« Le rêve joue un très grand rôle dans ma vie,
il m’ouvre des espaces nouveaux.
Je ne dis pas je pense, je dis : je rêve. »
Claude Lefebvre - Compositeur
Laisser nos rêves nous souffler
l’inspiration musicale
Et si nos rêves pouvaient contenir toute l’inspiration dont nous avons besoin pour développer un art ? Dans son livre « Musicophilia », Oliver Sacks nous rappelle comment certains des plus grands compositeurs ont su écouter ce que leur soufflaient leurs rêves pour créer leurs plus grandes œuvres.
Oliver Sacks - Neurologue et écrivain
Comme la plupart
des gens, je rêve de musique de temps à autre.
Je rêve quelquefois avec
angoisse que je dois jouer en public une musique
que je n’ai jamais
jouée auparavant, mais, en général,
j’écoute ou joue en rêve des airs
que je connais bien ;
et, même lorsque mes rêves musicaux m’ont ému au
plus haut point,
je me souviens parfois uniquement au réveil d’avoir
rêvé de musique
ou éprouvé telle ou telle émotion à cette occasion :
je
ne suis pas toujours capable de dire en quoi cette musique consistait.
Mais ç’avait été différent à deux reprises en 1974.
Mais ç’avait été différent à deux reprises en 1974.
Gravement
insomniaque, je prenais des doses assez fortes d’hydrate de chloral,
hypnotique passé de mode qui stimulait mon activité onirique :
j’avais
tendance à faire des rêves saisissants qui pouvaient se transformer
en
de quasi-hallucinations même après mon réveil.
Une nuit où j’avais rêvé
du quintette avec cor de Mozart,
ce songe s’était délicieusement
prolongé quand je m’étais levé :
j’entendais chaque instrument très
distinctement
(ce dont mon imaginaire musical normal était incapable),
tout s’enchaînant à la perfection dans mon esprit
et le tempo n’étant ni
trop lent ni trop rapide...
puis cette musique s’interrompit soudain
pendant que je prenais un thé :
pendant que je prenais un thé :
elle disparut en une fraction de
seconde,
telle une bulle de savon.
A la même époque, j’avais fait un autre rêve musical
telle une bulle de savon.
A la même époque, j’avais fait un autre rêve musical
qui s’était lui
aussi poursuivi à l’état de veille.
Contrairement au quintette de
Mozart,
cette musique-là m’avait profondément perturbé :
elle avait un
je-ne-sais-quoi qui me déplaisait,
et j’avais hâte qu’elle s’arrête.
Je
m’étais douché, j’avais bu une tasse de café,
j’étais allé marcher,
j’étais allé marcher,
j’avais secoué la tête dans tous les sens,
joué une mazurka au piano – en vain :
joué une mazurka au piano – en vain :
cette odieuse musique hallucinatoire
continuait de plus belle !
continuait de plus belle !
J’avais donc fini par téléphoner à un ami, Orlan Fox,
pour lui
apprendre que j’entendais sans arrêt des airs
qui me rendaient
mélancolique
et me faisaient horreur sans que je comprenne pourquoi.
«
Pour couronner le tout, ajoutai-je,
ce sont des chants allemands, langue
que je ne parle pas. »
Orlan me demanda de fredonner l’un de ces
morceaux :
je m’exécutai, puis il reprit la parole après un long
silence.
« Avez-vous abandonné certains de vos jeunes patients
« Avez-vous abandonné certains de vos jeunes patients
ou détruit l’une
de vos productions littéraires ? » s’enquit-il.
« Les deux, répondis-je.
Pas plus tard qu’hier, j’ai donné ma démission
u directeur du service
de pédiatrie de l’hôpital où je travaillais jusqu’alors
et j’ai brûlé un
recueil d’essais que je venais d’écrire.
Comment avez-vous deviné ? »
«
Votre esprit se passe et repasse les Kindertotenlieder de Mahler
– ses Chants sur la mort des enfants. »
Je fus stupéfait, car je n’aime pas tellement la musique de Mahler :
Je fus stupéfait, car je n’aime pas tellement la musique de Mahler :
j’aurais bien été en peine de retrouver le moindre détail
de l’un ou
l’autre de ces Kindertotenlieder, sans parler de les chanter !
Mais ma psyché endormie n’en avait pas moins
symbolisé les évènements de
la veille avec une parfaite précision,
et l’interprétation d’Orlan mit
instantanément fin à cette hallucination
– je n’ai plus entendu cette
musique intérieure depuis 30 ans.
Les curieux états intermédiaires entre la veille et le sommeil
Les curieux états intermédiaires entre la veille et le sommeil
(la phase
« hypnagogique » qui peut précéder l’endormissement
ou la phase «
hypnopompique » qui succède quelquefois au réveil)
sont extrêmement
propices aux apparitions d’images oniroïdes ou hallucinatoires.
Ces
rêveries hautement visuelles et kaléidoscopiques sont si fugitives
qu’on
s’en souvient rarement – mais elles peuvent prendre également
la forme
d’une hallucination musicale cohérente. (...)
Chez certains musiciens, toutefois,
Chez certains musiciens, toutefois,
ces expériences sont d’autant plus
cohérentes et constructives
qu’une nouvelle composition incube depuis
des mois dans leur esprit :
elles peuvent même permettre de concevoir des parties d’une œuvre
depuis longtemps recherchées.
elles peuvent même permettre de concevoir des parties d’une œuvre
depuis longtemps recherchées.
Un épisode de ce
genre a été décrit par Wagner,
qui précisa que l’idée de l’introduction
orchestrale de L’Or du Rhin lui était venue
après une longue attente passée dans un étrange état crépusculaire
– quasi hallucinatoire, de fait :
« Après une nuit de fièvre et d’insomnie, je me contraignis
« Après une nuit de fièvre et d’insomnie, je me contraignis
à une
promenade dans les environs de la ville,
sur les collines couvertes de
forêts de pins.
Tout me parut désert et nu et je me demandai ce que
j’étais venu faire là.
En rentrant, l’après-midi, je m’étendis sur un
canapé très dur,
attendant le sommeil si désiré.
Il ne vint pas. Je
tombai seulement dans une sorte de somnolence
pendant laquelle il me
sembla que soudain
je m’enfonçais dans un rapide courant d’eau.
Le
bruissement de cette eau prit bientôt un caractère musical :
c’était en «
mi bémol » majeur retentissant
et flottant en arpèges ininterrompus ;
et flottant en arpèges ininterrompus ;
puis ces arpèges se changèrent en figures mélodiques
d’un mouvement toujours plus rapide,
mais jamais le pur accord de « mi
bémol » majeur ne se modifia
et sa persistance semblait donner une
signification profonde
à l’élément liquide dans lequel je plongeais.
Soudain, j’eus la sensation que les ondes
se refermaient en cascade sur moi ;
se refermaient en cascade sur moi ;
épouvanté, je me réveillai en sursaut.
Je reconnus immédiatement
que le motif du prélude de L’Or du Rhin
que le motif du prélude de L’Or du Rhin
venait de se révéler
tel que je le portais en moi
sans être parvenu encore à lui donner une
forme.
En même temps, je compris la singularité de ma nature :
c’est en
moi-même que je devais chercher la source de vie
et non au-dehors. »
Ravel reconnut que de ravissantes mélodies avaient peuplé ses songes,
Ravel reconnut que de ravissantes mélodies avaient peuplé ses songes,
et
Stravinsky dit à peu près la même chose.
En fait, nombre de grands
compositeurs classiques
ont parlé de leurs rêves musicaux et s’en sont
souvent inspirés
– une brève liste inclurait Haendel, Mozart, Chopin, et
Brahms.
Et Paul McCartney a raconté l’histoire suivante
J’avais un piano juste à
côté de mon lit, devant la fenêtre.
Je m’y suis assis, j’ai plaqué un
accord de sol...
Et j’ai trouvé fa dièse septième mineure,
et ça m’a amené à si, puis à mi mineur et enfin retour à sol.
Tout ça coulait très logiquement.
J’aimais beaucoup la mélodie, mais
comme je l’avais rêvée,
je n’arrivais pas à croire que c’était moi qui
l’avais écrite.
Je me disais : « Non, non... Je n’ai jamais écrit comme
ça auparavant. »
Mais j’avais cet air, totalement magique. »
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