Mercredi 13 novembre 2019
Je me trouvais dans une ville d'Italie, à l'heure de midi,
entre douze et treize heures.
Un soleil brûlant inondait les ruelles.
La ville était construite sur des collines et elle me rappelait
un quartier bien déterminé de Bâle, le Kohlenberg.
Les petites rues qui descendaient de là vers la vallée de la Birsig,
qui s'étend à travers la ville, sont souvent des ruelles en escalier.
L'une d'elles descendait jusqu'au Barfüsserplatz.
C'était Bâle et pourtant c'était une ville italienne
qui ressemblait à Bergame.
C'était l'été, le soleil rayonnait au zénith
et tout baignait dans une vive lumière.
Beaucoup de gens venaient vers moi,
et je savais que les magasins maintenant se fermaient
et que les gens rentraient chez eux pour déjeuner.
Au milieu de ce flot humain, marchait un chevalier
revêtu de toute son armure.
Il gravissait l'escalier, venait vers moi.
Il portait une salade (casque) avec des oeillères
et une cotte de mailles ;
et une cotte de mailles ;
par-dessus, un vêtement blanc sur lequel une croix rouge
était tissée sur la poitrine et sur le dos.
Vous pouvez vous imaginer l'impression que me fit un croisé
venant vers moi, soudain, dans une ville moderne,
à midi à l'heure de pointe de la circulation !
Je remarquai surtout qu'aucune des nombreuses personnes qui étaient sur la route,
ne semblait l'apercevoir. Personne ne se tournait ni ne regardait vers lui.
J'eus l'impression qu'il était complètement invisible pour les autres.
Je me demandais ce que pouvait signifier cette apparition et j'entendis,
comme si quelqu'un me répondait -pourtant personne n'était là -:
"Oui, c'est une apparition qui a lieu régulièrement;
toujours entre douze et treize heures
le chevalier passe par ici
le chevalier passe par ici
et cela depuis très longtemps
(j'eus l'impression que c'était depuis des siècles)
et chacun le sait.
Le rêve me fit une impression profonde;
mais, à cette époque, je ne le compris pas du tout.
Accablé et bouleversé, je ne savais à quel saint me vouer.
(...)
Par la suite, je me suis fait bien des idées
sur l'énigmatique personnage du chevalier
sans pouvoir cependant en saisir complètement le sens.
Ce n'est que beaucoup plus tard, lorsque j'eus longuement médité sur ce rêve,
que je pus, à peu près, en saisir la signification.
Déjà, tandis que je rêvais, je savais que le chevalier était du XIIème siècle,
époque où l'alchimie débuta ainsi que la quête du Saint Graal.
Depuis ma jeunesse,
les histoires du Graal jouèrent pour moi un grand rôle.
A quinze ans, je lus pour la première fois ces histoires
et ce fut un événement inoubliable,
une impression qui ne disparut jamais plus !
Je soupçonnais qu'un mystère y était caché.
Aussi me semblait-il tout naturel
que le rêve évoquât à nouveau
le monde des chevaliers du Graal et leur quête;
car c'était là mon monde, au sens le plus intime,
et il n'avait guère de rapports avec celui de Freud.
Tout en moi cherchait cette part encore inconnue
qui puisse donner sens à la banalité de la vie.
.
C.G. Jung
"Ma vie" (p 192)
.
Ajout :
Ce rêve est la deuxième partie d'un rêve plus long,
dont la première partie se situe
dans une contrée montagneuse,
au voisinage d’une frontière :
“C’était vers le soir, je voyais un homme d’un certain âge revêtu de l’uniforme des douaniers de la monarchie impériale et royale. Un peu courbé, il passa près de moi sans m’accorder d’attention. Le visage avait une expression morose, un peu mélancolique et agacée. D’autres personnes étaient présentes et l’une d’elle me fit savoir que ce vieillard n’était pas du tout réel, c’était l’esprit d’un employé des douanes mort des années auparavant. “Il est de ces hommes qui ne pouvaient pas mourir”, disait-on”.
.
Quand je me mis à l'analyser, la "douane" me fit immédiatement penser à la "censure";
la "frontière" me fit penser, d'une part, à celle entre conscient et inconscient
et, d'autre part, à celle qui existe entre les vues de Freud et les miennes.
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