Initiation à la psychosynthèse
Ceux qui ont été initiés à la
psychosynthèse peuvent se poser
une question d’une importance
fondamentale.
Pendant notre formation et après dans notre pratique
quotidienne,
on cherche à favoriser et à distinguer
l’expérience
du « je » conscient et du Soi
transpersonnel.
Est-ce qu’il s’agit de deux réalités
différentes,
ou y-a-t-il une relation d’unicité ?
L’expérience ordinaire semble nous
convaincre
qu’il s’agit de deux réalités différentes,
par le
fait que le « je » se trouve toujours face
aux
contenus de la personnalité
qui se présentent dans le champ de la
conscience.
où il n’y a plus cette confrontation avec les contenus de la
personnalité,
on se sent libre au-delà de ces contenus
qui se
caractérisent par leurs attitudes changeantes.
D’une part le
« je » conscient s’efforce de reconnaître les contenus
de la conscience
pour pouvoir les dominer, les contrôler, les
diriger.
Le « je » cherche à affirmer son autonomie, sa
capacité d’évaluation,
sa volonté, sa liberté d’action, tout
en sachant que ces contenus sont changeants.
D’autre part, Assagioli nous dit
qu’on a tendance
« à confondre le « je » ou
« moi » personnel avec la personnalité consciente,
mais,
en réalité il en diffère essentiellement,
comme on peut le
constater par une introspection attentive.
Les contenus multiples de
notre conscience (pensées, sentiments, etc.)
sont tout autre
chose que le moi, le centre de conscience qui les accueille,
pour
ainsi dire, et qui le perçoit ».
(R.Assagioli, Psychosynthèse,
principes et techniques,
Ed. Desclée de Brouwer, Paris 1997,
page27-28)
On a tendance à s’identifier à ce
qu’on ressent,
à ce qu’on pense en assumant les attitudes
correspondantes.
On pourrait dire que nous sommes ce que nous
ressentons,
ce que nous pensons, ce que nous imaginons.
Comment
peut-on vivre normalement,
en accueillant tout ce qui se passe en
nous
et en même temps ne pas être identifiés et ne pas réagir
en
fonction de ce qui nous arrive dans des moments différents ?
Déjà cela représente un grand défi
pour notre pratique psychosynthétique.
Si notre activité psychique
est occupée à différencier le moi
de ce en quoi il a tendance à
s’identifier, que dire alors de l’expérience du Soi,
qui va
au-delà de ces identifications propres à la personnalité ?
La réalité du « moi » et
du Soi »
Comment relier le « je »
conscient au Soi dans notre vie quotidienne ?
Comment
reconnaître cette
expérience, et comment la favoriser ?
Assagioli, en parlant de la différence
entre le moi et le Soi dit :
« En général, le moi
conscient est non seulement submergé
par le flot incessant des
contenus psychiques,
mais il semble souvent s’éteindre jusqu’à
disparaître
(par exemple, pendant le sommeil, dans les
évanouissements, en état d’hypnose),
pour se retrouver ensuite,
et se reconnaître d’un coup, sans savoir comment.
Ce fait nous
conduit à admettre que « au-delà » ou « au-dessus »
du moi conscient
il doit exister un centre permanent, le Moi ou Soi
véritable ».
(R.Assagioli, op. cit. Page 28).
Définir le « moi conscient »
et le « Soi supérieur »
ne peut pas se faire seulement
dans une conception purement « théorique ».
C’est
l’expérience directe qui peut nous venir en aide
pour comprendre
comment fonctionne notre système psychique.
Alors, l’apparente
dualité peut s’expliquer,
« parce que le moi personnel
ignore l’autre,
aussi bien théoriquement que pratiquement,
jusqu’à
en nier l’existence, tandis que l’autre, le vrai Soi, est latent
et ne se révèle pas à la conscience d’une façon directe ».
(R.Assagioli, op, cit. 30).
« En réalité, il n’y a pas
deux « moi »,
deux entités complètement diverses et
séparées.
Le moi est un, bien qu’il se manifeste à des degrés
différents
de réalisation et de conscience.
Le moi personnel est le
reflet du Soi.
Le reflet est séparé de sa source lumineuse,
mais en
réalité il n’a pas d’existence autonome,
de substance propre ;
il n’est pas une lumière nouvelle et différente ».
(R.Assagioli, op.cit. page 30)
Dans le schéma de l’oeuf, Assagioli
montre qu’il existe
« un rapport entre le moi et le Soi par
leur position respective
et par la ligne pointillée reliant le point
au centre du champ de la conscience
(représentant le moi conscient)
à l’étoile placée au sommet de la personnalité entière,
aussi
bien consciente qu’inconsciente,
représentant le Soi
transpersonnel ».
(R.Assagioli, op.cit. page 28).
La compréhension de cette unité nous
amène
vers une vision de l’être humain complètement nouvelle.
C’est regarder l’autre et soi-même
au-delà des apparences, des
clichés culturels
pour rejoindre la source de vraies potentialités
qui se cache dans les profondeurs de chacun de nous.
Pour faire cela,
nous avons besoin de contacter notre « moi conscient »,
qui représente le début de notre chemin vers la pleine
réalisation.
C’est à travers le « moi conscient »
qu’on peut accéder au Soi,
à ce que nous sommes vraiment.
« L’expérience du Soi ne se
présente pas seulement d’une façon spontanée ;
elle peut
être favorisée, ou bien provoquée,
par l’emploi de différentes
méthodes
de méditation et de concentration ».
(R. Assagioli,
op.cit. page 29)
La méthode de désidentification
L’exercice de la désidentification
reste l’instrument précieux
pour accéder à l’expérience du
Soi.
Assagioli nous dit que « la méthode de
désidentification
est basée sur un principe fondamental de la vie
psychique
qui peut se formuler ainsi :
Nous sommes dominés par tout ce à
quoi notre moi se laisse identifier.
Nous pouvons dominer, diriger et
utiliser tout ce dont nous nous désidentifions.
Dans ce principe réside le secret de
notre esclavage ou de notre liberté.
Toutes les fois que nous nous
identifions à une faiblesse, à un défaut, à une crainte,
nous
nous limitons et nous nous paralysons nous-mêmes ».
(Assagioli, op.cit. page 32-34).
Si par exemple nous disons :
« je suis déprimé »
nous mettons les conditions pour
devenir déprimés,
ou bien « je suis en colère » nous
favorisons cet état de colère.
Assagioli nous dit également :
« Si, au contraire, dans les mêmes situations, nous disons :
« Une vague de découragement essaie de me
submerger »,
ou bien
« Un mouvement de colère essaie de
prendre le dessus en moi »,
la situation est très différente.
Dans ce cas, il y a deux forces en présence :
d’un
côté, notre moi vigilant et, de l’autre,
le découragement ou la
colère.
Et le moi vigilant ne se laisse pas envahir ou entraîner ;
il est à même de considérer objectivement, d’examiner
lucidement,
ces mouvements de découragement ou de colère ;
il
peut en rechercher l’origine, en déceler le manque de fondement,
en prévoir les effets nuisibles, les conséquences dangereuses.
Souvent cela suffit pour repousser l’assaut de ces forces,
pour les
disperser et rester vainqueur ».
(Assagioli, op.cit. page 33)
Nous avons eu cette expérience et nous
avons reconnu
ses effets sur nous et autour de nous :
une
légèreté intérieure, une sérénité après des émotions
difficiles,
une maîtrise claire d’une situation, des relations
interpersonnelles chaleureuses
et pleines de compréhension et
d’écoute sincère,
la transformation de la peur en courage,
en
ouverture, en confiance,
des actions créatives, le désir de
connaissance,
la force du changement, etc.
L’attitude psychosynthétique
Nous savons qu’il y a une distance
entre la théorie et la pratique.
Peut-être que dans notre pratique
psychosynthétique
avons-nous rencontré des obstacles
et aussi des
moments de doute.
On aspire à un état de grâce, de bien être
intérieur,
qui semble, parfois, menacé par les événements.
Le
découragement, la fatigue, l’anxiété, l’insécurité
personnelle
peuvent occuper notre conscience.
On sait que notre
conscience doit faire face à des contenus changeants
et qui peuvent
avoir une prise très forte dans notre manière d’être.
La vie ne
cache pas ses épreuves.
À chaque instant nous sommes
conscients d’être occupé par des sensations,
des sentiments, des
pensées et nous sommes poussés à agir
sous la pression des
responsabilités et des tâches de la vie quotidienne.
Notre « moi »
est complètement occupé à mettre de l’ordre
et à choisir à
quel aspect donner la priorité.
Nos actions révèlent nos
attitudes, nos aspects,
nos caractéristiques personnelles.
Ce sont
nos qualités, nos traits de personnalité qui sont reconnus
par ceux
qui nous entourent et que nous rencontrons.
C’est à travers des
situations, des relations, avec soi-même et avec les autres,
que
nous expérimentons et nous devenons conscients de nos traits
personnels.
Si notre conscience est toujours
occupée ;
si notre moi est toujours appelé à mettre de
l’ordre
dans tout ce qui émerge dans le champ de la conscience ;
si notre moi s’épuise dans cette tâche,
comment peut-il se
connecter avec sa source, le Soi,
qui est complètement libre des
contenus ?
Nous savons que l’expérience du Soi,
(cet état de grande liberté intérieure ;
cet élargissement
de la conscience, capable de voir les choses
dans son ensemble et
dans ses « justes proportions »,
de vivre en harmonie
avec le monde et l’univers ;
cet état d’ouverture, de
compréhension, d’amour,
de voir la vie à travers les
valeurs et les principes qui l’animent,
ce grand « Sentiment »
d’humanité, cette connexion avec le « Tout »,
qui
apporte un état de sérénité, de lumière),
peut se manifester en
nous spontanément,
mais aussi qu’elle peut être favorisée par
notre attitude,
notre disponibilité intérieure comme nous le dit
Assagioli,
par l’emploi de différentes méthodes de méditation et
de concentration.
L’exercice de désidentification,
précédé par une détente,
nous permet de savourer cet état du
Soi, même pour quelques instants.
La répétition de telle
pratique, comme pour d’autre pratique de méditation,
instaure en
nous une « ATTITUDE » qui ne s’efface pas,
qui reste en
nous comme un appel dont le « moi » ou le « je »
se sert dans la vie quotidienne pour élargir son champ de
conscience.
Créer une relation d’unicité entre le moi et le
Soi reste un défi
qui nous accompagne tout au long de notre
vie.
Dans la vie quotidienne, on peut
ressentir
de temps en temps ce contact avec le Soi.
Le Soi
représente notre état d’origine,
notre innocence, notre
amour envers la vie,
notre liberté, notre ouverture, notre
plénitude,
notre relation avec le « Sublime »,
la
beauté, notre union mystique avec le « Tout ».
C’est
le paradis perdu, auquel on aspire toujours.
Ces moments de grâce,
on les a tous vécus à un moment ou à un autre,
mais ils ne durent
pas. La perte de certains de ces états
a pu provoquer une
grande souffrance,
appelée « la nuit obscure de l’âme ».
La psychosynthèse c’est une ATTITUDE
envers la vie.
C’est en assumant cette attitude
qu’on peut
favoriser la relation d’unité
entre le moi et le Soi.
Pour conclure je cite un passage du
Livre
« Prendre soin de son âme » d’Alberto Alberti,
où il nous parle de l’acte d’amour,
comme manifestation de notre
vraie nature.
« L’amour est une potentialité humaine…
n’est
pas un sentiment qui s’éprouve et s’expérimente,
il n’est pas
seulement quelque chose qui « tombe » simplement en nous,
mais il est un véritable acte créatif… une volonté d’aimer ».
(A. Alberti, op.cit. page 119).
Pour que le Soi se manifeste,
il est
important d’avoir cette attitude vers l’action créative
dans
notre vie quotidienne
et cela on ne peut le faire qu’à partir des
actes très simples,
les actes de tous les jours.
Je cite encore Alberti qui nous donne
un exemple
de comment un acte créatif d’amour
peut nous
ouvrir à une réalité plus vaste,
où le « je » et le
« Soi » réalisent leur unité.
Au moment même où nous utilisons le
potentiel d’amour qui est en nous,
nous le développons, nous lui
donnons vie et vitalité,
nous le faisons couler et se répandre,
nous sentons en nous sa chaleur.
Quand nous donnons de l’amour à une
partie de nous-
(subpersonnalité) que nous refusons,
nous la
réaccueillons et nous la réintégrons dans notre personnalité
et
ainsi nous sont restitués amour et vitalité,
ce qui fait nous
sentir plus authentiques et plus complets.
Quand nous posons un acte d’amour
envers une autre personne,
nous l’accomplissons aussi envers cette
part de nous-même
que nous étions à ce moment-là en train de
projeter sur l’autre.
Chaque fois que nous réussissons à
aimer vraiment une autre personne,
nous stimulons en elle le désir
et la volonté
de nous restituer ce que nous lui avons donné.
(A.Alberti, « Prendre soin de son
âme »,
L’Uomo Edizioni, Florence 2012, page 134)
Franco Salvini