on voit le maçon… et au pied de l’échelle qu’on voit l’alchimiste ? ;-)
Amezeg
Tout à fait !
SupprimerEn tout cas, le risque ici, est l'inondation...
on est loin de la "sécheresse"...
Un rêve anti-sèche en vue d’un futur examen de conscience...? :-)
SupprimerAmezeg
:-))
RépondreSupprimerLe rêveur, en pleine copie onirique,
se fera-t-il "a-trapper" par le maître ?
Peut-être, car ce maître silencieux n’est sûrement pas un cave...
SupprimerAmezeg
...et son nouvel élève non plus...:-)
RépondreSupprimer(puisqu'il l'accepte)
Donc tout baigne entre eux, personne n’a essayé de noyer le poisson des profondeurs.
SupprimerEt ça donne ‘la pêche’ au novice. :-)
(mais là, ‘j’arrête’…)
Amezeg
:-)
RépondreSupprimerNon...
T'es déjà "sec" sur le sujet ? ;-)
Plus sérieusement, le rêve que tu cites est un bon exemple de "montée des eaux" telle que la voit Etienne Perrot (en rapport avec la vie profonde, le contact avec l'inconscient)...mais, dans mon expérience personnelle, les rêves d'inondation que j'ai fait étaient souvent plus négatifs, en rapport avec un danger de "montée des émotions", d'un émotionnel difficile à gérer...
Oui, les inondations peuvent indiquer des débordements d’affects difficiles à gérer.
SupprimerMarie-Louise von Franz dit aussi : « Quand quelqu’un rêve d’inondation cela signifie qu’il risque de tomber dans un état de dépression ou de désorientation, de se noyer – mais tout aussi souvent, dans une possession telle qu’une obsession idéologique, un « isme », ce qui est aussi une noyade. Ainsi Khomeiny était-il un noyé, un homme qui avait, en quelque sorte, la tête sous l’eau. » – Marie-Louise von Franz, "La princesse chatte" (chapitre V, Les royaumes), éditions La Fontaine de Pierre
Amezeg
C'est ça...
SupprimerToute la difficulté consiste à "être proche" de l'inconscient...sans se laisser submerger ou engloutir par lui...
Et on peut se "noyer" dans bien des choses...
On s'était d'ailleurs penchés, il y a longtemps, sur un rêve de "montée des eaux"...
RépondreSupprimerC'est ici, au tout début du blog :
https://grandsreves1234.blogspot.com/2014/12/reve-7-ville-inondee.html
Dans le rêve cité ci-dessus, le jeune homme (le rêveur), lorsqu’il apprend que le maître l’autorise à participer à la traduction, s’exclame avec beaucoup d’élan et de ferveur : "Ah ! Oui ! j’aime les mots !". Or il avait en réalité, dans sa vie consciente, à la fois beaucoup d’intérêt pour les mots et de la méfiance à leur égard. Il fut donc un peu dubitatif à propos de cette exclamation enthousiaste sur laquelle s’achevait le rêve.
RépondreSupprimerLa montée des eaux intérieures qui peut se produire et permettre à un être d’échapper à une sécheresse d’âme stérilisante demande parfois "à être mise en mots", à être verbalisée..
Marie-Louise von Franz a parlé de cette question importante et "délicate" :
« Du fait que j'ai moi-même une grande méfiance vis-à-vis des mots, j'ai eu beaucoup de mal à comprendre ce thème. Un événement l’éclaira pour moi : une patiente, qui était un cas-limite, avait eu une expérience intérieure très impressionnante dans laquelle «la lumière l'avait visitée et elle s'était sentie proche de la divinité». A l’époque, elle était internée ; elle fut submergée par l'intensité de ses expériences intérieures et, dans l'asile où elle était, on lui avait posé des quantités de questions bizarres et inopportunes à ce sujet, si bien qu’elle s'était enfermée dans le mutisme. Au moment où elle eut le rêve que je vais rapporter, elle avait décidé de ne plus parler de rien à personne et de s'enfermer complètement dans cette expérience religieuse. [………………] Elle rêva donc qu’elle voyait une série d’Indiens Peaux-Rouges dont chacun avait reçu un anneau d’or. Ils n'avaient pas de bouche, car la peau avait poussé pardessus. Alors quelqu'un vint avec un couteau et ouvrit des bouches dans leurs visages, tandis qu’une voix disait : « Voilà ce qui doit être fait.» Lorsqu'elle se réveilla, seule et sans interprétation de ma part elle se rendit compte qu'il fallait qu'elle communique ses expériences intérieures à quelqu'un. Elle comprit que l’anneau d’or des Indiens était quelque chose de semblable à son expérience et qu'il était important «d'ouvrir la bouche». Ce fut un tournant décisif, car, grâce au fait que nous avons pu parler de ce qui lui était arrivé, elle évita la catatonie et, depuis lors, la question de l’internement ne s’est plus posée pour elle. En parlant avec moi, elle demeura de façon juste en contact avec son expérience sans s’identifier à elle, ni la perdre. […………………] Cette histoire a augmenté mon estime pour le «verbe». Je compris pour la première fois ce que cela peut signifier que d’être submergé de façon primitive par l'intensité émotive d'une expérience intérieure et d’être incapable de l’exprimer, si bien qu'elle redisparaît dans l'inconscient ou submerge l'être et le fait sombrer. Je vis que le mot prononcé est un acte qui permet de devenir ou de demeurer conscient et de conserver sa propre identité, et qu’une réalité intérieure formulée se trouve du coup placée à un niveau plus élevé que si elle demeure pour ainsi dire au stade organique, sans qu'on ait pris contact avec elle sur le plan conscient. » MARIE-LOUISE VON FRANZ, "L’INDIVIDUATION DANS LES CONTES DE FÉES" (chapitre Quatre contes), ÉDITIONS LA FONTAINE DE PIERRE
Amezeg
Merci. C'est très intéressant...
RépondreSupprimerLes mots sont toujours insuffisants à exprimer l'expérience vécue, et cependant ils sont essentiels pour intégrer cette expérience.
"Nommer les chose" semble être la caractéristique de l'humain.
En "nommant", en "traduisant" en mots ce qui est ressenti ou expérimenté, l'être humain s'approprie le monde et lui donne une "forme".
Jung parle de cela dans "Ma vie", quand il évoque sa confrontation avec l'inconscient, sa "descente dans les profondeurs" juste après sa rupture avec Freud. Il dit très clairement que, s'il n'avait pas pris le temps de noter et de mettre en forme ses imaginations, elles l'auraient "entraîné vers le fond" (sorte de noyade).
RépondreSupprimerLes mots permettent de se "distancier" du fatras de ce qui s'agite en nous et de le regarder avec un peu plus de lucidité et d'objectivité.
Oui, fixer, ne serait-ce d’abord qu’un peu, le volatil de l’expérience "intérieure", la manifestation de l’inconscient, dans le langage conscient, c’est lui faire aborder le rivage d’un vécu conscient sur le sol duquel il pourra s’enraciner et porter fruit.
RépondreSupprimerCe que dit Marie-Louise von Franz, un peu plus loin dans le même texte, à propos de la valeur d’Action du Mot me parle aussi beaucoup. (C’est peut-être cette bivalence mot-action qui donne tout son sens à l’exclamation enthousiaste sur laquelle s’achève le rêve du jeune-homme sortant de sa cave que j’ai rapporté plus haut.)
« Un des grands apports de la psychologie des profondeurs est précisément de rendre aux mots leur charge émotive, de changer par conséquent les concepts abstraits en véhicules d'énergie. C’est ainsi que le mot retrouve son efficacité antique, «magique », de «mot-clé» ou de «maître-mot». On se rappelle qu’au début du Faust, le héros, méditant sur le prologue de l’évangile de saint Jean, change : « Au commencement était le Verbe» en : «Au commencement était l’Action. » Cette option montrait un chemin vers une réalisation effective de ce qu’indiquent les mots. Quant à nous, il nous est donné d’aller plus loin que Faust. Nous n’avons pas à choisir entre le Mot et l'Action, mais à faire que le mot agisse, soit efficace. Nous retrouvons là le niveau du langage antérieur à l’intellectualisme grec dont nous avons hérité. Et ce niveau était celui de l’évangile de Jean. Le logos johannique traduit en fait un mot hébreu : dabhar, qui signifie à la fois la parole et l’action. Si Gœthe l'avait su, il n'y aurait peut-être pas eu de Faust, et le problème de l’homme moderne qui doit réunir les deux domaines, la pensée et l'action, n'aurait pas été posé et traité d’une façon si géniale et si féconde. Vous savez ce que Gœthe a été pour Jung : un grand prédécesseur, un grand ancêtre. Il nous a permis d'arriver à ce stade où nous sommes, celui où, en tant qu'héritiers des alchimistes, les mots redeviennent pour nous chargés de sens, solides et denses comme la pierre, des «pierres-esprits», ce qui est un nom de la pierre philosophale. » MARIE-LOUISE VON FRANZ, "L’INDIVIDUATION DANS LES CONTES DE FÉES" (chapitre Quatre contes), ÉDITIONS LA FONTAINE DE PIERRE
Amezeg
Je ne me souvenais pas de ce passage de M-L Von Franz.
SupprimerLe "Mot-Action", n'est-il pas le principe même de la "magie" ? Le magicien n'est-il pas, par définition, celui qui, en prononçant un mot ou une formule "agit" sur le monde ?
Les mots (et les pensées mises en mots) "créent" des réalités... (et c'est pourquoi il est essentiel de trouver le "mot juste" et de ne pas fourvoyer le langage).
Ce thème est particulièrement important en ce moment, je crois, car nous vivons une époque de "langage menteur", de "langage truqué", qui nous emmène sur les fausses pistes de l'idéologie (l'idéologie étant un système d'idées et de mots qui a perdu le contact avec la réalité).
Et si nous y sommes si vulnérables, c'est que nous sommes imprégnés de cette culture du Logos, de cette culture dans laquelle le Verbe est tout, le Verbe est Dieu.
Il est particulièrement important de distinguer clairement la vraie "magie du verbe" et les "tours de passe-passe langagiers" qu'on nous sert dans les médias.
Et je crois aussi qu'il faut rappeler que la géniale intuition de Freud a été de comprendre que la parole, les mots pouvaient soigner, qu'ils avaient une "efficacité" thérapeutique...La "cure par la parole" était une grande nouveauté à l'époque...
Supprimer« Ce thème est particulièrement important en ce moment, je crois, car nous vivons une époque de "langage menteur", de "langage truqué", qui nous emmène sur les fausses pistes de l'idéologie (l'idéologie étant un système d'idées et de mots qui a perdu le contact avec la réalité).
RépondreSupprimerEt si nous y sommes si vulnérables, c'est que nous sommes imprégnés de cette culture du Logos, de cette culture dans laquelle le Verbe est tout, le Verbe est Dieu.
Il est particulièrement important de distinguer clairement la vraie "magie du verbe" et les "tours de passe-passe langagiers" qu'on nous sert dans les médias. » - la Licorne
Eh oui !… C’est ce que je me disais en notant ce/ces commentaire/s.
Le "hasard" qui nous fait découvrir ou re-découvrir un texte ou un certain passage de ce texte est-il doué de plus d’intentions que nous n’en voyons au premier coup d’œil, me suis-je demandé un bref instant… ;-)
Amezeg
Le hasard ? Quel hasard ? ;-)
RépondreSupprimerLe jeu de dé(u)s, le jeu divin, qui parfois nous fait une fleur… :
Supprimer(1200) hasart ; De l’ancien français hasart, de l’espagnol azar, venant de l’arabe andalou الزهر, az-zahr (« dé, jeu de dés »), nommé d’après l’arabe زهر, zahr (« fleur ») car la face gagnante du dé portait une fleur. - Étymologie du mot hasard donnée dans le Wiktionnaire
Amezeg :-)
Que c'est joli, cette notion de "fleur du hasard"...!
RépondreSupprimerVoilà ce que j'ai trouvé à ce sujet :
https://caramel.hypotheses.org/20974