vendredi 29 juillet 2022

Jung et son ombre

 


 
    Vous allez sans doute secouer la tête avec incrédulité, si je me hasarde à remarquer que je n'aurais probablement guère été en mesure de formuler le concept d'ombre si l'existence de l'ombre n'avait été une expérience majeure de ma vie, faite non seulement sur les autres mais aussi sur moi-même.
...

Mon ombre est, de fait, tellement grande qu'il m'était impossible de ne pas en tenir compte dans mon projet d'existence, et que je devais même la considérer comme une partie essentielle de ma personnalité, tirer de cette vérité reconnue les conséquences et en assumer la responsabilité. J'ai dû reconnaître, à travers beaucoup d'expériences amères, que le péché que l'on croit que l'on est, on peut le regretter, certes, mais non le supprimer.

Je ne crois pas au tigre qui s'est converti une fois pour toutes au végétarisme et ne mange plus que des pommes. Ma consolation a toujours été ce Paul (*) qui ne tenait pas pour en dessous de sa dignité d'avouer qu'il portait une écharde dans sa chair.

Mon péché est devenu pour moi ma tâche la plus chère. Je ne m'en décharge sur personne pour ensuite me prendre pour un sauveur qui sait toujours ce qui est bon pour autrui.


 Lettre de C.G. JUNG du 9 novembre 1955

 

 

 (*) Jung parle ici de l'apôtre Paul...


mardi 26 juillet 2022

Ombre personnelle et ombre collective

 

 

Qu’est-ce que l' "ombre" selon la psychologie ?

L’ombre est le côté de votre personnalité qui contient toutes les parties de vous-même que vous ne voulez pas admettre avoir.

C’est d’abord un côté inconscient. Ce n’est qu’en faisant des efforts pour prendre conscience de soi que nous reconnaissons notre ombre.

Bien que beaucoup en déduisent que l’ombre est "négative" , ce n’est pas vraiment vrai. L’ombre est plutôt ce que vous percevez vous-même comme sombre et faible en vous, et qui a donc besoin d’être caché et nié. Mais cela dépend de votre propre perspective sur la vie, et de vos niveaux d’estime de soi.

Alors que pour une personne, son ombre peut juste contenir des éléments classiques comme la tristesse, la rage, la paresse et la cruauté, vous pouvez aussi cacher votre pouvoir personnel, votre indépendance ou votre sensibilité émotionnelle.

 

Comment puis-je me débarrasser de mon côté Ombre?

On ne peut pas "ne pas avoir" d’ombre. Peu importe à quel point quelqu’un peut sembler "gentil" ou "heureux" , il a une part d’ombre comme n’importe qui d’autre.

Vous ne pouvez pas non plus vous " débarrasser" ou  "guérir" de votre ombre. C’est une partie essentielle et utile de vous.

Votre ombre est quelque chose qui peut effectivement offrir de nombreux cadeaux de perspicacité et de pouvoir personnel, si vous osez la comprendre.

 

Jung et l’ombre

 

 

Le terme « l’ombre » a été rendu populaire par Carl Jung. Il la voyait comme le côté non civilisé, voire primitif, de notre nature. Il croyait que nous avions besoin de voir pleinement ce côté sombre de nous-mêmes si nous voulions être un humain pleinement intégré.

Jung ne pensait pas que ce n’était que les individus qui avaient des ombres. Il parlait aussi de  "l’ombre collective" , où les gens unissaient leurs ombres en groupes ou en sociétés. 

Il voyait cela comme un très grand danger pour la civilisation lorsqu’une ombre collective était  » projetée  » (voir plus sur la projection ci-dessous).

 

Pourquoi ai-je besoin de connaître mon ombre ?

Lorsque nous reconnaissons et faisons face à notre ombre, nous pouvons devenir plus entiers et équilibrés.

Par exemple, si nous acceptons et faisons face à notre colère, nous pouvons alors établir de meilleures limites. Et si nous acceptons pleinement notre tristesse, nous pouvons aussi ressentir la joie plus pleinement, et sommes plus susceptibles de trouver un juste milieu de contentement plutôt que d’être bloqués d’un côté du spectre émotionnel.

Connaître votre part d’ombre améliorera également vos relations. Ce que nous pouvons accepter et comprendre de nous-mêmes, nous sommes alors plus à même de l’accepter et de le comprendre chez les autres.

Si vous vous sentez peu créatif dans la vie, travailler à comprendre votre ombre pourrait vous aider. Jung a fait le lien entre l’ombre et la créativité. Peut-être que plus nous nous sentons libres émotionnellement, plus nous sommes libres dans nos façons de penser et d’accomplir des choses.

Notez que lorsque nous réprimons et nions des choses sur nous-mêmes, elles ne disparaissent pas. Au contraire, elles peuvent gagner en puissance et nous causer de plus en plus de difficultés. Souvent, notre part d’ombre refoulée le fera via ce que l’on appelle la projection psychologique.

 

L’ombre et la projection psychologique

La projection psychologique consiste à attribuer à une autre personne une pensée, un sentiment ou même un talent inconscient qui nous est propre.

Quand il s’agit de l’ombre, il s’agira d’un attribut apparemment  "inacceptable" que vous voyez chez une autre personne, et la projection est souvent formulée sous forme de blâme.

Par exemple, vous pouvez avoir l’impression que tout le monde autour de vous est paresseux et égoïste. La raison pour laquelle vous n’avancez jamais dans la vie est qu’ils sont tous trop égocentriques pour vous aider. Si vous vous regardiez honnêtement, vous constateriez probablement que c’est vous-même qui avez tendance à être égocentrique et inactif.

La projection de l’ombre collective se voit dans des choses comme les horreurs de la Seconde Guerre mondiale, où les nazis projetaient certains attributs uniquement sur les Juifs. Une version moderne serait la tendance à considérer tous les musulmans comme dangereux et des  "terroristes" potentiels, en niant à quel point notre société occidentale est dangereuse avec une longue histoire de terrorisme contre d’autres groupes.

 

Comment connaître son ombre

L’ombre est généralement l’une des premières choses auxquelles nous sommes confrontés lorsque nous commençons à suivre une thérapie. La création d’un espace sûr où nous pouvons parler à quelqu’un qui n’est pas personnellement investi dans notre vie signifie que nous nous retrouvons à dire des choses que nous ne savions même pas que nous pensions et ressentions.

Les autres façons d’accéder à votre ombre comprennent la tenue d’un journal et le travail avec vos rêves et les archétypes que vous y trouvez.

Bien sûr, regarder ce que vous reprochez constamment aux autres a tendance à être une route directe vers votre ombre. Quelles sont les choses que vous aimez le moins chez les autres ? Cette caractéristique existe-t-elle aussi en vous ? Pouvez-vous penser à un exemple, même, de quand vous avez fait quelque chose de similaire ?

Il est important, lorsque vous travaillez à reconnaître et à comprendre votre part d’ombre, de ne pas trop vous identifier à elle. Si vous traversez une période de faible estime de soi ou de dépression, par exemple, ce n’est pas le moment de vous adonner au travail de l’ombre parce que vous n’êtes pas dans l’espace de tête pour reconnaître vos forces, aussi. C’est pourquoi il peut être judicieux de faire un travail sur l’ombre avec un soutien approprié en place.

 

Avoir de l’aide pour comprendre votre ombre

L’analyse jungienne est bien sûr utile comme voie d’exploration de votre ombre.

Mais en réalité, toute sorte de thérapie par la parole qui cherche à obtenir une image plus large de la façon dont vous êtes devenu la personne que vous êtes aujourd’hui sera tout aussi utile. Cela inclut les thérapies à long terme comme la psychothérapie psychodynamique, la thérapie des schémas, la thérapie existentielle et la thérapie comportementale dialectique (TCD), ainsi que les thérapies à plus court terme comme la thérapie analytique cognitive (CAT), et la thérapie interpersonnelle dynamique (DIT).

 

 Article complet ICI

 .

 


lundi 25 juillet 2022

Citations

 

 

Je vous écris d’un pays autrefois clair.
Je vous écris du pays du manteau et de l’ombre.
Henri Michaux

  Le chemin vers la lumière parait sombre…
la vraie clarté semble obscure…

Lao-tseu   Tao tö King 41

  Celui qui refuse de voir les ombres
ne voit pas non plus la lumière.

Fabrice Midal

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Ce n'est pas en regardant la lumière qu'on devient lumineux, mais en plongeant dans son obscurité. Mais ce travail est souvent désagréable donc impopulaire.  - Carl Gustav Jung

 

L'ombre emprisonne notre créativité 
quand on dépense l'énergie qui déborde 
dans nos défauts (colère, etc ...)
au lieu de la récupérer.

  L'ombre est de l'énergie mal utilisée. 

L'énergie une fois récupérée, 
le moi et l'ombre sont reliés, 
ce qui exige patience et courage, 
car la totalité de notre être n'est pas perfection 
mais intégration.
 
Rolande Biès





vendredi 22 juillet 2022

Nommer l'ombre

 
 

Nous sommes à une époque où beaucoup de philosophes, thérapeutes ou petits maîtres de sagesse 
jouent la rengaine du "bonheur à tout prix " , le tout relayé par le courant psychologique 
à la mode de la pensée positive « à tous crins », venant d’Outre-atlantique.
 
Cette pensée positive du bonheur à tout prix me semble problématique et douteuse,
surtout quand elle déborde dans le domaine d’une spiritualité tellement bienheureuse 
qu’elle finit par sentir l’âcre parfum de l’eau de rose,
en particulier avec cette « pleine conscience » qui est en réalité « pleine à moitié »,
car il lui manque la partie essentielle du chemin de son évolution,
c’est à dire la nécessité pour chacun de traverser d’abord son Ombre.
 
Cela fait d’abord référence à ma pratique professionnelle en psychothérapie,
il s’agit de faire un long travail sur soi-même pour visiter sa part d’ombre,
afin de récupérer à la lumière de la Conscience, 
toutes les zones obscures de l’Inconscient :
 
d’abord la programmation de l’archaïque cerveau reptilien-limbique,
faisant de chacun d’entre nous, un potentiel redoutable prédateur,
obnubilé par la survie, dans l’urgence, de son petit moi toujours en manque ;
ensuite vient la programmation des traumas et contrariétés infantiles,
– c’est souvent l’essentiel du travail psychothérapeutique -,
mais il faudrait aussi parler des redoutables programmations 
de la naissance et de la vie intra-utérine,
des encombrants bagages légués par les lignées psycho-générationnelles,
et pourquoi pas, comme le préconisent les traditions spirituelles orientales,
ce lourd « karma » hérité de nos vies antérieures ratées.

Le travail sur soi est immense, il n’est jamais terminé,
La Conscience n’en a jamais fini de récupérer 
ou d’intégrer toute cette inconscience humaine 
rendant son histoire si chaotique.

La Lumière n’en a jamais fini avec l’Ombre, 
son éternelle compagne de chemin,
et la pleine conscience signifie d’abord 
conscience de cette dualité Ombre – Lumière, 
qui est la marque obligée de la vie humaine sur cette terre.
 
Le pire ce sont les petits maîtres de sagesse 
quand ils professent la méditation
 et son plat bonheur du moment présent.
Bien sûr, il y a cette expérience méditative indéniable, 
procurant même chez le débutant une sorte de paix et de calme intérieur,
mais cela a plutôt à voir avec un état de relaxation physique, 
émotionnelle et mentale qui ne peut être qu’éphémère 
le temps de la méditation.
Sitôt de retour dans l’environnement coutumier, 
les tempêtes émotionnelles de l’ego 
reprennent le dessus avec d’autant plus de violence 
qu’elles ont été réprimées par ces pseudo méditations du bonheur,
c’est ce qu’on appelle aussi le redoutable retour du refoulé.
 
 
 

 
 
Pour moi,  la méditation commence donc 
par la méditation sur son ombre,
c’est à dire avec les états intérieurs problématiques,
avec lesquels il s’agit de s’entraîner, encore et encore, à accueillir,
 observer, accepter avec l’oeil de la Conscience, 
toutes les sensations, ressentis et pensées délétères.
C’est au contact de l’Ombre intérieure
 que la Lumière de la Conscience se raffermit 
et prend sa dimension réellement lumineuse,
de sorte que peu à peu Celle-ci intègre et transcende 
la dualité originelle du bien et du mal,
de l’ombre et de la lumière.

Cela veut dire que la pleine conscience n’est ni heureuse, ni malheureuse, 
elle est les deux à la fois, dans un espace intérieur qui les transcende,
et qui se traduit le plus souvent par la qualité d’un certain silence, 
accompagné d’un regard grave en même temps qu’amusé et distancié.

Dans la continuité de cette critique du plat bonheur méditatif, 
voulant faire l’économie de l’ombre,
je citerai volontiers Fabrice Midal 
dans une récente newsletter :
« La spiritualité comme la psychologie apparaissent aujourd’hui comme des méthodes pour ne plus être en rapport à la douleur, et regarder les choses de « manière positive ». Elles nous égarent.
Car, étrangement, si nous lisons un poème de René Char, un livre de Proust ou que nous regardons un tableau de Cézanne, nous sentons qu’il y a un élément de douleur contenu dans ces œuvres. Si nous écoutons un quatuor de Mozart ou une sonate de Schubert, nous avons parfois les larmes aux yeux — mais cela ne nous inquiète nullement et nous éprouvons même cette expérience comme bénéfique.
Pourquoi une telle différence ? L’art est-il plus près ici de la vérité que la psychologie, que la spiritualité et qu’un certain discours social aujourd’hui prédominant ? »
Je renchéris avec lui sur l’exemple d’un certain art, 
le grand art, le « grand style », 
comme dirait Nietzsche,
quand l’artiste n’a pas peur d’exprimer l’ombre 
– c’est à dire les accents de la souffrance et de la douleur mêlées –
dans une expression artistique quelle qu’elle soit, 
conduisant sur le chemin d’une rédemption possible 
par la beauté et par l’harmonie.

L’oeuvre d’art n’en est alors que plus forte, 
n’en est que plus intense et plus vraie,
renouant avec la grande tradition grecque de la tragédie,
au plus près de la condition humaine entre chaos et cosmos,
avec ce chemin de la conscience, très étroit, 
semé d’embûches et d’épreuves.
 
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