samedi 20 octobre 2018

Derniers rêves de Jung

Samedi 20 octobre 2018





Jung, à l'aube de sa mort, fait un rêve particulièrement marquant :

Il voit "l'autre Bollingen" baignant dans un rougeoiement de lumière 
et il entend une voix désincarnée qui lui dit 
que cet autre Bollingen est achevé et prêt à être habité. 
Il voit, tout en bas, une mère "glouton" qui apprend à son petit
 à plonger et à nager dans une étendue d'eau.

 C'est Barbara Hannah qui relate ce rêve dans son ouvrage. 
Il a 85 ans, était très fatigué et très malade, 
il raconta le même rêve à B. Hannah et à M-L Von Franz qui relate :
 " Nous eûmes toutes les deux l'impression qu'il pensait 
qu'il allait probablement mourir
et qu'il voulait que le rêve soit consigné.

Pour elles deux, c'était manifestement un rêve de mort,
 car il avait souvent rêvé auparavant de cet "autre Bollingen" 
à divers niveaux de construction 
et il en avait toujours parlé 
comme d'un lieu appartenant à l'inconscient,
 à l'au-delà.

La fin du rêve a le même sens : le rêveur va bientôt passer dans un autre élément
 (l'autre monde, comme on l'appelle d'ordinaire) et apprendre à s'adapter, 
tout comme le jeune glouton, qui se sentait chez lui en terrain sec,
 a dû apprendre à s'adapter à l'eau.
Barbara Hannah explique que le récit du rêve de Jung la rendit très triste,
 montrant clairement que Jung allait "bientôt nous quitter
 et passer dans "l'autre Bollingen".



Pourtant, il se remit de sa maladie et réussit à passer l'hiver, 
mais il ne se rendit plus à Bollingen, restant dans sa maison de Küsnacht.
Trois semaines avant sa mort, il eut une légère attaque et dut garder le lit.
 Son dernier rêve, il l'eut, quelques jours avant de mourir, 
c'est Ruth Bailey qui rapporta ce songe ultime à Barbara Hannah.

R. Bailey écrit à Miguel Serrano, dix jours avant la mort de Jung :
"Deux jours avant sa mort, il avait atteint une contrée lointaine 
où il voyait des choses merveilleuses et empreintes de grande beauté,
j'en suis convaincue. Il souriait et en était heureux;


Image empruntée à Ariaga


1) Il voyait un énorme bloc de pierre, rond, 
placé sur un socle élevé et au pied de la pierre 
étaient gravés ces quelques mots : 
"Et ceci sera pour toi un signe de totalité et d'unité."

2) Beaucoup de récipients, de vases en terre cuite, 
sur le côté droit d'une place carrée

3) Un carré d'arbres, des racines toutes fibreuses 
sortant de la terre et l'entourant. 
Il y avait des fils d'or scintillant parmi les racines.

(...)

Pour Barbara Hannah, ce rêve démontrait avec la plus grande clarté 
que Jung "mourait à l'heure juste"...
sa personnalité numéro 1 mourait mais son numéro 2 demeurait inchangé.

Il décéda dans l'après-midi du 6 juin, à quatre heures moins le quart, 
dans la maison de Küsnacht et les synchronicités se manifestèrent :  
la voiture de Barbara Hannah tomba en panne de batterie (...)
...

Au moment où Jung mourut, aucun orage ne grondait, 
mais l'orage vint deux heures plus tard 
et la foudre s'abattit sur un grand peuplier du jardin 
situé au bord du lac.

Et, comme le poursuit Barbara Hannah : 
" Le temps passait et Jung continuait d'apparaître dans les rêves 
et l'imagination active, tout comme il l'avait fait de son vivant.
En vérité, la mort est un paradoxe...
(...)

Elle achèvera par ces mots :
"Jung s'éteignit exactement à l'heure juste 
et sa mort fut un événement naturel. 
Il nous fut donné de nous ressaisir, 
de continuer à vivre notre propre vie et celle de l'Institut 
dès le lendemain matin."


Bénédicte Uyttenhove
"Et que disent vos rêves ?"



lundi 8 octobre 2018

Le symbolisme de la pierre

Lundi 8 octobre 2018


La pierre est un symbole de l’Etre, de la cohésion et de la cohérence avec soi-même.

Sa dureté et sa durée ont impressionné les hommes depuis toujours. Ils y ont vu un symbole de pérennité, face aux changements du monde biologique, soumis de façon permanente aux lois de la naissance et de la mort.

Dressée vers le ciel, la pierre a toujours été un symbole de communication entre l’homme et la Divinité.

La pierre est vivante et toutes les traditions sont d’accord sur ce fait. Nous pouvons le constater dans l’expression de leur énorme capacité de résistance, dans leur volonté de maintenir la cohésion de leurs molécules, pour ne pas se casser ou se briser (ce qui, pour elles, signifierait la mort).

Davantage de volonté signifie davantage de vie. C’est pourquoi la pierre constitue la première solidification du rythme créateur, la musique pétrifiée de la création, et les plus beaux monuments érigés par l’homme ont toujours été réalisés en recourant à la pierre comme élément de base pour leur construction et leur ornementation.

La pierre, entière et intacte, symbolise l’unité et la force, l’affirmation de soi. Mais, brisée et éclatée en de multiples éclats, elle représente le démembrement et la désagrégation de la psyché, la maladie, la déroute, l’échec et la mort.

De nombreuses traditions mentionnent les pierres « noires » ou aérolithes tombés du ciel :
la Cybèle de Pessinonte ou la Ka’ba de la Mecque ;
le Graal du cycle arthurien ou la pierre philosophale des alchimistes.
Ces pierres peuvent être classées dans la catégorie des « bétyles » (de l’hébreu Beth El, « Maison de Dieu »), c’est-à-dire, des pierres considérées comme des « demeures divines ».

(...)



La pierre précieuse par excellence, et considérée comme le symbole le plus achevé de la dureté et de la brillance, est le diamant, que toutes les traditions conçoivent comme symbole de l’ordre et de la perfection, de la stabilité, de la lumière et de l’immortalité.

Platon appelait le pilier du monde « l’axe de diamant ». Dans le symbolisme hindou et bouddhiste, tout ce qui a une signification associée à l’idée de « centre » ou d’ « axe » est généralement assimilé à cette pierre précieuse.
 Le diamant est aussi le symbole du Christ, l’identifiant ainsi à la « pierre précieuse » avec le symbole de « pierre angulaire » qui soutient son Eglise.

Les deux représentent la perfection et l’accomplissement, l’axe qui maintient l’édifice vivant, ce qui équivaudrait, en alchimie, à la « Pierre philosophale » car celui qui l’obtient a trouvé son propre centre et sa véritable identité.

Il a découvert sa « colonne de lumière », qui symbolise son propre être intérieur, qui va lui donner la force de rester toujours droit, vertical et fidèle à lui-même.

Article ICI



Tel le centre psychique, la pierre est parfois l'image du Soi.
(...)

Selon Marie-Louise Von Franz  : 
"Jung insistait toujours sur le fait que la poussée vers l'individuation 
étant ce qu'il y a de plus essentiel chez l'être humain, 
elle fraie son chemin coûte que coûte en chaque individu 
et que, si elle n'est pas aidée consciemment, 
elle se réalisera malgré tout, mais sous une forme négative :
ainsi, au lieu de  trouver la "pierre philosophale" en soi-même, 
on se pétrifie
(...)


La pierre peut revêtir plusieurs aspects symboliques dans les songes.
La pierre est l'existence à l'état pur, aussi éloignée que possible
des émotions, des fanatismes et de la pensée discursive de la conscience.

Comme les cristaux et par son caractère achevé et durable,
la pierre évoque la permanence en nous.

La pierre est ce qui permet la construction, l'édification.
Ce sont alors parfois des pierres parallélépipédiques,
image du fondement d'une évolution possible et de son aboutissement.




La pétrification

Toute pétrification d'un être vivant, dans un rêve,
correspond au blocage d'un principe dynamique capable de revenir à la vie
 et de se renouveler comme un principe vivant.

Cette pétrification des images oniriques s'observe partout
où le principe dominant de la conscience ne reconnaît pas
le caractère toujours en mouvement de l'inconscient.
Cette vision erronée, rigide, et dépourvue de souplesse
a pour effet de figer l'inconscient.

Chaque fois que nous faisons une théorie à propos de l'inconscient
et que nous traitons les mots comme étant plus que des termes descriptifs,
 nous le pétrifions et agissons en sorte qu'il lui est impossible
de se manifester comme une force vivante.

N'importe quelle théorie peut l'affecter et le changer en une chose statique
à qui l'on interdit de se manifester soi-même."


Jacques de La Rocheterie
"La symbologie des rêves"



dimanche 7 octobre 2018

La pierre de Bollingen

Dimanche 7 octobre 2018

« En 1950, j'ai élevé une sorte de monument en pierre
ce que la tour représente pour moi. » 

« La pierre se trouve en dehors de la tour
dont elle est comme une explication.
Elle est une manifestation de celui qui l'habite,
 pourtant elle reste incompréhensible aux hommes. »

cgjung.net


La pierre gravée par C.G. Jung à l'extérieur de la Tour de Bolllingen

"En 1950, Jung élève une sorte de monument 
provenant de ce qui devait être une pierre triangulaire 
mais qui, à la livraison, était cubique.
 
Dans la structure de cette lapis, il voit, sculpté naturellement, 
une sorte d’œil qui le regarde.
Il sculpte autour du petit cercle un Télesphore,
 au manteau de capucin et portant lanterne : 
« Il est celui qui indique le chemin. » 


Inscriptions gravées par C.G. Jung sur la pierre de la Tour de Bollingen


Il sculpte sur une face une strophe latine d’Arnaud de Villeneuve : 
« Voici la pierre d’humble apparence. 
En ce qui concerne sa valeur, elle est bon marché.
 Les imbéciles la méprisent. 
Mais ceux qui savent ne l’en aiment que mieux » 

Sur une autre face, il sculpte en grec des paroles entendues en lui 
alors qu’il travaille cette pierre : 

Le temps est un enfant -jouant tel un enfant
-comme sur un échiquier 
le royaume de l’enfant
 (Héraclite). 


C’est Télesphore qui erre
 par les régions sombres de ce cosmos 
et qui luit comme une étoile s’élevant des profondeurs
 (Liturgie de Mithra). 

Il indique la voie vers les portes du soleil 
et vers le pays des rêves 
(Homère). 

Sur une troisième face, tournée vers le lac,
 Jung laisse parler la pierre elle-même, 
qui lui inspire des phrases latines : 

« Je suis une orpheline, seule; cependant on me trouve partout. 
Je suis Une, mais opposée à moi-même. 
Je suis à la fois « adolescent » et « vieillard ». 
Je n’ai connu ni père, ni mère, 
parce que l’on doit me tirer de la profondeur comme un poisson 
ou parce que je tombe du ciel comme une pierre blanche. 
Je rôde par les forêts et les montagnes, 
mais je suis cachée au plus intime de l’homme. 
Je suis mortelle pour chacun 
et cependant la succession des temps ne me touche pas. » 

Pour finir, il inscrit sous la sentence d’Arnaud de Villani :

« En souvenir de son soixante-quinzième anniversaire, 
C-G Jung l’a exécutée et érigée 
en témoignage de reconnaissance en l’an 1950.
 Cette pierre se trouve en dehors de la tour 
dont elle est comme une explication. » 

Elle est une manifestation de celui qui l’habite, 
comme le précise Jung. 
A savoir Merlin que Jung voulait inscrire aussi sur la pierre. 

La légende dit que les hommes ne peuvent entendre 
ni interpréter le cri de Merlin. Pour quelles raisons ? 
Parce que Merlin, c'est la tentative de l’inconscient médiéval 
de dessiner une figure parallèle, compensatrice, de Perceval. 

Merlin est là pour rappeler qu’il est le fils du diable et d’une vierge pure, 
le contrepoids du héros chrétien. 
Merlin, ce fil du diable, dort encore en nous : 
sa voix n’a été entendue que par les alchimistes
 chez qui merlin se manifeste sous la forme de Mercure (l’esprit mercuriel) 
Qui peut aujourd’hui l’entendre sourdre en soi ?"


Jean-Luc Van Den Bergh
"Les rêves et les visions de Carl-Gustav Jung"




Article du site cgjung.net
.


Jung explique la signification de la pierre (vidéo) :



lundi 1 octobre 2018

Tour de Bollingen : Les étapes de la construction

Lundi 1er octobre 2018



La Tour de Bollingen est un bâtiment
construit par le psychanalyste suisse C.G. Jung,
 ayant l'apparence d'un petit château garni de plusieurs tours,
et situé à Bollingen
sur la rive septentrionale du haut-lac (Obersee) de Zürich
dans le canton de Saint-Gall en Suisse.

Jung fait l'acquisition du domaine en 1922,
après la mort de sa mère.

Il construit d'abord une habitation en pierre
qu'il développe par la suite pour en faire sa « Turm » (tour).
 Sur une période de douze ans il ajoutera à la structure centrale
 trois bâtiments latéraux qui sont supposés rappeler
la représentation de la psyché selon sa conception.

(d'après Wikipédia)

La demeure restera, selon ses souhaits, assez "primitive":
on n'y installera jamais ni l'eau courante,
ni l'électricité.

Pendant la plus grande partie de sa vie,
Jung passa quelques mois par an à Bollingen au bord du lac,
et y réalisa maints travaux d'écriture,
de peinture et de sculpture.

Les étapes de la construction :


1. La tour, seule




2. Première extension

La deuxième phase, construite en 1927, 
commence à ressembler davantage à une maison familiale 
quand une aile de deux étages a été ajoutée à la tour solitaire. 
La maison s'ouvrait désormais davantage sur le lac, 
s'alignant approximativement sur le littoral, 
créant ainsi un espace extérieur entre le bâtiment et le lac.
 Cet ajout a ajouté de plus grandes fenêtres au niveau principal, 
une deuxième plus grande entrée et plus d'espace habitable. 
Jung «a divisé cet ajout en plusieurs zones, le foyer, 
l’étude inférieure et la chambre d’hôtes». 
Dans l’ensemble, ces développements suggèrent que Jung pouvait maintenant 
rester à Bollingen plus longtemps et que sa famille pouvait visiter 
«sans dormir dehors» dans des tentes usées. 

Bair, p. 323


En 1950, à l'occasion de son soixante quinzième anniversaire,
Jung installe au bord du lac, du côté ouest de la tour,
un petit monument de forme cubique en pierre de taille,
sur trois faces duquel il grave des inscriptions.

Un second étage fut ajouté après la mort de la femme de Jung en 1955,
qui symbolise une « extension de la conscience 
à laquelle il parvient dans sa vieillesse ».
Une chambre est alors élevée au milieu de l'édifice.




Après la mort de ma femme. . . 
J'ai ressenti une obligation intérieure 
de devenir ce que je suis moi-même.

Pour le mettre dans la langue de la maison de Bollingen, 
je me suis soudain rendu compte que la petite section centrale 
qui s'accroupissait si bas, si cachée, 
était moi-même ! 
.
C.G. Jung


3. Deuxième extension

Je voulais une chambre dans cette tour 
où je pourrais exister pour moi seul. 
Je pensais à ce que j'avais vu dans les maisons indiennes,
 dans lesquelles il y a généralement une zone - 
même si ce n'est que le coin d'une pièce séparée par un rideau - 
dans laquelle les habitants peuvent se retirer. 
Là, ils peuvent méditer pendant un quart ou une demi-heure 
ou faire des exercices de yoga.
Un tel domaine de retraite est essentiel en Inde, 
où les gens vivent très près les uns des autres. »

Dans ma chambre de retraite, je suis seul. 
Je garde la clé avec moi tout le temps; 
personne d'autre n'est autorisé à y entrer, sauf avec ma permission.
Au fil des années, j'ai réalisé des peintures sur les murs, 

et j'ai ainsi exprimé toutes ces choses qui m'ont conduit hors du temps 
dans l'intemporalité.
Ainsi, la deuxième tour est devenue pour moi 

un lieu de concentration spirituelle.
C.G. Jung




J'ai ajouté une cour et une loggia au bord du lac, 
qui formaient un quatrième élément 
séparé de l'éclat unitaire de la maison.
Ce quatrième élément ouvre le moi 
à la nature et au ciel, au divin et au cosmos.

La cour fait partie de la maison 
mais elle est également liée à quelque chose
 qui dépasse de loin le Soi. 
Regarder dans les yeux de Dieu.



Je pompe l'eau du puits.  
Je coupe le bois et fais cuire la nourriture.  
Ces actes simples rendent l'homme simple; 
et combien il est difficile d'être simple !
.

Mon nom bénéficie d'une existence 
quasi indépendante de moi-même. 
Mon vrai moi est en train 
de couper du bois à Bollingen 
et de préparer les repas, 
en essayant d'oublier l'épreuve 
d'un quatre-vingtième anniversaire.


C.G. Jung