Vendredi 29 octobre 2021
.
Qu'est-ce qu'un "Grand Rêve" ? C'est un rêve qui n'est pas seulement personnel, c'est un rêve plus marquant que nos rêves habituels, un rêve aux images fortes, qu'on ne peut s'empêcher de raconter... parce qu'il est de ceux qui concernent tout le monde.
Vendredi 29 octobre 2021
.
Lettre datée du 23 septembre 1949
Dear Mrs Thompson,
(...) Vous savez que je suis tout aussi fortement préoccupé que vous par la situation mondiale, aussi dangereuse qu'inouïe. (...)
Du point de vue psychologique, je pourrais dire beaucoup de choses sur l'état pitoyable où se trouve actuellement le monde. Mais cela conduirait très loin je le crains, dans le domaine d'une complexité psychologique qui demanderait des explications approfondies.
Je vais essayer d'être simple.
Une situation politique est l'expression d'un problème psychologique psychique parallèle chez des millions d'individus. Ce problème est en grande partie inconscient (ce qui le rend particulièrement dangereux).
Il résulte du conflit entre un point de vue conscient (éthique, religieux, philosophique, social, politique et psychologique) et un autre point de vue, inconscient, lui, qui présente les mêmes aspects mais à un niveau plus "bas", c'est-à-dire plus archaïque.
A la place d'une "haute" éthique chrétienne, on voit apparaître les lois du troupeau, l'écrasement de la responsabilité individuelle et la soumission au chef du clan (morale totalitaire).
A la place de la religion, on adopte superstitieusement une doctrine ad hoc de la vérité ;
à la place de la philosophie, se constitue un système dogmatique et rudimentaire qui "rationalise" les instincts grégaires ;
à la place d'une organisation sociale différenciée, un amas chaotique et absurde d'individus déracinés qui sont maintenus sous la violence et la terreur pure, et aveuglés par des mensonges adéquats;
au lieu d'un exercice constructif du pouvoir politique visant à établir un équilibre entre des énergies qui se déploient librement, une tendance destructive à opprimer le monde entier en assurant la suprématie de la force ;
au lieu d'une psychologie, l'application de méthodes psychologiques en vue d'éteindre l'étincelle de l'individualité et d'entraver le développement de la conscience et de l'intelligence.
Ce conflit, on le trouve chez presque tous les êtres qui font partie d'une nation occidentale. Mais la plupart n'en ont pas conscience.
En Russie, ce pays depuis toujours barbare, le côté inconscient du conflit s'est frayé un chemin jusqu'à la surface et a pris la place de la conscience civilisée. Ce que nous craignons, c'est que la même chose puisse nous arriver.
Nous craignons d'autant plus cette schizophrénie que l'Allemagne a montré avec une parfaite clarté que même un état civilisé peut être frappé, pour ainsi dire du jour au lendemain, de la même catastrophe spirituelle .
C'est pourquoi nous devons prendre conscience de ceci :
(...)
D'après moi, à la racine de tous nos problèmes, il y a le développement de la science et de la technique; elles ont détruit le fondement métaphysique de l'existence humaine.. La prospérité générale a remplacé le royaume de Dieu.
Le bonheur terrestre n'est atteint que par le malheur d'autrui, et la richesse se développe aux dépens de la pauvreté. La "prospérité générale" est devenue un appât, un slogan destiné à attirer des masses déracinées qui ne peuvent penser qu'en termes de besoins et de ressentiments individuels mais ne prennent pas garde que la compensation est une loi inévitable.
(...)
Tous nous pensons en termes de prospérité générale. C'est là notre grande erreur, car plus les formes habituelles que revêt la misère sont endiguées, plus on s'empêtre dans des variantes inconnues du malheur, variantes inattendues, compliquées, confuses, incompréhensibles, que l'on n'aurait pas soupçonnées à l'avance.
Que l'on pense à l'augmentation passablement inquiétante des divorces et des névroses ! Franchement, je préfère à ces fléaux une existence modeste et pauvre ou un manque réel de confort.
(...)
La Rome antique a été incapable de traiter son problème social, l'esclavage, et elle a succombé sous l'assaut de peuplades barbares. Le moyen âge chrétien a résisté à la première vague asiatique, ainsi qu'à la deuxième (les Turcs). Aujourd'hui, le monde voit venir une troisième vague.
Le grand danger, c'est que nous ne sommes pas à la mesure de notre propre problème spirituel, pas plus que ne l'était la Rome ancienne. La technique et la "prospérité" ne contribuent en rien au dépassement de la stagnation spirituelle où nous sommes et ne donnent aucune réponse à notre insatisfaction et à notre inquiétude en ce domaine ; et c'est pourquoi nous sommes menacés de l'intérieur comme de l'extérieur.
Nous n'avons pas encore compris que la découverte de l'inconscient constitue une immense tâche spirituelle qu'il nous faut absolument accomplir si nous voulons sauvegarder notre civilisation.
(...)
Lundi 25 octobre 2021
Je sais que je me trouve prisonnier d’une secte. Je suis debout dans un lieu qui ressemble à une salle d’opération où il y a plusieurs chirurgiens habillés avec des blouses bleues. L’un d’entre eux est devant moi, avec à la main, une sorte de pince en métal bizarre. Alignés le long d’un mur en hauteur, je vois des sacs en plastique blancs fixés à des crochets dans le mur, avec à l’intérieur de chaque sac un corps humain recroquevillé sur lui-même. Je comprends alors que si je me laisse faire par ces chirurgiens, je vais finir comme ces personnes.
Je contourne alors la personne en face de moi et me dirige vers la première porte que je trouve pour quitter ce lieu. J’ouvre la porte, ne sachant pas ce qu’il y a derrière car je ne connais pas cet endroit. C’est un ascenseur. Je rentre dedans et appuie sur le bouton indiquant vers le bas. L’ascenseur descend, s’arrête et la porte s’ouvre. Je sors et me trouve alors dans un souterrain faiblement éclairé. Il s’agit d’une sorte de plateforme où des trains arrivent et repartent.
Je distingue trois différents tunnels sombres dont les plafonds sont en forme arrondie. Il y a du monde partout. Des hommes et des femmes, habillés pour la plupart en tenue de travail bleue qui vont vers les wagons des trains et d’autres hommes qui leur indiquent vers où ils doivent s’orienter. La plupart des femmes portent un bandeau autour de la tête.
Les gens semblent vides, absents, éteints, soumis aux hommes leur indiquant leurs chemins. Les wagons ne comportent qu’un plancher en bois et les gens s’assoient de chaque côté avec leurs jambes pendant dans le vide.
Je monte alors, sans me faire remarquer, dans l’un de ces wagons, je m’assois entre deux personnes et le convoi démarre. Il s’engage dans un tunnel sombre. Puis à un moment, avant de sortir du tunnel, je distingue un petit espace creusé dans le mur. J’en profite pour sauter du wagon et aller me cacher dans cet espace derrière des racks. Ce sont des sortes de missiles qui sont posés sur les racks.
Je constate qu’une autre personne du wagon vient se cacher avec moi dans cet espace. Je ne vois jamais son visage mais comprends qu’elle aussi cherche à s’évader. Une patrouille de soldats armés passent devant notre cachette entre les wagons et le mur. Ils ne nous remarquent pas.
Quand il n’y a plus aucun mouvement, sans rien dire, mon collègue sort du tunnel et immédiatement sur la droite, se met à grimper avec les mains, un mur rocheux. C’est très vertical et il y a de la végétation le long de la roche à laquelle on peut s’accrocher. La montée est difficile et mon compagnon d’évasion est devant moi. Arrivé en haut, je découvre, tout autour, un paysage de collines verdoyantes s’étendant jusqu’à perte de vue. Mon camarade est assis et regarde le paysage.
Il n’y a aucun chemin visible et on ne sait pas par où aller. Je constate que quelqu’un nous a suivi dans la montée. Il est habillé avec un pullover et a un visage très fermé, froid et déterminé. Je pense alors qu’il veut nous rattraper et nous veut du mal.
Lorsqu’il arrive en haut de la colline, j’enlève une de ses mains de la roche pour le faire tomber en bas. Il redescend de deux ou trois mètres puis remonte calmement ne disant rien. Arrivé de nouveau à ma hauteur, je saisis sa tête et la tourne brutalement sur le côté pour lui briser la nuque. il tombe alors beaucoup plus bas et je ne le vois plus. Mon rêve s’arrête là. Je me réveille.
Le rêveur ressent de la peur durant son rêve. La première scène l’effraie beaucoup et la deuxième aussi, mais moins que la première. L’ambiance générale est profondément pesante, avec un ressenti d’enfermement.
Ce rêve est plus long que les rêves que note généralement le rêveur. Il l’a noté à une heure inhabituelle, tôt dans la nuit (4h du matin) et ne voit pas de lien avec son vécu personnel. Il se rendort sans difficulté.
Le rêveur pense qu’il a éliminé une personne, en fin de rêve, alors qu’elle aurait peut-être eu des choses à lui indiquer pour qu’il puisse poursuive sa quête.
Rêve reçu le 13/04/2020
Rêveur anonyme
.
Paru sur le site
"Espace francophone jungien" (EFJ)
dans le cadre du projet de recueil de rêves
lancé au mois d’avril 2020.
.
Mercredi 20 octobre 2021
Emission du 27 février 2021 - Jean Lebrun
.
1900. Parution, en langue allemande, de L'interprétation du rêve
Les éditions se succèderont, proposant chacune des révisions. La traduction en anglais de la sixième édition allemande enrichira encore la donne.
1936-1941. Carl Gustav Jung, figure de la dissidence psychanalytique, tient son propre séminaire sur les rêves. Les processus inconscients à l'œuvre dans le rêve n'ont pas de rapport de nature avec la situation consciente qu'ils veulent cependant transformer.
1943. Charlotte Beradt publie aux Etats-Unis où elle s'est exilée quelques-uns des rêves qu'elle avait recueillis en Allemagne nazie. Un régime de terreur ne peut pas ne pas déterminer les rêves de ses sujets.
1961. Georges Devereux donne son Ethnopsychiatrie des Mohaves, amérindiens des Etats-Unis. Pour les Mohaves, rien n'arrive qui n'ait déjà été rêvé par quelqu'un. Le rôle attribué aux songes demeure toujours fonction de la culture d'appartenance.
1981. "Le palais des rêves" du romancier albanais Ismaïl Kadaré imagine un service de collecte des rêves organisé par un empire ottoman finissant qui, pour conjurer son déclin, voudrait mobiliser les rêves qui pourraient le revivifier.
1992. Le neurologue lyonnais Michel Jouvet devient peu à peu onirologue. Il cherche en particulier à saisir les rêves dans le moment du sommeil paradoxal où vils sont particulièrement vigoureux. Après Le sommeil et les rêves, il publie Le château des songes et Le grenier des rêves.
2018. Encore un lyonnais. Bernard Lahire tente de construire une nouvelle théorie générale du rêve qui fait intervenir le plus possible de sciences sociales et humaines. En attendant mieux, il titre son premier volume L'interprétation sociologique des rêves. Le second volume est livré en 2020.
Il aura publié entre temps un numéro de la revue Sensibilités consacré au sujet et co-dirigé par Hervé Mazurel.
2020. Bernard Lahire, Hervé Mazurel, Elizabeth Serin et d'autres constituent de vastes collectes de rêves de confinement. L'occasion offerte par cet évènement total peut être un moment important dans la longue histoire de l'interprétation du rêve depuis Freud.
Mardi 5 octobre 2021
Le roi prit la parole et dit à Daniel, qu’on nommait Beltschatsar :
Es-tu capable de me faire connaître le songe que j’ai eu et son explication ?
Daniel répondit en présence du roi et dit :
Ce que le roi demande est un secret que les sages, les astrologues, les magiciens et les devins, ne sont pas capables de découvrir au roi. Mais il y a dans les cieux un Dieu qui révèle les secrets, et qui a fait connaître au roi Nabuchodonosor ce qui arrivera dans la suite des temps. Voici ton songe et les visions que tu as eues sur ta couche.
Sur ta couche, ô roi, il t’est monté des pensées touchant ce qui sera après ce temps-ci ; et celui qui révèle les secrets t’a fait connaître ce qui arrivera. Si ce secret m’a été révélé, ce n’est point qu’il y ait en moi une sagesse supérieure à celle de tous les vivants ; mais c’est afin que l’explication soit donnée au roi, et que tu connaisses les pensées de ton cœur.
Ô roi, tu regardais, et tu voyais une grande statue ; cette statue était immense, et d’une splendeur extraordinaire ; elle était debout devant toi, et son aspect était terrible.
La tête de cette statue était d’or pur ; sa poitrine et ses bras étaient d’argent ; son ventre et ses cuisses étaient d’airain ; ses jambes, de fer ; ses pieds, en partie de fer et en partie d’argile.
Tu regardais, lorsqu’une pierre se détacha sans le secours d’aucune main, frappa les pieds de fer et d’argile de la statue, et les mit en pièces.
Alors le fer, l’argile, l’airain, l’argent et l’or, furent brisés ensemble, et devinrent comme la balle qui s’échappe d’une aire en été ; le vent les emporta, et nulle trace n’en fut retrouvée. Mais la pierre qui avait frappé la statue devint une grande montagne, et remplit toute la terre.
Voilà le songe. Nous en donnerons l’explication devant le roi.
Ô roi, tu es le roi des rois, car le Dieu des cieux t’a donné l’empire, la puissance, la force et la gloire ; il a remis entre tes mains, en quelque lieu qu’ils habitent, les enfants des hommes, les bêtes des champs et les oiseaux du ciel, et il t’a fait dominer sur eux tous : c’est toi qui es la tête d’or.
Après
toi, il s’élèvera un autre royaume, moindre que le tien ; puis un
troisième royaume, qui sera d’airain, et qui dominera sur toute la
terre.
Il y aura un quatrième royaume, fort comme du fer ; de même que le fer
brise et rompt tout, il brisera et rompra tout, comme le fer qui met
tout en pièces. Et comme tu as vu les pieds et les orteils en partie
d’argile de potier et en partie de fer, ce royaume sera divisé ; mais il
y aura en lui quelque chose de la force du fer, parce que tu as vu le
fer mêlé avec l’argile. Et comme les doigts des pieds étaient en partie
de fer et en partie d’argile, ce royaume sera en partie fort et en
partie fragile. Tu as vu le fer mêlé avec l’argile, parce qu’ils se
mêleront par des alliances humaines ; mais ils ne seront point unis l’un
à l’autre, de même que le fer ne s’allie point avec l’argile.
Dans
le temps de ces rois, le Dieu des cieux suscitera un royaume qui ne
sera jamais détruit, et qui ne passera point sous la domination d’un
autre peuple ; il brisera et anéantira tous ces royaumes-là, et lui-même
subsistera éternellement.
C’est ce qu’indique la pierre que tu as vue se détacher de la montagne
sans le secours d’aucune main, et qui a brisé le fer, l’airain,
l’argile, l’argent et l’or. Le grand Dieu a fait connaître au roi ce qui
doit arriver après cela. Le songe est véritable, et son explication est
certaine. »
Pentateuque, Livre de Daniel, chapitre 2
Que peut signifier aujourd’hui : ‘colosse aux pieds d’argile’ ?
Bien
qu’éloignée de nous, cette prophétie prend peut-être aujourd’hui tout
son sens.
Stéphane Pêtre