vendredi 21 avril 2023

Fascinant scarabée !

 


 

Le scarabée est l'un des plus anciens symboles utilisés dans l’Egypte des pharaons. Les égyptiens adoraient tellement le scarabée qu’il est très probable que ce symbole ait été pour eux presque aussi sacré que la croix dans notre culture chrétienne.

On peut néanmoins se poser une question : Pourquoi a-t-on développé une telle vénération pour ce petit insecte, qui, a priori, ne fait guère "rêver"...?

Y aurait-il quelques détails oubliés, quelques raisons cachées d'anoblir et de déifier cet animal, raisons qui nous auraient échappé mais dont les égyptiens, eux, auraient eu connaissance ?

Je vous propose, dans cet article, de faire un résumé rapide des caractéristiques les plus extraordinaires et les plus fascinantes de ce petit insecte, qui, sous des allures anodines, réserve bien des surprises...

 



1) Etymologie

Le mot "scarabée" vient du latin scarabeus, "escarbot", lui-même tiré du grec karabos, "escarbot, langouste".

Dans la même famille, on trouve le mot "carabin":

 "Carabin" apparaît, au 16ème siècle,  sous la plume de Brantôme avec le sens de « capitaines étrangers ». Sans doute apparenté à escarbot, insecte fouisseur ; 

Le moyen français "escarrabin" désigne une personne vêtue de noir qui enterrait les morts pendant les grandes pestes, puis par ironie, carabin de Saint-Côme signifie « chirurgien », Côme étant le patron de cette corporation. D’où le sens usuel actuel d’« étudiant en médecine ».

Il est intéressant de constater qu'on retrouve là un lien avec les "rites funéraires" (Cf Egypte). 

Par ailleurs, le mot renvoie aussi à la notion de combat ou de guerre puisque "Carabin", en vieux français, désignait aussi un soldat de cavalerie qui portait une carabine et que l'on employait d'ordinaire dans les reconnaissances et les "escarmouches".

Autre expression : "C'est un vrai carabin au jeu."
le carabin étant celui qui se contente de hasarder quelque chose au jeu et qui se retire ensuite, qu’il ait perdu ou gagné.

En mathématiques, il existe une courbe appelée courbe "scarabée".
"Les scarabées sont à l’astroïde, ce que les foliums sont à la deltoïde."
 

 
 
Langues étrangères
En allemand, le scarabée porte le nom de Käfer, et en anglais, on l'appelle "beetle". 
 
 
 
 
 
2) Espèces

Il existe de très nombreuses espèces de scarabées dans le monde (plusieurs millions). L'une des espèces les plus connues est le bousier

Ce petit coléoptère pousse devant lui une boule d'excréments qu'il mélange à la terre. Il s'agit généralement d'une boule qu'il récupère à partir de crottin de cheval, de mouton, ou d'autres mammifères. Cette boule devient rapidement plus grosse que lui. 

C'est dans cette boule que la femelle pond ses œufs. La boulette est ensuite enterrée. Les larves pourront se nourrir de cette matière. Ainsi, en recyclant les excréments, le Scarabée bousier joue un rôle écologique très important  : il recycle et redonne la vie, il est symbole de renaissance et de renouveau.

 


 

3) Une force hors du commun

Le scarabée-bousier étonne les scientifiques par le fait qu'il est capable de transporter ou de soulever des charges faisant jusqu'à 1000 fois son poids

Sous des apparences modestes, ce petit "Sisyphe" déploie donc une force supérieure à celle d'animaux bien plus imposants que lui, tel que l'éléphant...

Il impressionne aussi par sa patience...et sa persévérance, contournant tous les obstacles sans se décourager...ainsi que par sa résistance. Certains scarabées sont en effet réputés "impossibles à écraser", ils résistent même... au poids d'une voiture.

 

4) Couleur très spéciale

En Europe, nous rencontrons moins de bousiers...l'espèce la plus commune est la "cétoine dorée", qui doit son nom à sa couleur "métallisée".

 


La couleur vert métallisée de cet insecte est une couleur structurelle, causée par la polarisation circulaire d'une grande partie de la lumière réfléchie. Comme chez d'autres scarabées la polarisation est à gauche. Si on l'observe à travers un polariseur dextrogyre, les couleurs de l'insecte disparaissent

La cétoine peut prendre aussi d'autres couleurs que le vert :  cuivre, gris ou noir.


5) Beetle tech

Et ce n'est pas tout : ce petit insecte possède bien d'autres facultés naturelles hors du commun... des facultés tellement intéressantes, que la technologie moderne, n'hésite plus à s'en inspirer...


 

Remarque : Tout ce qui concerne ce coléoptère est mystérieux, à commencer par le fait que les travaux sérieux des scientifiques entomologistes et coléoptéristes sur ce sujet, pour une raison ignorée, tombent sous les rubriques “secret” ou “pour usage officiel”, depuis 1943 ...!!!


6)  Orientation céleste

Mais la caractéristique la plus extraordinaire du scarabée-bousier reste sans nul doute sa faculté d'orientation. La tête en bas, en marche arrière, et même en pleine nuit, il ne dévie jamais de sa route, il retrouve toujours sa direction. 

Comment s'y prend-il ? 

Eh bien, il effectue une danse...qui lui permet de s'aligner au soleil, aux étoiles et, plus précisément, à la Voie Lactée !


 

On comprend mieux, dès lors, la  fascination qu'exerce depuis, toujours, ce tout petit animal...
et comment il a pu, dans les anciennes traditions égyptiennes, être relié à la course du Soleil...et au cosmos.

Il est probable que la "forme" de sa boule n'était qu'une partie de l'explication...

 

 
Voyons maintenant, les rapports que le scarabée, en tant que symbole, 
peut avoir avec le chamanisme...et l'alchimie.

 

7) Trois niveaux

Pour les chamans, le Scarabée est un totem inspirant puisqu'il peut à la fois de voler, de marcher sur la terre et de s'enfouir profondément.

Ainsi, comme les chamans, il fréquente trois niveaux de réalité :

En s'enterrant, il a le pouvoir de rencontrer les mondes d'en-bas, les mondes de l'inconscient, de la psyché, des pulsions refoulées... Il est également capable de voler pour visiter les mondes d'en haut, celui des entités angéliques et légères et des guides ainsi que le monde du milieu, le monde de la réalité terrestre. 

Être capable de voler comme un oiseau,
de marcher sur la terre et de s'y enterrer,
permet de découvrir les trois mondes
et les plus grands secrets de l'univers.

En Egypte, dans certaines de ses représentations, le scarabée repose d'ailleurs sur un signe neb (c'est-à-dire un panier) ― signifiant sa nature divine ― soutenu par trois traits de signe pluriel, signifiant peut-être « triple ».

 


 

8) Petit alchimiste

Transformateur inlassable de détritus et d'excréments, le scarabée pourrait facilement reprendre à son compte les vers de Baudelaire, dans son recueil "Les Fleurs du mal" :

"Ô vous, soyez témoins que j’ai fait mon devoir
Comme un parfait chimiste et comme une âme sainte.
Car j’ai de chaque chose extrait la quintessence,
Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or."

De plus, comme au cours de sa croissance (de la larve à l'adulte), il passe par différents stades, il est lié à la transformation, à la mutation, à la métamorphose.

Le symbolisme provient aussi des mœurs du bousier, qui roule sa boule, figure de l’œuf du monde, d'où naît la manifestation organisée. On considérait ainsi le scarabée comme s'engendrant de lui-même.



La même interprétation est connue en Chine : 
 
Le scarabée roule sa boule, lit-on dans le Traité de la Fleur d'Or, dans la boule naît la vie, fruit de son effort indivis de concentration. Un embryon pouvant naître dans la bouse, en conclut-on, pourquoi la concentration de l'esprit ne pourrait-elle faire naître, dans le cœur céleste, l'embryon d'immortalité ?
 
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La Licorne
 
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samedi 8 avril 2023

Symbolisme onirique du scarabée

 

Selon Georges Romey,  

auteur du Dictionnaire de la Symbolique, 
 Tome 1 : 
Couleurs, Minéraux, Métaux, Végétaux, Animaux 
 .
 
Remarque : 
Les passages en vert sont des rêves éveillés 
recueillis par Georges Romey...
 

 

 

 L'attention dont a bénéficié l'image du scarabée de la part des symbolistes fait penser à la célébrité de ces artistes dont la soudaine réputation doit autant à l'importance des investissements promotionnels qu'au talent qu'ils manifestent. Plus encore que le papillon et l'araignée, dont les mythes de Psyché et d'Arachné ont fourni la base des interprétations modernes, le scarabée doit l'éminence de son image à l'immense publicité que lui a value la découverte, au XIXe siècle, du contenu des tombeaux égyptiens. Que resterait-il des textes consacrés au scarabée depuis ces événements s'il fallait en retrancher ce qui fut puisé dans la culture pharaonique ? Pas plus que ce qui est proposé sur la coccinelle, que l'imaginaire associe pourtant étroitement au scarabée. Pas plus, c'est-à-dire rien !

Khepra - c'est le nom égyptien de l'insecte - a fait l'objet d'une réelle vénération de la part, non seulement des prêtres, mais des peuples de l’Égypte, surtout à partir des dernières dynasties de l'Ancien Empire et jusqu'à l'extinction de la civilisation pharaonique.  

 

 

Dans la vision propagée par les temples, Khepra - ou Khepri - est aussi le soleil créateur et plus particulièrement le soleil à son lever.  

Le scarabée marque la douzième et dernière heure du parcours nocturne du soleil dans les dangereuses régions de l'Amenti. Il annonce la résurrection du jour, l'éternel renouvellement de la vie. Le zodiaque de Denderah s'achève par le scarabée. C'est la figuration primitive de ce qui deviendra, à l'époque gréco-romaine, le signe du Cancer, représenté par un crabe. Sous forme d'amulettes, le scarabée accompagne les morts en leur tombeau, les guerriers au combat et protège la vie de ceux qui le portent.

Toutes les traductions du symbole s'accordent sur les caractéristiques présentées par le bousier ou par son comportement et qui sont susceptibles de justifier la symbolique égyptienne. 

 Qu'apporterions-nous au lecteur en insistant, après tant d'autres, sur l'image du bousier roulant sa boule et l'enfouissant dans le sable après y avoir déposé son œuf ? Les rappels qui précèdent étaient indispensables pour mettre en évidence l'impressionnante similitude de sens entre les productions de l'imaginaire contemporain et la vision des sages de l’Égypte antique. Nous avons, naguère, amplement développé ce thème, mais les images recueillies au cours de la recherche concernant le scarabée du rêve réactualisent notre surprise émerveillée.

 


 
La nature des représentations qui environnent le symbole dans les scénarios pris en référence ne permet pas d'accepter l'hypothèse d'une restitution d'informations véhiculées par la culture. Pour que le pont jeté par l'inconscient collectif à travers les millénaires apparaisse en toute évidence, nous devons apporter quelques précisions supplémentaires. Isha Schwaller de Lubicz traduit ainsi les termes égyptiens :

- Kheper : être, devenir, prendre forme ;

- Kheprer : celui qui produit lui-même sa genèse, le principe de l'être qui cause lui-même les phases de ses transformations ;

- Kheprou : les formes, les transformations.

De nombreux textes hiéroglyphiques attestent que Khepra, le scarabée, est appelé "celui qui fut par lui-même". C'est la désignation de l'Unique, du dieu initial. C'est aussi l'évocation de l'unité d'être, de la réunion des contraires séparés dans la Manifestation.

 


 

En quelques mots, dans le De Iside, Plutarque trace la double voie à travers laquelle vont se déployer presque toutes les images oniriques autour du scarabée : "Les gens de guerre avaient un scarabée gravé sur le cachet de leur anneau. Il n'y a point, en effet, de scarabée femelle, tous sont mâles."

En première approche, nous laisserons à l'écart ce qui fait du scarabée un symbole de la vie et de son renouvellement. Nous préférons orienter l'investigation vers les deux pôles proposés par Plutarque : d'une part, ce qui associe l'insecte et le guerrier, d'autre part, ce qui découle de l'idée - fausse évidemment - que le scarabée est toujours de sexe mâle.

 


L'exploration des scénarios permet d'observer que les corrélations les plus nombreuses autour du scarabée concernent les images qui s'apparentent à sa carapace : carapace de la tortue, écailles du crocodile et du serpent, armure du guerrier, cuirasse, bouclier. Les compagnons les plus fidèles du symbole sont le scorpion, la coccinelle et les fourmis. Dans le zodiaque, le crabe et l'écrevisse ont remplacé le scarabée originel. Plusieurs rêveurs associent le scarabée et le char d'assaut ou le cuirassé.

Une séquence d'un rêve de Jeanne montrera que les représentations s'attirent automatiquement dans le libre jeu de l'imaginaire : 

 "... Maintenant le pépiement des oiseaux, qui n'était qu'un bruit, devient vraiment une musique... et arrivent plein d'animaux, un crocodile, des quantités de petits insectes, des coccinelles, des fourmis, un scarabée... à nouveau une très forte tempête est déclenchée... je m'accroche à un gros anneau de fer... je me demande comment je vais résister ! Et... je vois un cuirassé... il a me voir car les canons se mettent à tirer..."

Plutarque commet une double erreur, sur la base d'informations insuffisantes. Il n'est nullement établi que ce soit plus particulièrement les gens de guerre qui aient été porteurs du scarabée. L'écrivain grec attribue l'insecte à ceux-là en raison de la croyance - répandue dans toute l'Egypte - qu'il était toujours de sexe mâle, ce que l'auteur traduit comme un signe de bravoure virile.  

 

  

 

Les images du rêve obligent à reconnaître une liaison entre le scarabée et l'affrontement, le duel , l'armure, le corps à corps, mais l'association repose davantage sur un réflexe de protection, de fermeture, que sur quelque disposition belliqueuse fondamentale.

Lorsqu'il apparaît dans un scénario, le scarabée s'inscrit rarement dans une ambiance sereine. Il est le plus souvent noir, dur au point, parfois, d'être en pierre. Il signe la confrontation entre des forces lourdes, obscures. Il est souvent en résonance avec l'insecte renversé de La Métamorphose de Kafka. Il est alors l'indice d'une agitation névrotique impuissante. Plusieurs rêveurs associent explicitement cette image à celle du bébé couché sur le dos, battant l'air des bras et des jambes, incapable d'exister par lui-même, vulnérable.

 

 

Cette dialectique de la protection et de la vulnérabilité, de la carapace et de la sensibilité, de l'agitation fébrile et de l'inefficacité, le vingt-et-unième rêve de Marthe en fournit une illustration exemplaire :

"... Là, je vois deux fauteuils, côte à côte, comme dans la pub d'Air France, avec un homme et une femme... [...] J'ai vu un cavalier... je pense à une armure... il a un casque... le cheval est tout caparaçonné aussi... je me demande comment les chevaux pouvaient faire les tournois alourdis ainsi...[...] Je suis propulsée contre l'homme maintenant, mais ce n'est pas le même plaisir que lorsque je fais de la moto... j'ai l'impression qu'on doit faire un seul corps.... ici je suis tellement petite que je ne peux pas mettre les bras autour de lui... ce n'est pas agréable non plus, car son armure est en métal... là, je tombe... je suis tombée à terre.... comme un bébé qui n'arrive pas à se relever... impression de faire des mouvements inutiles, comme un scarabée sur le dos... ou les coccinelles ou les tortues... qui, sur le dos, peuvent mourir... en fait, je crois que je suis devenue un scarabée... c'est très désagréable, ces petites pattes ridicules... ce gros corps... impression que je suis sans défense, que je vais me faire écraser... et puis, il y a de beaux scarabées, verts, moi je suis noir ! Je grossis... la sphère est devenue énorme... je suis devenue la terre, en toute modestie ! Petite, je me sentais si fragile..."

 

 

Ces images, qui expriment une sensibilité intense et la peur d'être atteint au défaut de la cuirasse, sont pathétiques. Elles offrent aussi l'opportunité de dévoiler l'axe structurel de la symbolique du scarabée. Au début de la séquence, Marthe voit deux fauteuils, occupés par un homme et une femme, côte à côte. La rêveuse évoque ensuite la sensation que lui procure la moto "de ne faire qu'un seul corps" avec celui du pilote.

Cette fusion des termes de la dualité dans l'unité n'est pas une représentation isolée. Elle s'exprime en images originales dans plus de 80% des scénarios qui mettent en scène le scarabée. Dans 60%des cas, il s'agit de la réunion d'un homme et d'une femme, toujours inconnus.

Cette observation renvoie à la conception égyptienne de Khepra, l'Unique, le Principe, "celui qui fut par lui-même". Une constatation corollaire vient renforcer la proposition : dans près de 90% des scénarios pris en référence, alors qu'il se trouve environné par les fourmis, les coccinelles et d'autres représentations plurielles, le symbole impose son existence singulière. Marthe évoque les coccinelles et les tortues mais elle devient un scarabée.

Ce qui frappe, au fil de la lecture des rêves, c'est l'abondance du chiffre 2 et des images de la dualité réunies par un lien ou par un élan de rapprochement. 

 "Je vois deux étoiles filantes qui se télescopent", "c'est un genre d'essieu, d'haltère avec deux roues", "c'est un couloir double qui se réunit, comme la jambe d'un Y", "au fond de la mer, c'est deux énormes scarabées qui s'affrontent lourdement, comme des tanks", "je vois deux triangles accolés, l'un couleur or, l'autre argent", "il y a deux grands arbres, l'un à côté de l'autre, leurs branches s'entrelacent"... toutes les autres images recueillies se rapportent à l'union d'un homme et d'une femme; sans la moindre trace de connotation érotique : "Là, je vois deux profils, deux silhouettes, l'une foncée, l'autre claire, deux visages de profil, un homme et une femme, ils sont encastrés l'un dans l'autre."

Des extraits du cinquième rêve de Ludovic illustreront la plupart des réflexions qui précèdent :

"... Là, je vois un homme... mais c'est la superposition de deux personnages... y a un grand chapeau... c'est dans un couloir qui s'ouvre en deux comme un col de chemise... c'est un énorme corps sans tête... là... je vois des hommes qui portent au-dessus d'eux d'énormes pierres, comme des dolmens... ils sont d'ailleurs pétrifiés eux-mêmes... ils ont été transformés en pierre... c'est comme si j'étais à l'origine de cette pétrification... Je suis assis sur l'une de ces énormes pierres, qui prend une forme étrange... comme si elle devenait un énorme scarabée, un scorpion... c'est ça ! un scarabée ! Comment rendre cet animal vulnérable ? Je n'ai aucune raison de lui faire du mal ! Il est inoffensif... la carapace !... La carapace n'a aucun intérêt ! Elle est morte... c'est une armure..l je vois un œil bleu, lumineux... cet animal, qui est peut-être moi, c'est le rapport entre l'extérieur et l'intérieur... la carapace ne sert à rien... là, je vois deux personnes qui se superposent, qui se touchent... c'est deux parties de moi d'ailleurs, ces deux personnes ! La fusion d'un homme et d'une femme... la carapace, ça fait penser aux pyramides : ces témoins de l'inutile !..."

A travers ces images, Ludovic reconnaît l'inutilité de la cuirasse qu'il a posée sur sa souffrance. Il prend conscience du risque d'écrasement que représente ce scarabée de pierre qu'il a lui-même créé ! Libérer sas sensibilité, accepter de redevenir vulnérable, renouvelleront sa force de vie.  

La séquence révèle aussi l'aspiration profonde à reconstituer l'unité d'être. Renaître dans l'unique, dans la synthèse des dualités fondamentales de la psyché, l'animus et l'anima, c'est ce vers quoi tend l'imaginaire : "un homme et une femme, deux parties de moi-même, qui se superposent".

Au terme de la recherche, le scarabée, insecte obscur, est redevenu l'image lumineuse de la réunion des opposés dans l'Unique, l'exposant de la symétrie des contraires. En termes de symbolique sacrée, il est Khepra, la lumière renaissante, en termes psychologiques il est accès au Soi.

 

 

L'obstacle principal qui s'oppose à la réalisation de l'harmonie entre les valeurs animus et anima est le déséquilibre dans les relations aux images paternelle et maternelle. Lorsqu'on a constaté que 75 % des personnes qui ont produit les scénarios soumis à l'étude ont été, très jeunes, orphelins de père ou de mère, quand on a remarqué que tous les autres étaient, à l'époque de leur rêve, en rapport violemment conflictuel à l'une des images parentales, le sens du symbole devient aisément accessible.


Toutefois, le scarabée du rêve est membre de la grande famille des insectes. Comme tel, il participe de la symbolique exposée dans l'article consacré à ce groupe. L'insecte expose l'aspiration à la métamorphose. Il trahit parfois un désir de solution magique de la problématique. Mais une image qui se prête à la projection d'un élan de transformation a vocation de symboliser la dynamique de renouvellement. Par cette voie, l'interprétation analytique rejoint aussi la symbolique sacrée de l’Égypte.

Lorsqu'il apparaît dans un scénario, le scarabée attire en premier lieu l'attention sur les protections excessives sous lesquelles le rêveur étouffe sa sensibilité. Par-delà les possibles manifestations agressives et les remarquables défenses mentales, le praticien exercé entendra la plainte d'une souffrance qui s'apprête à l'aveu. Le scarabée intervient à l'heure la carapace se fissure, se dissipe la confusion entre sentir et vulnérabilité. Les images sombres dont il aime à s'entourer sont déjà les débris des défenses malmenées.

Qu'on se rassure, derrière la silhouette dure et noire du scarabée, déjà rayonne l'image du Khepra, de l'Unique, prêt à réaliser l'harmonie de contraires qui ne sont plus antagonistes que par la mauvaise grâce d'une problématique embrouillée.

 


Dans l'article consacré aux insectes, pris dans le sens générique nous rapportons l'observation suivant laquelle ceux-là sont étroitement associés aux bruits. 

 Aux bruits de toutes sortes, sauf à l'harmonie musicale. Qu'on se souvienne cependant de la phrase de Jeanne : "Le pépiement des oiseaux, qui n'était qu'un bruit, devient vraiment une musique."  

Le scarabée est le seul insecte autour duquel le bruit se transforme souvent en "vraie musique", en harmonie. Ne faut-il pas entendre cette mystérieuse musique des sphères, cette ineffable symphonie de l'incréé, engendrée par l'unité retrouvée, sous le signe de Khepra ?"

 

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