dimanche 28 août 2022

Le secret de la transmutation

 

Le secret de la transmutation alchimique de l’ombre en lumière, c’est le lâcher-prise 

 

 

Dans la vie, toute ombre qui n'a pas pu être mise en lumière remonte tôt ou tard en surface, c’est une loi à laquelle personne n’échappe. 

 

Le mal-être et l’état de tension que nous éprouvons lorsque nous faisons l’expérience du manque d’amour, à un niveau ou à un autre, est le signe que certaines de nos ombres tentent d’attirer l’attention sur elles. 

Or, que sommes-nous tenté de faire lorsque c’est le cas ? Le plus souvent, nous cherchons à fuir cet état désagréable. Nous cherchons à anesthésier la souffrance. Pour cela, nous nous déportons vers l'extérieur en quête de « remplissage », destiné à combler la sensation insoutenable de « vide » intérieur.  En se déportant de la sorte, on sort de soi, on s’éloigne de la souffrance pour ne plus y être exposé. Ce mécanisme de fuite peut apporter un soulagement ou une satisfaction en réaction à l’éloignement de la souffrance, mais cela ne signifie pas pour autant qu’elle aura disparu. Elle a juste été « étouffée » ; un couvercle a été mis dessus pour ne plus la ressentir, et c'est cet étouffement qui procure un sentiment d'apaisement, sentiment rassurant dont on deviendra petit à petit dépendant !

 

C’est ce que nous sommes tenté de faire lorsque la souffrance et l’état de tension qui lui est associé crient en nous. Alors, c’est comme si nous laissions tomber un enfant triste et affamé parce que sa présence nous insupporte, tant il nous renvoie à nos limites, nos hontes, nos peurs, notre culpabilité, etc. Toutefois, l’étouffer ne lui apportera pas ce dont il a besoin pour retrouver le bonheur et la satiété, bien au contraire, ce sera encore pire. En nous éloignant de lui, nous le laissons tomber, nous l’abandonnons à son triste sort, nous le privons d'attention, et donc d'amour.

 

 

 

 

 

Cette souffrance que nous ressentons, nous devons nous en occuper, la considérer, la mettre en lumière. Mais, comme disait Jung, « ce travail est désagréable, donc impopulaire ». Il est tellement plus facile de fuir vers l’extérieur en quête de stimulation rapide, pour compenser, pour occulter, pour oublier…

 

C’est ce que nous faisons la plupart du temps : fuir le « vide » et tenter de le remplir par des artifices, ou, ce qui revient au même, se laisser captiver mentalement par autre chose, afin de dévier l'attention. C’est ce mécanisme de déportation qui peut, bien souvent, nous pousser à nous remplir d’aliments, à passer des heures sur internet à perdre notre temps (quand bien même chercherait-on à se persuader de faire quelque chose d'utile...), à chercher le partenaire qui pourra nous « combler », à se complaire dans l’inertie, ou à s’adonner à toute activité susceptible d’occuper notre esprit et de nous maintenir en surface, suffisamment éloignés des hurlements de notre enfant blessé.

 

Ce qui est étrange, c’est que le réflexe naturel (et donc normal) face à la souffrance serait au contraire le « repli sur soi », l’envie de ne rien faire. Ce réflexe nous incite à « aller au-dedans de soi » pour y accueillir la souffrance, pour la regarder en face, ce qui est là la seule et unique manière de la mettre en lumière (et par là même d'apprendre à se connaître vraiment, dans le sens du « connais-toi toi-même »). Malheureusement, ce réflexe naturel d’introspection est lui aussi supplanté par le réflexe de fuite

 

Ce n’est que lorsque nous avons épuisé toute notre énergie à nous débattre en surface que, par manque de force, nous replongeons au cœur de l’ombre.

C’est ce que l’on appelle la dépression ! Alors, nous n’avons plus envie de rien ; nous n’avons même plus d’appétit et tout nous paraît fade, insipide, dénué d’intérêt et de sens. Le fait que nous n’ayons plus envie de rien nous oblige à faire face. Et là, acceptons-nous de plonger dans le noir, ou tentons-nous un dernier stratagème pour fuir en restant solidement cramponné à notre mental, se jugeant et se condamnant lourdement de vivre cette souffrance ?

 

Paradoxalement, c’est le refus de la souffrance qui l’alimente et la renforce, créant au fil du temps, un véritable monstre terrifiant, un gardien du seuil hideux, amalgame de toutes nos peurs, nos colères refoulées, nos hontes, nos blessures, nos jugements négatifs, etc. Alors, que faire face à ce monstre, cet enfant blessé renié, meurtri et méprisé ?

 

Imaginons que nous soyons perdus en plein désert. Nous marchons sous le soleil, traînant notre ombre derrière nous. En pleine détresse, affamés, désorientés, nous en venons à accuser cette ombre d’être la responsable de notre triste sort. Nous cherchons à nous en éloigner, mais elle nous suit… comme une ombre.  Nous nous débattons, nous courons dans toutes les directions, mais rien n’y fait, elle reste collée à nos baskets. Nous prenons alors conscience que fuir est inutile et ne fait que renforcer son emprise sur nous.

 

 


 

C’est là que, à bout de souffle et de force, nous commençons à déposer les armes

Face à l’immobilité et au sentiment de vide que nous laisse la vue de notre ombre, remonte en nous le sentiment effroyable de la peur, qui est désormais à vif. Cette peur vient de la croyance que si nous nous abandonnons totalement, l’ombre va nous submerger, et que nous allons en mourir. C’est la peur de la peur, en quelque sorte. 

Et c’est là, en cherchant une ultime issue, que nous réalisons qu’il nous est possible de plonger dans l’ombre pour voir si elle est vraiment si terrifiante qu’elle en a l’air. 

Dans un ultime élan de courage et de foi, nous acceptons de faire le grand saut dans le gouffre sans fond de nos ténèbres intérieures.

 

Nous lâchons prise, en accordant toute notre attention à la sensation de ce vide, et à toutes les émotions qu’il exprime. Nous acceptons, nous cessons de lutter, nous nous détendons intégralement. Nous contemplons l’ombre telle qu’elle est, en la ressentant de l’intérieur. Ainsi, nous ne sommes plus l’ombre, mais la lumière qui contemple l’ombre, et par cette mise en lumière, nous la faisons disparaître. Nous réalisons alors qu’au-delà de nos propres illusions, nous n’avons jamais été rien d’autre que la Lumière elle-même… Nous réalisons que nous sommes le Soleil...

 

 

 


 

 

Le secret de la transmutation alchimique de l’ombre en lumière, c’est le lâcher-prise. 

Il s’agit d’ouvrir les portes de notre incarnation à la lumière de l’Amour, afin qu’elle nous aide à éclairer nos ombres. Par soi-même, c’est-à-dire par les moyens limités de l’individualité, on ne peut rien faire. Nous avons besoin de l’aide d’une Intelligence supérieure, qui est précisément l’Amour. Le lâcher-prise est la porte ouverte à la manifestation subtile de cet Amour, et c’est cette essence subtile que nous pouvons capter par le souffle de la respiration. 

 

Concrètement, cette ouverture se fait dès que nous descendons dans le corps pour y RESSENTIR   nos « ombres » et y RELÂCHER toutes les parties du corps qui se sont crispées sous leur influence. Lorsque nous ressentons, nous ne sommes plus dans le mental, et nous faisons l'expérience de la réalité à partir du Coeur, à partir du centre, et non plus de la périphérie où nous nous déportions jusqu'alors en quête d'une source de stimulation compensatoire destinée à anesthésier ou étouffer la souffrance. La démarche est donc extrêmement simple, peut-être même trop simple pour qu’on veuille bien s’y intéresser et lui accorder crédit.

 

La Nature ayant horreur du vide, elle n’a de cesse de vouloir nous « remplir » d’Amour, mais elle ne peut nous « insuffler » son essence si nous nous maintenons dans la fermeture. 

Cette fermeture se reflète dans le corps par une mauvaise posture et par la crispation musculaire, qui entravent la respiration. En relâchant le corps intégralement, notre respiration peut retrouver un rythme naturel et harmonieux, et nous pouvons ainsi absorber le « souffle vital » nécessaire pour faire l'expérience du bien-être.

 

En se laissant ainsi imprégner par l’énergie d’Amour, nous prenons conscience que notre santé et notre état d’esprit s’améliorent ; nous nous sentons bien, « nourris », sereins, confiants, et naturellement optimistes. C’est la magie de l’Amour, qui, avant d’être un sentiment, est la plus puissante force de guérison, de cohésion et d’harmonisation. Ce n’est que lorsque nous en sommes suffisamment imprégnés que notre Coeur peut s’ouvrir et l'offrir à autrui. 

 

Alors, étant nous-mêmes comblés par cet Amour, nous pouvons le propager sans rien attendre en retour, à l’image du Soleil qui disperse sa lumière sur toute forme de vie, inconditionnellement et de façon désintéressée. 

Si nous nous maintenons dans le lâcher-prise, alors nous sommes constamment « ressourcés », et l'Amour peut se propager librement à travers nous.

 

 

Elan Sarro

 .

 


 

 

 

 

 

jeudi 25 août 2022

La psychologie jungienne expliquée par Frédéric Lenoir

Jeudi 25 août 2022

 

 
 
 
 Extrait :
 
Dans le processus d'individuation, le plus important
le traversée de l'ombre est nécessaire...
(...)
Mais  il y aussi l'idée, chez Jung, qu'il faut aussi s'appuyer 
sur ses ressources lumineuses, que le Soi est le moteur de tout
et que nous avons une puissance spirituelle en nous, 
une énergie vitale, une puissance d'être 
sur laquelle nous pouvons nous appuyer...
(...)
La psychothérapie ne sert pas qu'à guérir 
les souffrances du passé
mais aussi à nous accomplir, à nous développer,
à grandir en tant qu'être humain...
le processus d'individuation est un processus de croissance, 
et la psychothérapie est aussi un outil de croissance spirituelle...

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Passage cité :
de 17 min à 27 min
 
 
 
Jung, un voyage vers soi
 
 
 
 
 

Les Racines de la guerre selon Jung

 

 

 
 
 
      
Toute sa vie, Jung a été préoccupé par le problème de la guerre et il n'est presque pas une œuvre de lui qui ne discute des mécanismes inconscients qui nourrissent les conflits entre humains. C'est cependant dans une série de textes rassemblés dans "Aspects du drame contemporain" qu'il s'est exprimé de la façon la plus complète sur ce sujet, traitant plus spécifiquement de la tempête qui a balayé l'Europe au cours des deux guerres mondiales. 
 
Dans ces études, il se livre pratiquement à une psychanalyse du peuple allemand, principal acteur de ces conflits. Puis la guerre froide entre l'Ouest et l'Est ne cessa pas de l'inquiéter. Dans une de ses dernières œuvres, Présent et avenir, publiée peu avant sa mort, il tente de réveiller la conscience de ses contemporains:
«Aujourd'hui, le second millénaire s'achève et nous vivons dans une époque qui nous suggère des images apocalyptiques de destruction universelle...»

Nous ne nous attarderons cependant pas sur ces œuvres qui parlent par elles-mêmes et n'ont pas grand besoin de commentaires. Nous irons plutôt puiser dans des écrits ultérieurs où Jung a poussé son analyse à des niveaux plus profonds et plus universels et mené ses intuitions premières à leurs ultimes conséquences. Nous pensons ici en particulier à Réponse à Job.

On peut aborder le problème de la guerre selon de multiples points de vue : éthique, politique, économique, sociologique, historique, géographique, etc. Cependant la plupart des approches ont ceci en commun qu'elles cherchent une explication du côté de facteurs qui, d'une façon ou de l'autre, directement ou indirectement, pourraient tomber sous le contrôle de la raison.  
 
On admet que ce comportement aberrant ait pu avoir force de loi dans des sociétés primitives, mais quels que soient les intérêts poursuivis par les belligérants, on ne peut accepter que de nos jours encore la force puisse constituer le moyen de régler les litiges. Il est insultant pour l'intelligence qu'une méthode aussi absurde et aussi inhumaine que la destruction réciproque soit encore envisagée comme remède à l'injustice. 
 
La toute récente guerre du Golfe, où se sont côtoyées les merveilles de la technologie — des bombes intelligentes — et les plus horribles massacres — des humains enfermés dans des tanks où ils étaient tirés à vue comme des pigeons d'argile —, n'est qu'une illustration de trop d'une folie qui défie le plus élémentaire gros bon sens, pour ne rien dire des sentiments moraux qui ont été foulés aux pieds lors de ces tueries.

L'approche de Jung est toute différente. Il pose en principe que l'on ne peut pas attaquer ce problème comme un désordre auquel nous pourrions remédier par une simple application des règles de la raison. La guerre est un comportement irrationnel et l'on ne peut y mettre fin par une décision de la volonté humaine. 
 
Elle s'abat sur l'humanité comme une fatalité devant laquelle la raison est dépassée. Elle est une maladie de l'espèce humaine, une «psychose collective» résultant de ce qu'il nomme souvent une «infection psychique» ou une «contagion psychique», aussi dévastatrice qu'une épidémie de choléra. Et il semble bien que l'on ne soit pas près d'inventer le vaccin qui nous mettra à l'abri de ce fléau. 
 
En exergue du livre "Aspects du drame contemporain", on lit ces lignes de Jacques Madaule qui posent bien le problème:

La guerre est irrationnelle, comme l'amour,
 comme un grand nombre de comportements les plus essentiels. 
Depuis un grand nombre de siècles 
les sages ont rêvé que l'homme se conduise 
selon les règles de la raison
 
Jusqu'à présent leurs efforts n'ont pas donné de grands résultats.
La découverte capitale de ce dernier siècle, 
découverte dont on est loin d'avoir déduit
 encore toutes les conséquences, 
c'est que le monde est mené par des forces irrationnelles.
 
 Ceci ne veut pas dire que l'homme doive abdiquer sa raison, 
mais qu'il n'est pas aussi facile qu'on l'avait supposé 
de le traiter en animal raisonnable.
Si donc l'on veut supprimer la guerre 
il faut prendre conscience de son mystère.
 
 
Si la guerre est irrationnelle, c'est qu'elle est, du moins en partie, fondée sur des motivations inconscientes. Celles-ci exercent une telle pression sur l'affectivité que l'on peut, à toutes fins pratiques, considérer les raisons que l'on invoque pour la justifier comme de simples rationalisations. Si tel est le cas, il ne faut pas songer à affronter directement ces motivations et tenter de les réduire à néant par la force persuasive de la raison. 
 
Le remède est plus subtil et la voie de la guérison beaucoup plus compliquée qu'on le souhaiterait. Elle passe par l'élargissement et l'approfondissement de la conscience individuelle. Telle est, en résumé, la position de Jung, que nous allons tenter d'expliquer dans les pages qui suivent.

        La racine de la guerre serait à aller chercher dans la structure bipolaire de l'inconscient. En effet ce dernier renferme des couples d'opposés qui tiraillent l'être humain et tendent à le diviser. C'est même, selon Jung, le but suprême du développement de la personnalité que d'arriver à un point d'équilibre où l'harmonie s'instaure entre les tendances antagonistes: ce que Jung a appelé le «processus d'individuation».

Pourtant, sans ce jeu des contraires, il ne pourrait y avoir de vie psychique, comme il ne pourrait y avoir, sur le plan physique, de déploiement d'énergie s'il n'y avait différence de potentiel entre des pôles opposés. Mais qui dit opposition dit lutte. Si l'homme est divisé à l'intérieur de lui-même, il n'est pas étonnant qu'il ait tendance à se diviser d'avec ses semblables..

Une première opposition se localise au niveau de la rencontre de l'individu avec le milieu. La survie exige en effet l'adaptation à l'environnement physique et humain.
Or les instruments d'adaptation dont dispose le Moi constituent eux aussi un système polaire. Jung les a appelés «fonctions» du Moi , à savoir la pensée, le sentiment, l'intuition et la sensation, lesquelles «présentent entre elles certaines incompatibilités, dont tient compte leur disposition deux à deux opposées». 

 


 

Cette situation confronte l'individu à la nécessité de se spécialiser dans l'une ou l'autre fonction, qui deviendra son outil privilégié pour traiter avec le milieu. Par le fait même il s'ampute de nombreuses possibilités qui s'atrophient et sont condamnées à sommeiller dans l'inconscient. 

Par sa nature même, le champ de la conscience est extrêmement réduit et ne permet d'actualiser qu'une part infime du potentiel psychologique. Jung le compare d'ailleurs au faisceau étroit d'une lampe de poche qui ne nous permet d'explorer à la fois qu'une portion très réduite de l'environnement nocturne.

Toutes les possibilités qui ont été ainsi reléguées dans l'inconscient, à cause de leur incompatibilité avec les orientations du Moi, constituent ce que Jung a appelé l'«ombre». C'est également dans ce foyer que se concentrent les tendances que l'on a dû refouler pour se conformer au code des mœurs imposé par les parents et la société. Il n'est donc pas difficile de concevoir que l'ombre représente aux yeux de l'individu ce qu'il y a de moins réjouissant dans sa personne. 

Dans Aïon, Jung esquisse une description très convaincante de l'aspect menaçant qu'elle représente pour le Moi:

Un examen plus précis 
des aspects obscurs ou inférieurs formant l'ombre 
révèle que ceux-ci ont une nature émotionnelle
et donc une certaine autonomie,
 et qu'ils revêtent, en conséquence, une forme d'obsession 
ou, mieux, de possession.
 
En effet, l'émotion n'est pas une activité, 
mais un événement qui assaille l'individu.
Des affects naissent généralement 
en des points de moindre adaptation
 et révèlent simultanément la raison de cette faiblesse, 
à savoir une certaine infériorité 
et l'existence d'un niveau plus bas de la personnalité.
 
 Sur ce plan profond où les émotions ne sont qu'à peine 
ou même nullement contrôlées, 
on se comporte plus ou moins à la manière d'un primitif  
qui est non seulement la victime passive de ses affects,
 mais qui manifeste en outre 
une remarquable inaptitude au jugement moral.

 


L'ombre représente donc cette moitié de la personnalité qui fait pendant à tous les processus d'adaptation et vient troubler la clarté de l'image positive que chacun tente de se construire de lui-même. 

Conformément aux prescriptions de la morale traditionnelle, l'individu s'efforce d'acquérir les vertus qui feront de lui un honnête citoyen, un bon parent, un professionnel consciencieux, etc. Mais ce que la psychanalyse a découvert, c'est que ce magnifique travail d'éducation ne peut s'accomplir sans d'innombrables refoulements.

 En clair, cela signifie que les tendances immorales ou antisociales que l'on croyait avoir été déracinées continuent à mener une vie autonome sous le seuil de la conscience. Elles réapparaissent sous le masque de symptômes variés qui vont du simple lapsus à la somatisation la plus grave.

L'ombre constitue donc l'ennemi intérieur, l'empêcheur de tourner en rond, la source des sentiments d'infériorité. Malheureusement elle ne se réduit pas à un accident de parcours, une faiblesse dont, moyennant une bonne dose de volonté, il sera un jour possible de se débarrasser. Au contraire il faut y reconnaître une nécessité de la psychologie humaine, dont le dynamisme même découle de l'opposition entre les tendances contraires. 

Cette théorie occupe d'ailleurs une place centrale dans l'oeuvre de Jung. Par exemple, toutes ses recherches approfondies sur le symbolisme alchimique explorent les multiples façons dont les alchimistes s'y sont pris pour représenter leur «opus», qui n'est autre que la réconciliation des opposés qui se combattent dans la psyché humaine.

Par contre, si jeune que soit la psychologie des phénomènes psychiques inconscients, elle n'en a pas moins établi d'une manière solide un certain nombre de faits qui reçoivent de plus en plus l'accord général. Parmi eux se trouve la structure contradictoire de la psyché, structure qui est commune à toutes les productions naturelles. Celles-ci constituent des phénomènes énergétiques qui proviennent toujours d'un «état moins probable» de tension des opposés. 

Cette formule revêt une importance toute spéciale pour la psychologie, car la conscience hésite généralement à percevoir ou à admettre la nature contradictoire de son arrière-plan, bien que son énergie ait précisément là sa source.

(...)

 

( deuxième partie de l'article ICI )

Raynald Valois

(paru dans le blog "Autour de Carl")

.

 

 

mercredi 24 août 2022

"The shadow" - Marie-Louise Von Franz

 

 
"L'ombre personnelle, c'est le pont
vers l'ombre collective.
 
Si vous connaissez votre ombre personnelle,
vous avez la possibilité de ne pas tomber dans l'ombre collective
et d' échapper aux terribles "psychoses de masse"...
c'est pourquoi c'est si important...
Une personne ordinaire, qui ne connaît pas son ombre
est, elle, emportée par le mal collectif..."

 

   
 
Interview de Marie-Louise Von Franz sur le thème de l'ombre...
 
A écouter ! 

(c'est en anglais, mais vous pouvez activer
la traduction automatique des sous-titres)
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mardi 23 août 2022

Dépression et créativité


 


 

Dans les rêves, les corbeaux sont généralement l'expression de pensées tristes , mélancoliques. 

Vous avez probablement eu l'occasion de voir des tableaux peints par des personnes déprimées, où, au-dessus d'un bois sombre,  d'un désert ou d'une mer déchaînée, des multitudes d'oiseaux noirs traduisent les pensées désolées, déprimantes que l'on a  en un pareil moment, telles que : "Je suis une (ou un) moins que rien, je n'irai jamais mieux, je n'arriverai à rien...". 

Le corbeau est alors un oiseau de malheur.  Mais il est aussi un messager de Dieu parce qu'une dépression   peut être féconde, créatrice, si  l'on accueille de façon juste  les pensées noires qu'elle secrète, si l'on se dit : "En effet, je suis peut-être une moins que rien, mais en quel sens ?" 

Le meilleur moyen de venir à bout d'une dépression n'est pas de la combattre - la radio et le Reader's Digest" ne font qu'aggraver les choses - c'est d'y pénétrer. Il vaut beaucoup mieux laisser monter ces pensées sombres, les accueillir, non pour les ressasser, mais en nous demandant ce qui nous fait penser ainsi. 

Alors, très souvent, ces pensées noires qui étaient prisonnières des profondeurs de l'âme nous apportent le pain dont nous avons besoin. Le but réel d'une dépression est de nous remettre en contact avec l'inconscient, avec le principe divin.

  

Peinture Susan Seddon Boulet


Les ascètes et les ermites entraient volontairement en dépression et s'y abandonnaient jusqu'à ne plus rien savoir et jusqu'à épuisement de leurs forces. La conscience rationnelle a périodiquement besoin d'être obscurcie pour que la lumière nouvelle puisse jaillir, et avec elle , de nouvelles possibilités créatrices, c'est pourquoi le cygne et le corbeau traduisent des réalités très proches; 

La même chose est exprimée en alchimie où le corbeau figure la nigredo, ce noir qui est la première arcane, la matière première du Grand Oeuvre; il est nécessaire d'accepter de se confronter avec l'ombre et avec l'obscurité de l'inconscient dans la mort du moi, pour que se produise la "transmutation".

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"La Femme dans les Contes de fées"

Etude du conte "Les six cygnes"

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Peinture SSB
 


samedi 20 août 2022

Traverser la nuit noire de l'âme

 

 

Qu’est-ce que la nuit noire de l’âme?

 

La nuit noire de l’âme, également appelée la nuit obscure, est une expression qui nous provient à l’origine de Jean de la Croix, un prêtre espagnol qui fut déclaré Docteur de l’Église en 1926. Ce terme, que l’on retrouve dans le titre de son célèbre poème «La noche oscura», représente l’expérience passagère de souffrance profonde vécue par notre Être tout entier, une période où tout s’écroule en nous (écroulement de l’esprit) et autour de nous (écroulement de nos repères extérieurs dans le monde de la forme). 

Lors de cette phase, où plus rien ne nous paraît avoir de sens, que ce soit nos croyances, notre carrière, nos relations, nos buts de vie, une profonde dépression s’empare de nous et se fait sentir non pas au niveau de la personnalité, mais au niveau de l’âme. C’est notre âme qui pleure et qui tente d’établir le contact avec nous.

Lorsque s’enclenche en nous ce phénomène hors du commun, c’est qu’une transformation intérieure est en train de voir le jour. Mais avant, nous devons traverser l’enfer. L’enfer de quoi ? De notre mental. De notre ego. De cette fausse personnalité que nous avons créée pour éviter de souffrir à nouveau.

(...)

 

 

 
Il se pourrait bien que toute la planète
soit en train de passer, en ce moment, 
par une période de "nuit noire" collective.
 
Les événements des deux dernières années ont enclenché
de profonds bouleversements chez les gens...
Ils les ont laissés désemparés et parfois même...
désespérés...
 
L'âme globale de l'humanité
devra-t-elle toucher le "fond" 
avant de retrouver le chemin de la lumière...?
 
 
 

 
 

.Extrait du livre ICI 

 
 
 
 

vendredi 19 août 2022

Le processus alchimique des rêves

 

Les trois étapes majeures du processus alchimique des rêves


1 - LA NIGREDO
2 - L’ALBEDO
3 - LA RUBEDO
 




I - LA NIGREDO

L’œuvre au noir est le travail de l’ombre. C’est le moment de la dépression, de l’homme égaré, perdu. Ce que nous refusons de connaitre nous même et de vivre consciemment devient une sorte de seconde personnalité plus ou moins dissociée et autonome, ombre individuelle et collective.

L’ombre dans les rêves est du même sexe.

Qu’as-tu fait de celle ou de celui que tu aurais dû être ? C’est la question de l’ombre.

L’homme (ou la femme) qui fait face à son ombre entre dans le conflit : c’est la nigredo. Première étape : La cuisson alchimique. L’intégration de l’ombre dans le conscient. A ce moment là, la tension intérieure est moins grande, un soulagement s’opère.

L’approche de l’ombre dans les rêves se présente sous forme de conflits, de guerres, de menaces, de noir (ambiance sombre). Le rapport avec l’ombre peut prendre la forme de séduction homosexuelle.

L’ombre est ce qui manque à chaque personnalité ou ce qui aurait pu vivre et qui n’a pas vécu. L’ombre est ce que le sujet ne reconnait pas et qui le poursuit inlassablement. L’ombre est l’inévitable contrepartie de ce qui a été réalisé. 

L’ombre est d’abord repérable à des figures qui ont le même sexe que le sujet et qui sont les principaux acteurs de ces rêves. Ces personnages ont des traits de caractère et des façons d’agir qui sont la contrepartie de la personnalité consciente.

L’élaboration consciente s’est marquée d’une succession de rejets : tabous, interdits, dénis, refoulements, défenses. Ces répressions ne sont jamais des suppressions. Au pire, elles s’enfouissent dans le corps ou se projettent sur l’entourage.
Les contenus inconscients qui devraient faire l’objet d’une intégration tendent à devenir négatifs.
L’homme qui fait face à son ombre entre dans le conflit : nigredo, nuit, le sombre. Mais le réel se construit dans la conjonction des opposés. L’archétype du Soi ou de la totalité est à l’œuvre. Il tend à briser l’unilatéralité du conscient.
  Le passage par l’ombre peut passer par un abaissement de l’intelligence. L’esprit ne fonctionne plus, la mémoire est défaillante, les mots manquent, la sensibilité est une angoisse alternant avec la torpeur. Phase symbolisée par le plomb.

Comment l’homme peut-il vivre avec son ombre sans qu’il en résulte une série de malheurs ? "Jung"

Œuvre au noir : dissolution, il faut se défaire de certaines identifications qui ont permis de se construire.


II - L’ALBEDO

 
L’œuvre au blanc. Le clair de lune. La clarté vient de l’inconscient.
Union de l’esprit et de l’âme.

La forme animale obscure, dominée par les pulsions et les instincts, fait place à une figure plus humaine renouvelée, apaisée, purifiée.

La blancheur suggère la purification, le fait de ne plus être contaminé par la matière, c'est-à-dire les projections. On devient calme, objectif, serein. Certains problèmes se clarifiant, on a l’impression que l’on comprend : cela s’appelle le blanchissement.
 
C’est la lumière qui apparait après les ténèbres.
Dans les rêves : la rosée du matin – les éléments blancs du rêve. 

Œuvre au blanc : la purification


III - LA RUBEDO

 
L’œuvre en rouge. L’œuvre se trouve achevée par la rubedo. La pierre qui possède un corps, une âme, un esprit. Le lever du soleil.

Le Soi règne. C’est l'obtention de la couleur rouge, de la conscience rayonnante ou conscience d’amour. Puis ce rouge éclatant doit devenir plus modéré, grenat ou violet…pour faire...de l’or.

Mariage de l’homme rouge et de la femme blanche, du soleil et de la lune.

La rubedo est le troisième degré, UNION esprit-corps-âme. C’est aussi la spiritualisation du corps et la corporification de l’esprit. La rubedo amène une force d’âme et d’engagement.

Elle correspond à la participation croissante, à l’implication de la conscience qui commence de son coté à agir sur les contenus fournis par l’inconscient.  
 
Œuvre au rouge : retour à l’humain individué – retour à la terre.

 

Elisabeth Chaillou

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 Lire aussi :

"Etapes du processus d'individuation" 

 


 

L'Ombre et le Soi

 
 
 
 


jeudi 18 août 2022

L'irisation, phase alchimique

 

L'Irisation, phase alchimique 

 

Carl Gustav Jung écrit  dans "Mysterium conjunctionis":  

"Iris, l'arc-en ciel, en tant que phénomène coloré, a pour parallèle la cauda pavonis, la queue du paon, sujet de prédilection des dessins et gravures dans les anciens ouvrages imprimés et manuscrits. Ces images représentent non seulement la queue, mais le paon tout entier. 

C'est parce qu'il signifie "toutes les couleurs", c'est à dire l'intégration de toutes les qualités, qu'une gravure d'Henri Khunrath le représente, avec logique, sur les deux têtes du rebis dont il manifeste l'unité."

 

 


(...)

Au début la couleur de la matière de l’œuvre est le noir (nigredo) :
Une fois le Corbeau tué, il se transforme en Paon qui fait la roue. 
C'est à ce stade qu'il est possible d'apercevoir la déclinaison de toutes les couleurs variées
c'est à dire l'ensemble du processus.
 
Par la suite, la matière prend l'apparence d'un Cygne 
car elle est blanchie au cours du processus d'Albedo
Cette période est une pleine collaboration entre les deux polarités
 que sont l'inconscient et le conscient et ne peut se réaliser 
qu'avec l'investissement et la collaboration de ces deux polarités.
 
 (...)
 
Le phénomène des couleurs de la roue du paon ou de l'arc en ciel se retrouve dans le cercle chromatique de Newton (ou spectre des couleurs).  
En effet, Isaac Newton démontre au XVII° siècle que la lumière blanche peut se décomposer en rayons multicolores et se recomposer à nouveau en lumière blanche. 
Pour cette expérience, Newton place les 7 couleurs de l'arc-en-ciel sur une roue qu'il fait tourner suffisamment vite pour obtenir la lumière blanche.
 
 
En d'autres termes, si au sortir de l’œuvre au noir l'ensemble du spectre des couleurs apparait à l'alchimiste, elles se réunissent toutes dans la couleur blanche. 
 Cette seconde étape de l’œuvre est nommée Albedo (blancheur en latin). 

 

Aqua permanens 

 

Iris et les 7 paons
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Avez-vous jamais […] vu la couleur des ténèbres 
à la lueur d’une flamme  ? 
Elles sont faites d’une matière autre 
que celle des ténèbres de la nuit sur une route,
 et si je puis risquer une comparaison, 
elles paraissent faites de corpuscules 
comme d’une cendre ténue, 
dont chaque parcelle resplendirait 
de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. 
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Il pleut, le soleil luit, et l’écharpe d’Iris

Rend ceux qui sortent avertis

Qu’en ces mois le manteau leur est fort nécessaire.

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Jean de La Fontaine

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mardi 16 août 2022

Symbolisme onirique de la multicoloration

 

 


Une approche naïve de la symbolique induirait la supposition que, dans l'imaginaire, l'expression toutes les couleurs se rapporte en priorité à l'arc-en-ciel. Au fil de nombreux rêves le chercheur rencontrera effectivement parfois la multicoloration liée à l'arc-en-ciel, quelquefois aussi au perroquet. Dans l'article relatif à chacun de ces deux symboles, nous montrons, cependant, que les couleurs ne constituent pas l'axe dominant de leurs interprétations.

En ce qui concerne l'arc-en-ciel, une caractéristique précise le sépare radicalement de ce nous allons appeler la profusion colorée. Un arc-en-ciel expose un spectre de couleurs rangées dans un ordre immuable, organisées dans un arc de cercle de la rencontre de l'eau et de la lumière solaire. La profusion colorée, dans le rêve, c'est-à-dire dans l'inconscient, veut la dispersion, le foisonnement, la décoordination des couleurs.

Ce n'est pas dans un ciel que le rêve choisir de répandre ainsi les couleurs mais dans la profondeur. Le trésor multicoloré jette ses feux au profond d'une grotte sous-marine ou dans la caverne cachée dans la terre. Parfois, la multicoloration est illustrée par un champ de fleurs ou par un banc de poissons. Ce n'est plus la lumière solaire qui est décomposée mais une lumière intérieure, à l'origine insituable.

L'imaginaire veut des supports qui servent la notion de profusion désordonnée. Les couleurs de l'arc-en-ciel offrent une voie. Elle sont le signe de l'alliance continue entre le monde et son principe créateur. Les couleurs du trésor sont une révélation instantanée, l'exposition soudaine et simultanée de toutes les potentialités d'une âme qui se découvre en fulgurance.  

 

Le trésor des valeurs inconscientes prend souvent l'apparence des pierres précieuses mais le patient est prompt à reconnaître que le prix de celles-là ne s'évalue qu'à l'étalon des signes ! La fascination qu'exerce l'abondance des couleurs ne relève pas de la possession des richesses matérielles.

La rêverie ambitieuse ou narcissique peut s'attarder dans la contemplation d'un trésor possédé. Le rêve éveillé, lui, agent d'évolution, exprime par toutes les couleurs une liberté d'être, de ressentir, qui ne veut être soumise à nul ordonnancement. Le temps de la multicoloration n'est pas le temps d'un choix, c'est celui de la révélation, de la découverte des potentialités. C'est le temps d'une ouverture multidirectionnelle. 

Bien des fois, au fil de l'imaginaire, le rêveur accompagnera l'expression "toutes les couleurs" par celle de "tous les sens". Une psychologie qui se déploie dans la profusion colorée se veut libre d'investir toutes les directions de l'espace, et même de créer "tous les êtres, même ceux qui n'existent pas sur la terre "!

Chaque couleur, lorsqu'elle apparaît isolément, qu'il s'agisse du bleu, du rouge, du jaune ou de tout autre, confère à la scène qui l'accueille une tonalité psychologique puissante et précisément orientée. Lorsque les pierreries mélangées éclatent au regard intérieur du patient, c'est toutes les nuances de la palette d'un dieu qui croisent leurs rayons comme au premier matin de la création.

 

  

Les joyaux colorés sont présents sur la roue du paon. Pourtant cette image est assez peu utilisée par l'imaginaire. La vision la plus fréquente est celle d'une grotte, sous-marine ou souterraine, dont les parois renvoient les mille feux des pierres précieuses qui y sont incrustées. Il faut accepter de descendre sous les eaux ou sous la terre pour atteindre, au centre de la psyché, le trésor intérieur, étincelant de toutes les couleurs. 

 Lorsqu'elle intervient dans un scénario, l'expression toutes les couleurs est un indice d'animation psychologique. Cela peut se produire dès les premières séances de la cure. 

 La multicoloration est un signe de vie, de résurrection, de création. Le rêveur, tout à coup, renoue avec ces forces créatives qui l'animaient aux premiers temps de son existence. Au gré des expériences enfantines bien des lumières s'étaient éteintes, bien des jeunes pousses avaient été privées de sève et s'étaient figées en apparence de bois mort. L'engagement dans la cure, à travers les chemins d'images, a réveillé ces élans en sommeil. La vie revient en force dans des zones jusqu'alors inaccessibles de l'enchevêtrement neuronique. 

 Une première séquence, composée par des extraits du neuvième scénario d'Edouard, mettra ces notions en situation :

"... là, je plonge, sans regarder l'eau... je pénètre dans l'eau... je m'enfonce dans l'eau... j'ouvre les yeux... l'eau est parfaitement claire... il y a des poissons autour de moi... je m'enfonce... je m'enfonce... je remonte pour respirer... rassuré par ce premier plongeon, je m'enfonce à nouveau, très très très profondément je traverse de des bancs de poissons aux couleurs très vives... je continue à m'enfoncer... me voici très loin au fond de la mer... je me sens dans mon élément... je m'assieds un peu pour me reposer... puis... je creuse... je fais un trou dans le fond de la mer et je m'y enfonce... avec l'eau... je viens de pénétrer dans une carrière peuplée d'arbres morts... comme de vieux vestiges... c'est comme si cela avait été habité autrefois... et, à mesure que l'eau pénètre, les arbres commencent à se garnir de feuilles de toutes les couleurs... et il y en a de toutes les espèces... et le paysage qui était morne, triste, sinistre, est à nouveau en vie et splendide... des animaux courent de branche en branche : des écureuils, des singes et des oiseaux... et maintenant, il y a toutes sortes d'animaux qui s'arrangent bien entre eux... et toutes les saisons défilent et se succèdent... il y a un ciel magnifique, j'entends de la musique : l' "Hymne à la joie de Beethoven... et maintenant, il y a plein de gens, hommes, femmes, enfants, habillés de toutes les couleurs, de couleurs vives, bleues, rouges, orange... et le soleil fait scintiller toux ces vêtements de couleurs... de toutes les couleurs... tout est devenu simple sur la terre..."

Beaucoup de rêveurs et de rêveuses associent spontanément dans leur scénario une symphonie de couleurs à la symphonie musicale, à l'harmonie d'une gestuelle libérée des contraintes physiques ainsi qu'au foisonnement créatif d'un monde en formation. 

L'écureuil, les petits singes et les oiseaux d'Edouard sont des indices qui apparaissent lorsque la disparition de quelques inhibitions majeures vient de restituer à l'influx nerveux l'accès à des régions neuroniques depuis longtemps impénétrables. Nous résumons en quelques passages un long rêve de Sarah, produit au cours de la vingtième séance de sa cure :

"... Impression d'un village très ancien, vieilles bâtisses avec des enseignes d'artisans... ça doit être a Moyen Âge... je vois des personnes vêtues de longues robes et de coiffes souples... je vois beaucoup de couleurs, du vert, du bleu, un bleu très particulier... du rouge, du jaune... [...] Une bibliothèque avec de gros livres reliés en cuir... des gens qui y travaillent dans le silence... une porte s'ouvre sur une église... je vais m'agenouiller au centre... c'est un endroit d'où i peut capter le ciel... je capte tout, comme si j'étais branchée, liée au divin... impression que la Source est là.... maintenant, il y a plein de monde qui prie... là, je sens un ralentissement cardiaque, comme si je faisais une descente, comme si j'étais capable de descendre sous le sol... je descends, profondément... je me trouve sous la terre, dans une grotte... il y a un petit lac... qui est plein de lumière... comme si des pierres précieuses de toutes les couleurs jetaient de la lumière, du vert, du rouge, du bleu... cette grotte est comme un ventre... un ventre de joyaux... j'ai le contact avec la terre, c'est humide... je prends une galerie... je traverse d'autres grottes plus petites... chaque grotte a sa lumière propre : un vert d'eau très lumineux, un rouge très vif, un orangé, une lumière bleue... un très beau bleu profond... je pense "outre-mère", puis un jaune assez vif... [...] Je suis sortie au jour : c'est à la fois un lieu antique et futuriste... les maisons sont dans une matière comme du cristal... c'est un lieu du futur sur la terre... ce qui frappe, c'est le silence... et la liberté... comme si chacun avait la possibilité d'aller partout sur sa simple initiative... c'est libre ! Tout à coup, j'ai l'impression d'être dans un prisme qui s'ouvre dans toutes les directions, à la fois translucide et diffusant toutes les couleurs, comme des cristaux... [...] Maintenant, je vois une jeune femme vêtue de blanc, aux longs cheveux souples... je pense à la Vierge marie, jeune et sa tunique blanche prend aussi toutes les couleurs... mais là, des couleurs très douces... et qui rentrent à l'intérieur de moi... c'est une très belle image... mon corps sort du cristal... il peut aller partout, prendre n'importe quelle forme... ça bouge, c'est vivant... y a de la musique, de la danse, je suis bien dans ma peau..."

Ces derniers mots rappellent l'une des définitions que proposait C. G. Rogers de ce qu'il nommait la good life, c'est-à-dire le fait d'être bien dans sa peau. "C'est, disait-il, l'état de la personne capable de se mouvoir, psychologiquement, dans toutes les directions..."

 

Ce qui frappe, au cours de l'étude de ces rêves, c'est la ressemblance de leurs structures. La plupart des scénarios pris en référence présentent plusieurs séquences, parfois très longues, pendant lesquelles l'imaginaire ne semble pas avoir d'autre but que de permettre au patient de vivre l'expérience de la liberté d'être.  

Rêveurs et rêveuses se laissent descendre profondément sous l'eau ou sous la terre pour y découvrir le trésor minéral qui irradie toutes les couleurs. Quel que soit l'habillage, naturellement personnalisé, dont la scène est revêtue, elle est toujours de l'ordre de l'expérience vivante. Il serait vain de s'attarder au déchiffrage minutieux de chaque image composant ces visions. Celles-là sont à considérer dans leur globalité, pour ce qu'elles expriment : la réalisation d'une connexion avec ce que le centre de la psyché recèle de plus fécond.

Pourtant, presque tous ces rêves s'achèvent par une séquence qui renvoie le patient à l'un des aspects particuliers de sa problématique. L'observation révèle un vaste champ de possibilités, allant de la résolution d'angoisses métaphysiques à l'expression de séquelles des conflits œdipiens. On note cependant une fréquence à dominante des évocations des rapports avec les collatéraux. La multicoloration renvoyant le rêveur à son âme d'enfant, il n'est pas surprenant de constater l'émergence des rivalités vis-à-vis des frères et sœurs, compétitions qui ont eu de lourdes influences sur le développement de la personnalité. 

 La grotte-ventre de Sarah oblige à considérer l’hypothèse la profusion colorée serait un souvenir d'expériences plus anciennes encore et datant du séjour dans le ventre maternel. Des excitations chimiques ou mécaniques du nerf optique auraient provoqué une première perception de la multicoloration.

La Vierge de Sarah, vêtue "d'une simple tunique blanche qui prend aussi toutes les couleurs", alors que la rêveuse se voyait précédemment dans un prisme d'où sortait les couleurs, se rapporte à l'unité et à la décomposition de l'être. Les scénarios soumis à l'étude font aussi apparaître une association nette entre le cheval blanc ailé et la multicoloration. La Vierge en blanc, le cheval blanc ailé, symbolisent l'idéalisation, la sublimation, la poétique et l'élévation.

 

 

Les pierres précieuses, on l'a vu, diffusent leurs rayons de lumière multicolores au sein de la terre ou des eaux. Ainsi,"toutes les couleurs" représentent une base de précieuses potentialités, non pas décomposées mais disponibles, offertes à la composition. La lumière intense et fugitive du trésor aux multiples couleurs relie le patient à des ressources oubliées. Un instant aura suffi pour qu'il renoue avec des énergies inépuisables.  

Le praticien averti verra dans cette expérience l'annonce de vastes restructurations de la psyché. Il lui suffira souvent de porter son attention sur la dernière séquence du rêve pour y lire l'aspect de la problématique le plus immédiatement exposé à l'évolution.