jeudi 24 mai 2018

A la pêche aux rêves

Mercredi 23 mai 2018


 
Les rêves sont des territoires de lucidité, Jonathan.
Bien plus que nous n'osons nous l'avouer.

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Cédric Sire
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Ce blog est un blog qui vit avant tout du partage ...
alors, voilà, maintenant j'attends vos rêves,
vos "grands rêves"...
pour continuer.

Envoyez vos petits poissons "oniriques"
 à undeuxtrois4@orange.fr

J'attendrai tout l'été...ou plus...
la patience étant de mise quand on pêche...:-)

Bises à tous les "grands rêveurs"...
et à toutes les "grandes rêveuses"...

et bonnes vacances !


 
 
 

 

jeudi 17 mai 2018

Fonction et interprétation du rêve

Jeudi 17 mai 2018


Interprétation sur "le plan intérieur" 

L'interprétation sur le plan intérieur, le plan du rêveur lui-même, est essentielle pour la compréhension de nombreux rêves.

95 % des personnes mettent leurs rêves en relation avec le monde extérieur et leur vie concrète. Or les rêves parlent bien plus souvent de ce qui se passe à l'intérieur de soi :
Les rêves décrivent notre façon de penser et de faire des choix. Ils parlent de ce que nous sommes et de notre évolution. On rêve très peu pour les autres et très souvent pour soi.
Les rêves semblent souvent incohérents parce qu'ils ont une signification intime. Il faut se dire : « Il se passe en moi quelque chose qui ressemble à ce que j'ai rêvé. » Dans une telle interprétation, les éléments, les personnages et les situations du rêve se rapportent au rêveur lui-même.

Le rêve est alors une sorte de radiographie de la situation psychique du rêveur, une image de sa situation personnelle, intérieure.
Bien entendu, le langage du rêve est imagé, ou symbolique : les objets, les personnages et les situations ont une signification abstraite.
 

Le niveau émotionnel du rêve

Le niveau émotionnel d'un rêve est souvent dissocié du rêve lui-même : un rêve banal peut être impressionnant. Les émotions qui accompagnent un rêve conditionnent sa mémorisation et la façon dont il va influencer notre vie consciente:
Quand un rêve nous impressionne, il est mémorisé, nous cherchons à le comprendre et parfois même nous prenons une décision inhabituelle
Il y a toutes sortes de rêves, du plus banal, vite oublié, au plus puissant, impressionnant, mémorisé pendant des années et parfois même toute une vie. Les cauchemars sont des rêves très impressionnants avec, au réveil, une impression de danger vital, imminent.
 

Les rêves compensateurs, très fréquents

Le principe de ces rêves est très simple : Ils corrigent et rééquilibrent ce que nous pensons de nous-même ou de l'extérieur. Ils nous montrent le coté pile quand nous ne connaissons que le coté face. Il nous montrent le coté positif de ce que nous voyons en négatif. Les rêves compensateurs nous dérangent ou nous semblent idiots parce qu'ils nous disent le contraire de ce que nous pensons.
Les rêves compensateurs corrigent notre ego, nos excès et nos erreurs de jugement.
Avec la fonction de compensation des rêves, notre jugement s'équilibre entre les extrêmes, nous arrivons à une conception plus juste, plus mesurée, plus équilibrée de nous-même et du monde qui nous entoure.
 

Compensation extérieure : « le patron »

Le rêve est une fonction naturelle qui existe chez tous les mammifères, et l'interprétation d'un rêve devrait aussi être la plus naturelle possible.
Dans ce premier exemple, le rêve tente de corriger l'idée que le rêveur se fait d'un conflit avec son employeur. Ce patient de 30 ans a décidé de porter plainte contre son patron et il est très sûr de lui, il pense le faire condamner. En réalité, son employeur a une situation sociale et politique très solide, et le résultat d'une telle démarche est très incertain. Comme je demande à mon patient s'il a rêvé de son affaire, il me raconte ceci :
« Il se souvient d'une simple image de son patron, qu'il voit imposant et plutôt dangereux. »
Cette simple image prévient le rêveur du danger que son patron représente et qu'il a mal évalué : le rêveur ne fait pas le poids et il s'attaque à plus fort que lui. Malgré mes conseils de prudence, mon patient n'a tenu aucun compte de son rêve et il a gardé ses illusions jusqu'à ce que le tribunal lui donne tort. Frustré, il s'est vengé en agressant physiquement son patron, ce qui l'a conduit en prison pour quelques mois !
Ce rêve compensateur venait corriger une attitude consciente défectueuse et une mauvaise analyse de la situation.
Le patient aurait dû regarder la situation avec les yeux de son rêve et ne pas s'attaquer à plus fort que lui, même s'il était dans son droit...


Compensation intérieure : « la scie circulaire »

C'est le rêve d'un chercheur qui justement se consacre à l'étude du sommeil. Une image de ses rêves l'a tellement impressionné qu'il la reproduit au début de sa publication sans lui donner d'interprétation. Cette image est dure, il s'en dégage une impression pénible :

« Un gros cube de glace est placé sur le plateau d'une énorme scie circulaire et il est déjà à moitié coupé en deux ! À l'intérieur, on distingue les silhouettes figées de poissons tropicaux multicolores. »
 
La scie circulaire et les poissons figés dans la glace... cette situation tout à fait étrange est facile à interpréter comme une compensation au travail de ce chercheur. En appliquant des méthodes scientifiques, enregistrements et statistiques, à l'étude du rêve, son intellect froid n'évalue que des données chiffrées, figées. Le dynamisme du rêve, son aspect émotionnel, sa relation avec la vie et ses incessantes transformations, tout est perdu ! La glace qui emprisonne les poissons tropicaux décrit bien une situation artificiellement figée et privée de chaleur humaine. Cette scène représente la méthode que le chercheur applique à l'étude de l'inconscient et des rêves.

En réalité la mer avec ses poissons tropicaux décrit bien à la richesse multicolore et exotique du monde intérieur et de l'inconscient. En neurophysiologie, le système psychisme du nouveau-né émerge peu à peu d'un océan d'inconscience. En psychanalyse, la mer est un océan psychique intérieur aux profondeurs insondables, un symbole de l'inconscient.

Cette image montre au chercheur les aspects négatifs de sa méthode expérimentale. Elle manque de finesse et de chaleur, elle n'étudie pas et ne respecte pas la vie.
L'inconscient et les rêves forment un univers vivant, riche et coloré comparable à une mer tropicale avec ses poissons. Le monde des rêves doit être étudié en respectant sa spontanéité et son dynamisme incessant.
 


Comprendre les "projections"

Nous ne nous connaissons pas nous-même et notre personnalité évolue lentement : beaucoup d'aspects de notre personnalité restent inconscients jusqu'à ce qu'ils se manifestent et se réalisent dans notre vie familiale, sociale et professionnelle. Alors ce qui nous fascine chez l'autre est ce que nous ne sommes pas encore.
La projection est un phénomène psychique qui plaque sur une personne ou un objet extérieur l'une des parties et fonctions encore inconnues de notre personnalité.
À cause de nos projections, notre personnalité en devenir nous apparaît d'abord sous les traits de personnes connues ou inconnues qui appartiennent au monde extérieur, et de la même façon dans nos rêves.
À cause de nos projections, certaines personnes du monde extérieur comme nos parents, nos amis ou nos ennemis prennent une importance démesurée.
Les projections sont contraignantes. L'autre devient le support d'une partie de nous-même, ce qui le rend indispensable. Les projections faussent les relations et créent des dépendances embarrassantes :
  • Dans les relations familiales,
  • Dans les relations humaines et les conflits,
  • Dans les dépendances amoureuses,
  • Dans les relations homosexuelles.
Ces aspects projetés et inconscients de notre personnalité apparaissent dans nos rêves. Ils nous permettent ainsi d'identifier nos projections, de nous comprendre nous-même et de mieux comprendre les autres :
  • Bien comprise, la projection conduit à la connaissance de soi.
  • Mal comprise, la projection crée une illusion, un écran qui s'oppose à la connaissance de l'autre et de soi. 

Une projection : « la meilleure amie »

Ce rêve très simple illustre le mécanisme de projection tel qu'il apparaît dans les rêves. Le personnage extérieur représente une partie inconsciente de la personnalité de la rêveuse. Il s'agit d'une jeune femme qui rêve...
« ...qu'elle se dispute avec sa meilleure amie. »
Le rêve est très banal. Pour cette jeune femme, il est d'autant plus étrange qu'elle n'a aucune raison de se disputer avec son amie. Faut-il y voir la preuve de pulsions agressives ou sexuelles refoulées et inconscientes ? Freud aurait sans doute affirmé que cette femme souhaitait inconsciemment un conflit avec son amie...

Pour interpréter ce rêve sur le plan intérieur, il faut d'abord savoir ce que la rêveuse voit chez son amie, ce qu'elle projette de sa propre personnalité sur son amie. Quand la rêveuse parle de son amie, elle la décrit comme une personne « toujours bien disposée et prête à rendre service » La situation est dont très simple :
Cette amie est la projection des aspects serviables et bienveillants de la rêveuse elle-même :« Le conflit est intérieur, la rêveuse est en guerre avec elle-même. »
Une telle interprétation est utile à condition que la rêveuse y adhère. Elle confirme alors que dans la réalité, elle pense que certaines personnes profitent d'elle et que cela a assez duré. Elle a décidé de ne plus se laisser faire... etc !

Ce rêve compensateur tente de corriger cette attitude négative ou égoïste  il invite la rêveuse à rester attentionnée, même si parfois on profite de sa gentillesse. Ce genre de rêve est très utile car il montre à la rêveuse où est le meilleur d'elle-même. Elle peut ainsi éviter un conflit et évoluer de façon positive.
D'une façon plus générale, une bonne analyse est souvent utile, elle enrichit et guide le rêveur :
  • Un rêve incohérent sur le plan de l'objet devient cohérent et utile sur le plan du sujet.
  • Une image absurde a souvent un sens abstrait, figuré.
  • Un rêve bien compris ne se renouvelle pas
  • Le rêve est souvent une compensation, une correction d'une situation consciente.
  • Le rêve est un moteur du développement personnel, de l'individuation.
 

Projection et fonction paternelle ou maternelle

Chez l'adulte, les rêves dont le personnage central est l'un des parents du rêveur sont souvent des projections : le rêve concerne la « fonction paternelle ou maternelle » du rêveur, comme dans l'exemple suivant :
La rêveuse fait un rêve récurrent qui la culpabilise énormément :
« Elle découvre sa mère abandonnée dans une maison de retraite, et sa mère l'accable de reproches »
 
Un rêve récurrent est un rêve mal interprété. Dans la réalité, la mère de la rêveuse est décédée et elle n'a rien à se reprocher. Mais le rêve signifie que la rêveuse « a mis sa propre fonction maternelle à la retraite ». Le rêve lui reproche de négliger sa vie de famille et de fait, elle a une vie très extravertie que son mari et ses enfants lui reprochent.
Dans les rêves, les projections doivent être interprétées comme des fonctions connues ou inconnues du rêveur lui-même. Si le personnage onirique est inconnu, il s'agit d'une fonction inconnue du rêveur, qui est appelée à jouer un rôle dans sa vie par la suite. C'est tout simple, n'est-ce pas ! En pratique, c'est assez difficile. 


Les rêves d'enfants

Ces rêves sont spécifiques car il s'y trouve beaucoup de projections de leur personnalité encore immature et beaucoup de compensations du monde extérieur. On y rencontre aussi beaucoup de thèmes magiques ou mystiques, des histoires de princes ou de princesses, d'anges et de démons.
Chez un enfant, l'exemple précédent doit être interprété d'une façon tout à fait différente. Un enfant n'a pas de fonction paternelle ou maternelle active et quand il rêve de son père ou de sa mère, il s'agit surtout de compensations. Ces compensations sont parfois de vrais cauchemars capables de bouleverser la personnalité de l'enfant et la vie de famille...

Les rêves d'enfants représentent souvent une description symbolique du monde des adultes qui les entoure : « Le roi est nu ! » N'en déplaise à certains, la vérité sort de la bouche des enfants, et souvent ils l'expriment sans la comprendre eux-mêmes, ce qui dérange énormément.
 

Développement intérieur et rêve : l'individuation

L'une des fonctions du rêve est d'assurer l'individuation, c'est à dire l'apparition et le développement harmonieux des différents aspects de la personnalité : le rêve guide le rêveur vers sa totalité psychique.

Le rêve précédent, « la meilleure amie », est déjà un rêve d'individuation. Dans un premier temps, il identifie un aspect très important de la personnalité de la rêveuse avec une fracture, une guerre intérieure. Dans un deuxième temps, ce rêve invite la rêveuse à se comporter comme sa meilleure amie, le rêve montre dans quel sens la rêveuse doit évoluer. En limitant les revendications de son ego et en acceptant de rendre service, la rêveuse va améliorer toutes ses relations extérieures, familiales, professionnelles.
 


Développement intérieur et rêve : « l'enfant intérieur »

Les composantes immatures de notre personnalité préexistent, inconscientes. Elles sont comme les gènes, comme un oeuf, comme le germe d'une plante, comme un embryon, ou encore comme un petit enfant qui commence sa croissance.
Toutes ces images apparaissent clairement dans les rêves et elles décrivent ce qui est immature chez le rêveur, les aspects de sa personnalité qui doivent se développer.
Quand le rêve parle d'un petit enfant, il s'agit bien de ce germe, du futur de notre personnalité, et il se présente de nombreuses façon en fonction de l'attitude du rêveur à l'égard de lui-même :
  • Le rêveur = l'ego, il veut garder le pouvoir et a peur du changement.
  • L'enfant = l'avenir du rêveur, le renouvellement de sa personnalité.
Si le rêveur adopte une attitude positive, accepte de changer et d'évoluer intérieurement, il s'agit de rêves positifs, par exemple :
  • Le rêveur rencontre un enfant abandonné qu'il prend en charge,
  • Le rêveur protège un enfant, le sauve d'un accident ou d'une noyade,
  • Le rêveur découvre qu'il est le père d'un enfant inconnu.
Dans le cas contraire, le rêveur psychorigide est incapable d'évoluer. La peur du changement l'empêche de s'ouvrir à de nouvelles façons de penser et d'orienter sa vie. Cette rigidité psychique va se manifester dans ses rêves de façon inquiétante ou dramatique, avec des pertes, des accidents et des morts :
  • Au mieux le rêveur cherche un enfant qu'il a perdu,
  • Le rêveur voit un enfant blessé, affamé, malade et privé de soins,
  • Le rêveur voit un enfant en train de se noyer, ou renversé par une voiture,
  • Le rêveur découvre le cadavre d'un enfant qu'il a lui-même tué,
  • Le rêveur terrifié découvre qu'il a lui-même blessé ou tué un enfant,
  • ... etc !
Tous ces rêves, positifs ou sinistres, ne parlent que de l'enfant intérieur et de l'évolution, positive ou négative, du rêveur lui-même.
Quand un enfant meurt dans nos rêves, c'est la partie enfant de notre être qui meurt, c'est notre avenir qui meurt.
On peut alors assurer au rêveur, assailli par ces images morbides, qu'elles vont disparaître s'il libère l'esprit d'enfance qui étouffe et crève au fond de lui...
 


« Le Petit Prince »

Dans chaque être humain, il existe un esprit d'enfance et d'innocence que Saint-Exupéry évoque dans son livre "Le Petit Prince". Deux générations se sont extasiées devant ce texte sans jamais comprendre qu'il s'agit de l'enfant intérieur, de leur enfant intérieur.
Il s'agit d'un grave problème de notre époque, qui concerne toutes les personnes dont la simplicité et la spontanéité sont submergées par des préoccupations d'adultes : l'argent, l'ambition, le sexe, la vie matérielle, la sécurité... Dans ces rêves, le rêveur et l'enfant sont une seule et même personne.

On parle aujourd'hui de « plasticité cérébrale » alors que les hommes sont psychorigides. Nous vivons à une époque où le "Petit Prince" caché au coeur de chaque être humain, l'enfant intérieur est en danger de mort. Pour beaucoup de nos concitoyens, cet enfant intérieur est même déjà mort.
Quand des parents rêvent que leur enfant est en danger, ils attribuent cela à des peurs... qui sont en réalité une peur de la mort de leur enfant intérieur.
 

Développement intérieur et rêve : « perdre ses dents »

Cette question revient souvent, et il s'agit bien d'un thème directement en relation avec le développement intérieur et l'individuation. Les dents permettent de mordre et de mâcher, et ainsi de saisir, dans le monde extérieur, ce dont on a besoin pour vivre et assurer notre croissance. On dit bien « mordre dans la vie à pleines dents ». On dit aussi « avoir une dent contre quelqu'un », quand nos intérêts vitaux semblent opposés à ceux d'une autre personne. On dit encore « se casser les dents » quand on échoue devant une affaire trop difficile. Privés de dents, les nourrissons et les vieillards sont passifs et ils dépendent de leur entourage. On dit aussi que chaque naissance « coûte une dent » à la femme, ou encore que quelqu'un « ne veut pas en démordre », quand il ne veut pas abandonner de vieilles idées.
Toutes ces expressions sont significatives du sens symbolique à donner aux rêves de dents. Comme notre vie matérielle, le développement de notre personnalité se heurte à des obstacles passagers ou définitifs :
« Rêver que l'on perd ses dents » signifie que notre personnalité profonde ne s'épanouit pas dans son interaction avec le monde extérieur. Notre vie psychique stagne ou régresse, notre mode de vie fait obstacle à une évolution psychologique fondamentale.
Certes, le rêve n'annonce pas la mort, mais il décrit une situation "contre-nature" et dangereuse. Prolongée, cette situation aura des conséquences néfastes à la fois sur le plan psychique et physiologique. Ainsi la croyance populaire est en partie vraie. Quand on perd ses dents en rêve, on risque, à long terme, de tomber nerveusement ou physiquement malade et on doit s'investir d'une autre façon dans la Vie.

Les rêves où nous perdons des dents nous avertissent que notre développement intérieur, notre individuation est entravée. Et cela se produit parfois quand tout semble nous réussir dans le monde extérieur. Il faut règler ou contourner les conflits, se réorienter physiquement et psychologiquement, trouver la ligne de moindre résistance qui nous permettra de nous épanouir véritablement, parfois au détriment d'une certaine réussite apparente.
 

Rêves récurrents post-traumatiques

Ces rêves récurrents et très pénibles se répètent pendant des années après un traumatisme. Le rêveur a l'impression de revivre sans fin une période difficile de sa vie et il interprète ses rêves comme un effet de la peur éprouvée dans le passé.

Les traumatismes ne sont pas tous des effets du hasard. Il existe parfois une relation significative entre le traumatisme physique et l'évolution psychique: le traumatisme survient précisément au moment ou le développement de la personnalité de l'individu est entravé, il fait les mauvais choix et s'oriente dans la mauvaise direction professionnelle, familiale ou autre :

Les rêves récurrents post-traumatiques signifient que l'individuation est entravée. Ils se répètent parce que la situation initiale accompagnée d'un traumatisme n'a pas changé. Les conditions intérieures se prolongent et la personnalité du rêveur n'a pas évolué : il aurait dû, suite à son accident, changer de route, de vie, de façon de penser, de conjoint ou de relations...
 

La fonction transcendante du rêve

Dans toute l'histoire de l'humanité et dans toutes les civilisations qui ont précédé la nôtre, on retrouve cette grande idée que le rêve est un médiateur entre le monde physique dans lequel nous vivons et un autre univers spirituel, inaccessible et inconnaissable. Traditionnellement le rêve est un messager des dieux, une fonction transcendante du rêve que l'on retrouve dans toutes les grandes religions.

La Bible ne fait pas exception et elle est jalonnée de grands rêves comme l'Échelle céleste de Jacob, les rêves initiatiques cosmiques de Joseph, les rêves de Pharaon, etc. Pour les chrétiens, l'histoire du Christ commence aussi avec des visions et de grands rêves comme ceux de Joseph, le père de Jésus.



Dans notre société moderne dominée par le matérialisme et l'athéisme, cette fonction transcendante se manifeste toujours de façon parfois impressionnante chez des individus isolés à des moments particulièrement critiques de leur existence. La récente conversion au christianisme de Véronique Levy, la soeur de Bernard Henry, a ainsi été médiatisée à cause du grand rêve très impressionnant dont elle a fait le récit suivant pour Paris-Match :


« Je suis recouverte d'un voile noir, encerclée par des hommes qui me lancent de l'un à l'autre. Je m'arrache à ce cercle, je cours, jusqu'à ce que j'arrive devant une cathédrale. Les portes s'ouvrent. J'entends les battements d'un coeur qui secouent toute la cathédrale. Et je vois le Christ en croix, immense. Les battements s'intensifient et j'entends : « Que ton coeur de pierre devienne un coeur de chair. » Les bras du Christ s'élancent vers moi et de ses mains transpercées sortent deux épées qui me rentrent dans le coeur. C'était la première fois que le Christ s'adressait à moi. J'étais à la fois terrorisée et envahie d'amour. Je n'ai jamais oublié ce rêve, dont, évidemment, je n'ai parlé à personne. »

Paris-Match.com du 30 mars 2015.
Comme avec les rêves bibliques, ces rêves transcendants sont capables de bouleverser toute une vie et ceux qui les reçoivent sont les nouveaux prophètes des temps modernes. Aujourd'hui les religions perdent cet esprit prophétique, elles deviennent rigides, figées et stériles comme les langues mortes qui n'existent que par les livres :
« Car il est double, le méfait commis par mon peuple : ils m'ont abandonné, moi, la source d'eau vive, pour se creuser des citernes, des citernes crevassées, qui ne peuvent retenir les eaux. » Jérémie, chapitre 2, verset 13.
Est-ce que le judaïsme, le christianisme et l'islam vont finir par comprendre ? Rien n'est moins sûr !



L'analyse freudienne du rêve

À l'opposé de tout ce qui précède, pour Freud le rêve n'est pas un phénomène naturel et il n'a pas de véritable utilité. Le rêve freudien dissimule sans fin au rêveur des refoulements sexuels et des pulsions mauvaises issues de sa toute petite enfance.
Les psychanalystes freudiens l'ont bien compris, eux qui se désintéressent des rêves, ne racontent pas les leurs et ne travaillent pratiquement pas sur les rêves de leurs patients.

Avec Freud on ne trouve pas les notions de projection, de compensation ou d'individuation.
En considérant chaque rêve comme l'expression d'un désir, l'interprétation freudienne est orientée vers le monde extérieur.
Elle tend à désorganiser cette vie extérieure en donnant libre cours aux pulsions égoïstes de l'individu et elle jette, à priori, le trouble sur sa personnalité profonde, considérée comme perverse.

Last but non least, la doctrine freudienne nie complètement la fonction transcendante du rêve et rejette tout l'héritage de ses ancêtres.

 

mardi 15 mai 2018

Les personnages archétypiques dans les rêves

 Mardi 15 mai 2018

Les rêveurs se demandent parfois comment parvenir à identifier la nature archétypique des personnages rencontrés dans leurs songes.

Ainsi, une femme qui s’occupe d’un nourrisson ou un homme âgé représentant-ils leurs propres personnages ou les figures archétypiques de la Mère et du Vieux Sage ?

On pourrait considérer, en un sens, que tout personnage onirique remplissant ces rôles est archétypique, puisque la maternité et la maturité elles-mêmes ont valeur archétypique. Toutefois, l’apparition de véritables archétypes laisse généralement une empreinte indélébile dans la mémoire du rêveur.
 
Les rêves dans lesquels les véritables archétypes se manifestent sont essentiellement reconnaissables à leur pouvoir d’inspirer une sorte de crainte révérencielle. Les rêveurs en arrivent  quelquefois à penser que leurs rêves leur sont envoyés par une puissance extérieure sage et bienveillante ;
 
Si vous constatez que l’importance du personnage de votre rêve dépend plus du fait qu’il véhicule un thème fort sous jacent que de sa qualité de personnage, il y a quelque chance pour qu’il s’agisse d’un archétype.

La pertinence universelle des archétypes peut être généralement perçue comme une expérience d’une signification supérieure, difficile à déchiffrer, mais qui, une fois vécue, devient identifiable. Jung conférait aux rêves archétypiques la fonction particulière d’aider le rêveur à orienter le cours ultérieur de son existence.

Il conseillait aux rêveurs de rechercher l’origine de ce rêve et d’en mesurer l’éventuelle incidence. Si les archétypes constituent des personnifications de nos énergies psychiques, leur apparition dans les songes peut alors nous laisser entrevoir notre avenir.


 
REPERTOIRE DES ARCHETYPES 
 
Les énergies archétypiques peuvent donc s’incarner de différentes manières, et se manifester dans les songes sous la forme d’événements symboliques ou d’êtres réels ou mythiques. Vous identifierez plus aisément, du moins au début, les archétypes adoptant une apparence humaine.
 
L’Anima est porteur de sagesse dirigée vers soi-même. Empruntant habituellement les traits d’une jeune femme, elle représente l’intuition, l’élément féminin de notre psyché que les hommes ont tendance à négliger trop fréquemment.
L’Anima, comme l’Animus, intervient souvent pour servir de guide au rêveur qu’elle exhorte à emprunter en toute confiance des voies inédites pour explorer son moi intérieur.
 
L’Animus représente la composante masculine et la psyché féminine. Souvent symbolisé dans les rêves sous les traits d’un beau jeune homme et dans les contes de fées par le prince charmant, il représente l’énergie masculine brave, active et volontaire, dont les femmes n’exploitent que rarement le potentiel. L’Animus se manifeste souvent dans le but de leur rappeler qu’elles peuvent tout aussi bien trouver en elles les qualités qu’elles s’obstinent à chercher à l’extérieur et les éclaire dans leur quête.
 
L’Enfant Divin, qui prend dans les rêves l’apparence d’un nourrisson ou d’un petit enfant, est l’archétype de la régénération et de l’avènement d’une vie nouvelle. La symbolique de l’Enfant Divin associe les notions de sacré, d’innocence et de pureté parfaites. Il a le pouvoir de nous transformer en nous révélant nos véritables origines d’enfants innocents et curieux, et en nous rappelant combien nous avons délaissé notre potentiel personnel initial.
 
Le Vieux Sage nous transmet le savoir et la clef des problèmes et dilemmes d’ordre pratique que nous rencontrons sur la voie de la découverte et de l’accomplissement de nous-mêmes. Il peut se manifester sous l’apparence d’un magicien, d’un ermite, d’un sage ou d’un professeur.
Parce qu’il personnifie, d’une part, la sagesse immémoriale de l’humanité et, par ailleurs, la connaissance supérieure vers laquelle nous tendons, il donne souvent au rêveur le sentiment d’avoir la force et la puissance de faire des choix avisés. Cet archétype peut aussi revêtir les traits d’une vieille femme sage.
 
Le Héros est la facette de notre personnalité consciente qui, chez les hommes comme chez les femmes, aspire à un développement et  à un épanouissement intérieur et se met en quête de la vérité. Les travaux auxquels fait face le Héros sont souvent symbolisés par des défis physiques requérant des qualités et une bravoure exceptionnelles, et nécessitent le recours fréquent à l’Animus, à l’Anima ou au Vieux Sage.
Cet archétype peut aussi apparaître comme un antihéros, que la quête d’idéaux trompeurs entraîne dans une série d’aventures dont il ressortira grandi, mais qui resteront futiles. Lorsqu’un rêve met en scène des défis physiques ou psychologiques, vous pouvez en déduire que vous êtes en présence de l’archétype du Héros.
 
Le Magicien possède une face lumineuse, qui peut s’incarner dans les songes dans le personnage d’un bouffon ou d’un clown, et une face obscure, qui se manifeste sous l’apparence d’un personnage sournois et sinistre, qui prend un malin plaisir à embrouiller et à gâter la situation. Il jongle entre ces deux rôles, sans prévenir, et peut également être le signe de la transformation.
Le magicien représente le versant intuitif de notre psyché. Son apparition et son intervention dans nos rêves nous sont souvent bénéfique à long terme, même si notre perception en est toute autre.
 
La Mère, symbole de la fécondité, de la fonction nourricière et de l’amour indispensable au développement, présente également un aspect négatif, lorsqu’elle revêt des traits de la femme possessive voire dévoratrice, personnifiée généralement dans les contes de fées par une sorcière ou une méchante marâtre.
Lorsqu’elle est vénérée en tant que protectrice des moissons et reine omnipotente, la Mère figure avant tout les principes de la bonté et du mystère féminin.
 
L’Ombre représente l’obscurité, le versant refoulé de notre personnalité, qui peut apparaître dans les rêves sous la forme d’un compagnon hostile ou d’une présence silencieuse et inquiétante.
L’Ombre n’est pas systématiquement malfaisante, mais elle représente certains aspects intimes de nous-mêmes dont nous préférerions qu’ils n’émergent pas.
Peut-être nous faut-il laisser accéder à la lumière les affects représentés par l’Ombre, de façon à les évaluer et à les traiter au niveau conscient.
 
Les Nombres revêtent également souvent, dans les grandes traditions, une signification archétypique. Le chiffre un représente l’apparition originelle de l’esprit dans la matière, le chiffre deux, les principes masculin et féminin ainsi que la procréation ; le trois, la trinité divine (et parfois la trinité du corps, de l’âme et de l’esprit) ; le quatre, la terre et l’harmonie ; le cinq, l’homme (l’étoile à cinq branches) ; le six (3 que multiplie 3), l’amour, les rêves et le don ; le sept (4 plus 3), le voyage mystique qui conduit de la terre au ciel ; le huit, l’initiation, le neuf (3 fois 3), l’éternité et l’invulnérabilité ; et le nombre dix, la loi et les commandements (calqués sur nos dix doigts). Le zéro, le cercle parfait, représente à la fois l’infini et le vide, toute chose et le néant.
Les nombres peuvent se manifester symboliquement dans les rêves dans un ensemble d’objets, de compagnons, de travaux, etc. Certaines traditions suggèrent qu’en sacrifiant, avant de s’endormir, à des rites spécifiques, on peut provoquer des rêves dont le contenu peut être symbolisé par un chiffre.
 
Ces huit figures archétypiques sont seulement quelques-uns des innombrables aspects qui incarnent, dans les songes, nos énergies archétypiques.
En acceptant d’accorder également aux éléments (terre, eau, air et feu) et aux créatures mythiques, comme les licornes et les chevaux ailés, le statut d’archétypes, nous enrichissons notre langage psychique personnel qui nous permettra de comprendre et d’interroger nos rêves.


 
Les archétypes, nous sont d’une aide précieuse dans l’interprétation des rêves. Il nous faut toutefois veiller à ne pas tomber dans le piège qui consiste à penser qu’ils fournissent des significations immédiates quelque soit le contexte.
Nous ne devons pas oublier non plus qu’ils ne représentent que les pièces d’un puzzle à reconstituer.
Ils sont, à l’instar des composantes de l’inconscient collectif, comme les mythes et les contes populaires, d’une nature complexe et souvent ambivalente.
 
Si nous nous familiarisons avec les archétypes et leur apparence dans les mythes, nous les reconnaîtrons quand ils apparaîtront dans nos songes et nous serons alors plus réceptifs à leurs messages. Mieux les connaître peut même augmenter la fréquence de leurs apparitions. De la même façon que les archétypes jaillissent des profondeurs de notre inconscient, les rêves, qui nous ménagent un contact plus direct avec eux, nous permettent également de forger une relation plus harmonieuse entre les différentes strates de notre personnalité.

(...)

Francesca

 

vendredi 11 mai 2018

Les personnages de nos rêves

 Vendredi 11 mai 2018

[Dans nos rêves] nous rencontrons toute une famille
à mesure que nous les identifions et les réunissons,
nous font devenir bien plus que ce que nous étions alors.

Robert Moss

 
 
Dans un précédent article, nous avions évoqué les visites de l'au-delà (...) lorsque des êtres qui nous sont chers franchissent le seuil des mondes pour venir nous voir dans nos rêves éveillés ou nocturnes. Mais parmi tous ces gens, il y en a de bien vivants que nous les ayons vus récemment ou pas.
 

Les quatre grandes catégories

On pourrait distinguer quatre grandes catégories de rêves avec des personnes que nous connaissons et qui ne sont pas des « visites » :
  1. en tant que représentation d'elles-mêmes ;
  2. en tant que représentation symbolique de quelqu'un d'autre ;
  3. en tant qu'archétype (un terme jungien pour l'incarnation d'une image primitive ou d'un personnage récurrent en rêve ou en pensée ; Jung considérait les archétypes comme universels et résidant dans l'inconscient collectif que nous partageons en tant qu'espèce) ;
  4. en tant qu'aspect de nous-mêmes (une part de nous-même que nous devons apprivoiser, guérir ou bien encore reconquérir) que notre esprit onirique fait ressortir en tant que personnage à part entière.
Nous savons également que les rêves peuvent comporter plusieurs couches de signification simultanée, par conséquent votre père, votre patron ou votre amie Nancy peuvent se manifester dans le vôtre à plus d'un titre. C'est pourquoi il est si essentiel de travailler ses rêves à plusieurs car nous n'avons pas une perception immédiate de tous nos niveaux et que sans autres paires d'yeux et d'oreilles, nous pourrions passer à côté de quelque chose  d'important.

Avant d'examiner les quatre catégories susmentionnées, j'aimerais également vous sensibiliser à l'aspect ludique « calembour » des personnages dans nos rêves. Parfois, la signification est à rechercher dans leur nom ou le jeu de mots sur celui-ci plutôt que dans la personne même. Par exemple, une collègue avait rêvé d'un assortiment de bagages au nom de M. Hartman.
Après avoir débattu de qui était M. Hartman, quelqu'un a fait remarqué qu'on pouvait l'entendre comme « heart man » (homophone signifiant « homme de cœur ») ; ce qui nous a orienté utilement le dialogue sur l'élu de son cœur et la manière dont il s'insérait dans son rêve.
Rêver de Tante Missy peut revêtir plusieurs niveaux sémantiques ; l'un d'eux pouvant indiquer que quelque chose vous manque (« miss », le manque) ou bien qu'il manque quelque chose dans votre vie.

 

L'exemple de Tante Missy

Examinons donc Tante Missy en tant que personnage apparu dans votre rêve afin d'explorer ces couches potentielles. Voici quelques questions à vous posez pour voir à combien de catégories elle appartient ; sans exclure la possibilité qu'il puisse s'agir d'une visite pour le cas où elle aurait quitté ce monde afin de vous livrer un message ou juste vous faire un petit coucou.

Si elle s'est présentée en tant qu'elle-même, vous pourriez vous interroger sur :

  • Ce qu'elle représente pour vous
  • La nature de votre relation : est-elle une confidente, une seconde mère, une source de tension lors des fêtes ?
  • D'éventuels comptes que vous auriez à régler avec elle
  • La qualité de votre dernière rencontre avec elle

Si elle s'est présentée en tant que substitut symbolique, vous pourriez vous demander :

  • Si elle est issu de votre côté maternel ou paternel et comment interpréter sa présence dans le rêve
  • Si parmi ses qualités ou traits de caractère, certains trouvent écho en vous en rapport avec votre personnalité ou celle de quelqu'un qui compte dans votre vie
  • À quoi elle ressemble : vous rappelle-t-elle quelqu'un ?
  • Ce qu'elle fait dans le rêve et votre position par rapport à cela

Si elle s'est présentée en tant qu'archétype ou symbole amplifié, vous pourriez noter :

  • Si dans le rêve, il émane d'elle une aura numineuse ou spirituelle ?
  • Si elle vêtue de manière inhabituelle qui vous évoque quelque chose de sacré (ex. : une robe blanche ou une longue pèlerine à capuche) ?
  • La qualité de votre interaction dans ce rêve : avez-vous l'impression qu'elle a un message pour vous ?
  • Si elle vous parait incarner un des archétypes primaires comme celui de la sage femme, de la mère, de la sorcière ou de l'ombre

Si elle s'est présentée en tant qu'aspect ou part de vous que vous pourriez identifier :

  • A-t-elle le contrôle ?
  • Est-elle en conflit avec un membre de la famille ?
  • Trop passive ?
  • Pleine d'entrain ?
  • Le pilier de son foyer ?
Avec tous ces niveaux potentiels, observez ce que fait le personnage dans le rêve et comment vous interagissez avec lui. Notez également la résonance émotionnelle.
 

Les célébrités dans nos rêves

C'est également très amusant lorsqu'il s'agit de personnes célèbres ! Imaginez comment vous pourriez vous en donner à cœur joie si Madonna apparaissait dans votre rêve.
Sa présence aurait-elle un rapport avec la sexualité ? La sainteté ? La pureté ? Ou bien représenterait-elle une femme forte ? Un jugement de ces aspects en vous ou chez les autres ? Une tension entre votre Déesse intérieure, votre part sexuée et votre éducation religieuse ? Un aspect de vous qui désire s'exprimer ? Êtes-vous cinglé (jeu de mots qui ne fonctionne qu'en anglais avec la première syllabe du nom « mad » signifiant fou, cinglé) ? Y a-t-il un « Don » dans votre vie ? Amusez-vous bien à chercher.

Notez que ces questions n'ont pour but que de vous servir de point de départ, n'hésitez surtout pas à y ajouter les vôtres pour faire connaissance avec les personnages de vos rêves ! Comme toujours, faites-moi savoir comment cela fonctionne pour vous.

Faites de beaux rêves...


Traduit de l'anglais par Ey@el
Article entier ICI


 
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mardi 8 mai 2018

Revivre le rêve

Mardi 8 mai 2018

Approches du rêve


Le rêve n’est pas vraiment définissable.
 Cette étonnante production d’images, de sons,
se succédant en des scènes plus ou moins cohérentes
(cohérentes pour le rêveur parvenu à l’état d’éveil, s’entend…
 car le rêve a sa propre cohérence,
très rarement remise en cause par le rêveur en activité,
 qui lui donne tout le poids émotionnel de la réalité)
 a donné lieu depuis l’aube des temps à un questionnement sans fin.
Les sociétés primitives s’en servaient, s’en servent encore,
 comme moyen d’interprétation
de leur environnement ou de leur avenir.
L’arrivée des sciences humaines a ouvert au rêve
des perspectives d’exploration encore inconnues.
De révélateur de l’extérieur, le rêve est devenu
révélateur de l’intériorité la plus mystérieuse,
 celle de la psyché.

Pour Freud, le rêve est, selon l’expression consacrée,
“la voie royale vers l’inconscient.”
Les deux concepts clés qui régissent le fonctionnement de l’inconscient
étant la condensation et le déplacement, le rêve s’exprime donc
 avec un total mépris des lois de la physique, de l’espace-temps,
de la morale, des conventions.
Son langage est hautement fantaisiste, sa logique complètement irrationnelle,
et il échappe à toute volonté de maîtrise, quelle qu’elle puisse être.
Freud va donc associer très rapidement le rêve au langage de l’inconscient,
 véhicule de communication privilégié
 entre le refoulé du “ça” archaïque et le conventionnel du “surmoi” policé.
Cette première définition ne sera jamais contestée par les descendants de Freud,
 de quelque obédience qu’ils se reconnaissent.

Le sujet sera abondamment exploré, notamment par la psychologie Jungienne,
pour laquelle il reste un matériel de premier intérêt.
 Son interprétation, néanmoins, divergera de celle de Freud :
 en donnant à la psychologie sa dimension transpersonnelle,
 Jung utilisera une grille symbolique beaucoup plus vaste.
Pour Jung, le rêve “est un phénomène naturel
qui ne procède pas de la volonté.
 On ne peut l’expliquer par une simple psychologie de la conscience.
La fonction qui le détermine ne dépend en effet ni de la volonté,
 ni des souhaits, ni des projets ou des buts du Moi humain.
Le rêve, à l’instar de tout événement naturel,
est un événement non justifié.”
(C.G. Jung : “Sur l’interprétation des rêves”).


Comment Perls se positionne-t-il dans cette recherche ?



Fritz Perls, l’un des pères fondateurs, s’exprime ainsi :
“La Gestalt thérapie est une approche existentielle,
 ce qui veut dire que nous ne sommes pas occupés uniquement
 par la structure du symptôme,
mais aussi et surtout par l’expérience totale de la personne.
Cette existence et ses problèmes sont, pour moi, clairement inclus dans les rêves.
Freud a dit du rêve qu’il était la via regia, la voie royale vers l’inconscient.
Et moi je crois que c’est la voie royale vers l’intégration.”
(F. Perls : “Rêves et existence en Gestalt-thérapie”)

Une divergence de taille apparaît :
en donnant au rêve sa dimension intégrative,
Perls introduit une dynamique qui ne se résume plus
à l’approche plutôt intellectuelle de l’interprétation, mais va bien au-delà,
avec la participation du patient à résoudre l’énigme de sa production onirique :
“En Gestalt thérapie, nous n’interprétons pas les rêves.
Nous faisons quelque chose de bien plus intéressant.
Au lieu d’analyser, d’autopsier le rêve, nous voulons le ramener à la vie.
Et la façon d’y arriver est de revivre le rêve comme s’il se déroulait actuellement.

Au lieu de dire “le rêve”, comme si c’était le passé,
jouez-le dans le présent,
afin qu’il devienne partie de vous-même,
afin que vous y soyez vraiment impliqué.”
Si la névrose apparaît comme
“expression de la pacification prématurée des conflits”,
(“Gestalt thérapie”),
Perls la décrit également comme
une perte de contact avec notre “moi” authentique.
Cette perte s’actualise par l’aliénation de parties de notre psyché,
projetées ou fragmentées,
que toute l’approche gestaltiste consistera à “récupérer
 au cours du travail thérapeutique.
  
 
Tout le monde rêve…
Mais tout le monde ne garde pas en mémoire le contenu de ses rêves.
Qu’est-ce qui conditionne l’oubli, ou le souvenir ?
L’hypothèse fréquente est que l’on oublie volontiers
ce à quoi on n’accorde pas d’importance,
ou ce que l’on préfère évacuer de peur d’avoir accès
 à des expériences non conscientes de notre être.
Ce qui n’est pas oublié peut aussi relever de l’inachèvement :
une expérience qui a rempli sa fonction est oubliée.
 On peut donc en déduire logiquement que l’oubli est le résultat
de deux éléments apparemment contradictoires,
 le refoulé ou l’achevé.

Le souvenir du rêve serait donc
la manifestation de l’inachevé,
demandant à être travaillé.



 Dans leur chapitre “Conflit et conquête de soi”
(“Gestalt thérapie”),
Perls Hefferline et Goodman assimilent le rêve
à l’expression des conflits intérieurs,
au même titre que le jeu et l’art.

 A ce titre, le rêve serait un phénomène autorégulateur,
positif et non névrotique.
Et ce, quel qu’en soit le contenu…
Nous avons une telle tendance à nous identifier au moi conscient,
 et si peu au moi non-conscient, qu’il nous est parfois très difficile d’admettre
que nous ne rêvons que de nous-mêmes.
Le parcours thérapeutique de l’une d’entre nous, (dix années d’analyse Jungienne)
est symptomatique : il m’a fallu deux ans, mes deux premières années de travail,
 pour consentir à retenir, donc à admettre,
que je ne mettais que moi-même en scène dans mes rêves…
Incompréhensible et inacceptable lorsque d’horribles personnages,
moralement très répréhensibles, font irruption dans l’imagerie nocturne…
Un sacré coup pour l’image de soi !

Si nous ne sommes pas responsables du fait de rêver,
expression de la physiologie,
 nous sommes responsables du contenu de nos rêves,
extrêmement révélateur de notre état intérieur.
Dans le souvenir du rêve, le “ça” vient en frontière contact,
en contact dans l’instant, en contact avec le monde :
c’est ce qui permet de dire qu’à ce moment,
le souvenir du rêve est d’ordre psychologique.

Pour des raisons de cohérence théorique, il n’y a aucun self dans le rêve.
Mais il existe dans le souvenir du rêve comme organisateur de sens.
Pour Perls et Goodman, il n’y a pas d’awareness dans le rêve,
mais de la “consciousness”, soit de la conscience réflexive.
 Cette “consciousness” est totalement identifiée aux scènes du rêve.
Elle n’a d’autre pouvoir que celui d’adapter aux images produites
 les réflexes de la vie diurne…
 Avec les limites propres à l’état de sommeil, bien sûr.
Le rêve exclut donc toute possibilité d’intégration immédiate,
 laquelle ne peut avoir lieu sans acceptation préalable consciente
des images du rêve :

“Mais il y a toujours la question d’accepter.
Et accepter ne veut pas dire simplement tolérer.
Accepter, c’est recevoir un cadeau,
 l’équilibre est toujours la reconnaissance de ce qui est.
 (Perls).

Reconnaissance de ce qui est,
et de ce qui m’appartient.
Perls poursuit :
“[…] les différentes parties du rêve sont
des fragments de notre personnalité.
Puisque notre but est de faire de chacun d’entre nous
une personne intégrée, unifiée,
ce que nous devons faire pour cela
est de recoller les différents morceaux du rêve.
 Nous devons rapporter à soi
ces parties projetées ou fragmentées de notre personnalité,
ainsi que le potentiel caché du rêve”.

Tout le travail de Perls s’effectue sur ce modèle :
chaque patient est invité à interpréter tour à tour les éléments de son rêve :
personnages, voire objets ou émotions, sont “joués” par le patient.
En investissant de sa propre énergie dans chaque élément de son rêve,
le patient se réapproprie cette partie exclue de lui-même, la “réénergétise” :
“[…] transformez-vous en chacun de ces éléments différents.


Devenez vraiment cette chose,
quelle qu’elle soit dans le rêve, devenez-le.
Utilisez votre imagination.
Devenez cette grenouille hideuse,
ou ce qui est, la chose vivante,
la chose morte, le démon,
et cessez de penser.




Perdez votre intellect et venez à vos sens.
Chaque petit morceau fait partie du puzzle, qui, assemblé,
fera un tout plus vaste, une personnalité plus forte, plus heureuse.
Une personnalité plus complètement réelle
(Perls)
.

"Deux approches du rêve en gestalt-thérapie"
par Stéphane Caudron, Marie-Anne Du Réaudu,
Véronique Neindredu et Marie-Dominique Rey
.


Cet article a été rédigé par quatre gestalt-thérapeutes en formation,
en cours de deuxième année à l’Institut Français de Gestalt-thérapie.
Au cours de cette session consacrée au travail du rêve et animée par Jean-Marie Robine,
l’approche préconisée par Perls et celle proposée par Isadore From
ont pu être exposées et illustrées au travers de deux démonstrations
pratiquées successivement avec deux participantes différentes.
Pour les raisons éthiques habituelles, les prénoms des participants ont été modifiés.


samedi 5 mai 2018

Jung et le rêve

Samedi 5 mai 2018


 
L'interprétation des rêves ou onirocritique est l'ensemble des techniques,
 rituelles ou symboliques, qui tentent, au sein d'une culture donnée,
de donner un sens au rêve.

L'approche que Jung fait du rêve est sensiblement différente de celle de Freud.
Pour lui, en effet, le rêve n'est pas d'abord la réalisation d'un désir inconscient
mais la meilleure expression possible de l'état psychique inconscient du moment.
Jung ne contredit pas la pertinence de l'approche de Freud,
mais il la passe au second plan dans son approche théorique.

Partir de l'hypothèse que le rêve est
la meilleure expression possible
de l'état actuel du psychisme inconscient
implique une toute autre approche clinique.
 
 Le rêve est alors considéré dans son contenu manifeste
 comme lien symbolique entre le moi et l'inconscient,
donc comme potentialité d'unification de la psyché,
 c'est-à-dire d'accès au Soi
considéré comme totalité psychique.

Parler de lien symbolique implique de se référer à la conception jungienne du symbole :
celui-ci est considéré par Jung comme un lien vivant entre le conscient et l'inconscient,
 lien vivant qui implique qu'il soit abordé dans toutes ses composantes,
c'est-à-dire dans tous les éprouvés, affectifs et sensoriels, qui le constituent,
et non uniquement dans son aspect d'image qui, sinon,
 pourrait trop facilement aliéner le moi dans un miroir narcissique mortifère.
 
D'une certaine façon on peut dire que, pour Jung,
le symbole s'enracine dans le corps.
 
De cette conception il s'ensuit que le rêve est considéré, éprouvé,
revécu par le sujet avec sa conscience éveillée,
bien plus qu'il n'est interprété en vue d'une compréhension.
 
Bien au contraire Jung considère que le rêve, comme tout symbole,
s'épuise au fur et à mesure qu'il est compris et intégré.
Il cesse alors d'être vivant, symbolique et de nous perturber.
 

 


mercredi 2 mai 2018

Rêver : étymologie

Mercredi 2 mai 2018


 
Rêver,
au sens d'avoir pendant le sommeil l'esprit occupé à des images,
 à des actions identifiables ou confuses, est un mot neuf.
Il n'a commencé à s'imposer qu'à partir des années 1650.
 
Descartes note « faire des rêves en dormant » (1649)
et Pascal écrit  dans une acception tout à fait moderne :
« Il me semble que je rêve » (1656).
Alors que dans la tragédie classique, jusqu'à Racine et même au-delà,
 les héros continuent à songer, dans la prose des philosophes et des moralistes
on commence à rêver.
 
Le mot rêve prendra en charge, au XVIIIe siècle,
tous les aspects et tous les moments de l'expérience :
le surgissement de la vision, les indices que laisse entrevoir le corps endormi,
 le souvenir que l'esprit en conserve et, bien sûr,
le récit que l'on peut en donner par la suite.
 Le phénomène est bien caractérisé, il n'est même pas propre à l'homme :
 « Non seulement les rossignols dorment, écrit Buffon,
mais ils rêvent et d'un rêve de rossignol
car on les entend gazouiller à demi-voix et chanter tout bas. »
 
Cette spectaculaire substitution lexicale a été,
 au cours du Moyen Age, précédée par une autre.
Songer a évincé pantaiser qui, à la Renaissance,
n'a plus que le sens de « suffoquer »
et dont il ne reste aujourd'hui que l'adjectif pantois.
 Mais songer comme pantaiser n'offriront pas très longue résistance,
même dans les dialectes d'oc.
 
La carte 1695 de l'Atlas linguistique de la France fait, à la fin du XIXe siècle,
le point sur une invasion lente mais irrésistible (Gilliéron et Edmont 1902).
Partout dans le Sud, revar, à l'occitane, est en passe de déloger pantaisar et somiar,
où, du moins, le français rêve, de plus en plus préféré à tout autre terme,
 provoque d'importants remaniements, lexicaux et sémantiques, dans ce domaine.
Ainsi en pays de Sault, dans un dialecte languedocien des Pyrénées,
l'ancien pantaisar signifie aujourd'hui « haleter », « perdre le souffle » ;
somiar, c'est à la fois dormir et rêver,
mais le seul substantif en usage est rêve, à la française.
 « Ai somiat un rêve » est l'équivalent exact de « j'ai fait un rêve ».
 
 Comment comprendre ces mouvements du vocabulaire,
 que donnent-ils à penser aujourd'hui ?


 
 
Comme cette innovation est contemporaine de l'émergence de l'étymologie –
qui, à l'ombre de la « grammaire générale » classique,
décrit les accidents de l'histoire des racines linguistiques –,
l'énigme de rêve a tout de suite suscité maintes spéculations.
Et la raison immédiate de cette curiosité est assez évidente.
Alors que les autres langues romanes restaient fidèles à somnium,
la racine latine à qui l'on doit à la fois sommeil et songe
– sueño en castillan, sogno en italien –,
 alors que l'on reconnaissait dans le vieux pantaiser la famille de phantasia,
l'imagination grecque, rêve était vraiment un mot sans pedigree,
peut-être sorti tout cru du parler ordinaire.
Bien sûr, cette forme sonore n'était pas inconnue, mais avec des contenus autres.
Un sens médiéval – dire des choses extravagantes,
tenir des propos sans suite, déraisonner – n'est pas oublié au XVIIe siècle,
 et derrière celui-ci un autre, plus concret, se profile.
 
Rêver signifia longtemps, en effet,
aller de-ci de-là, à l'aventure, rôder, s'amuser, traîner ;
le rêveur est, à la fin du Moyen Age, un coureur de jupons,
 un masque qui va de nuit dans les bandes du carnaval.
Il nous est aujourd'hui loisible de reconstituer une sorte de cheminement
qui a conduit de l'errance physique au délire des mots, au trouble de la pensée
 puis à la réflexion (« rêver de »), à la méditation qui rend absent du monde
et, enfin et exclusivement désormais, à l'expérience nocturne de l'esprit. 
 

Cela pour le verbe dont l'âge classique fixe le sens.
En revanche, les substantifs gardent encore quelque temps
des rémanences de significations autres :
selon Furetière, dans son Dictionnaire... de 1694,
 rêve « ne se dit guères que des songes des malades qui ont le cerveau aliéné »
 et, jusqu'à Rousseau, le mot rêveur connote un tempérament mélancolique.
 Ce que nous percevons comme une logique évolution sémantique
 a-t-il alors quelque peu éclairé les quêteurs d'étymologies ?
 
Certainement pas.
Ceux-ci, en effet, quand s'affermit leur discipline,
s'efforcent d'abord d'isoler une matière sonore – la racine –,
 porteuse dans l'histoire d'un seul et même sens.
Or la palette assez diverse des acceptions du mot rêve ne peut
qu'ouvrir des horizons confus, improbables.
Aussi Ménage, dès la première édition de son Dictionnaire étymologique, en 1694,
s'attarde-t-il sur ce petit monstre linguistique,
mal venu au jardin des racines gréco-latines
 qui désignent les facultés de l'âme et les activités de l'esprit.
Relisons le bel article qu'il lui consacre.
En faisant flèche de tout bois, il donne rétrospectivement
le sentiment de prémonitions étranges concernant, il est vrai,
 plus le rêve comme phénomène
 que l'étymologie du mot décidément fort obscure :
 
 « Rêver est de difficile origine.
Périon et Tripault le dérivent de rembein, vacillare,
 et Nicot fait mention de cette étymologie.
Le père Labbe [...] le dérive de revidere ou de deviare [...].
J'ai cru autrefois qu'il pouvait venir de repuare, rêver [...].
Rêver, c'est proprement rebrousser chemin vers l'enfance.
 Ainsi ce mot pourrait bien venir de reviare, retourner sur ses pas »
(Ménage 1750, II : 400).
 
L'incertitude s'installe. Elle ne s'apaisera pas avant le xxe siècle.
Dans les années 30, qui connaissent une vive reprise du débat,
on ne peut qu'énumérer d'abord la longue liste des hypothèses défuntes :
 pas moins d'une vingtaine qui ajoutent à l'épaisseur du mystère.
Pourtant, on s'appuie alors sur une meilleure connaissance des formes anciennes et dialectales
 et sur une considération attentive du sens et de l'usage de chaque terme.
 Lois du changement phonétique et logique de l'évolution sémantique
 doivent pouvoir servir de guides, de garde-fous sur la voie d'une élucidation acceptable.
Or, sur le plan strictement étymologique, il n'en est rien.
De scrupuleux savants continuent à lancer des racines
 qui ne résistent jamais à leurs mutuelles critiques.
On peut en saluer quelques-unes au passage :
 
 
le latin médiéval revehi
qui signifierait « être transporté loin de la vie par le rêve »,
 un descendant de l'adjectif *refragu (de la famille de *naufragu),
un verbe francique *hreuwan qui signifie « affliger »...
Les choses semblent s'éclairer plus durablement au printemps de 1936
quand paraît l'article de Jakob Jud qui établit, dès le titre –
« Rêver et desver » – un lien déjà pressenti par Ménage
 mais dont il va s'efforcer de tirer toutes les conséquences.


 

Au XIIe siècle, alors même que resver signifie bien « être égaré »,
 au sens propre et au sens figuré, le desver,
 dans le théâtre d'Adam de la Halle par exemple,
c'est le fol, « celui qui a perdu l'esprit ».
 
De cette signification demeurent de fortes traces dans les dialectes d'oïl,
 dans l'est et le nord de la France, où un dérivé endêver
couvre un champ sémantique assez vaste allant de « taquiner »
à « vexer, faire enrager, endiabler ».
Quant à l'endévé, c'est le fou et, avec une petite variation phonétique
 sur laquelle nous reviendrons, l'endové c'est l'endormi.
 
Tous ces mots contiennent un radical unique et stable :
 dans rêver, desver et endèver il y a *esver.
La solution semble à portée de main.
D'où vient ce verbe inconnu ?
Tout simplement, affirme Jud, de vagare,
par ailleurs si richement préfixé en français
(di-vagare, extra-vagare, gyro-vagare).
 On peut donc poser un *ex-vagare qui aurait donné *esver.
L'affaire semblait entendue.
 
Cependant, un demi-siècle plus tard, Pierre Guiraud contestera
non les grandes lignes de ce raisonnement mais l'étymon choisi,
inacceptable sur le plan de l'évolution phonétique :
*ex-vagare aurait dû aboutir à *esvier.
Pour lui les choses sont plus complexes.
Il y aurait d'une part un rabare (de rabiare, « être en rage »)
qui a donné le verbe provençal ravar, « délirer »
et, d'autre part, un exvadere, qui signifie « sortir, s'échapper, s'évader »,
re-exvadere donnant rêver.
Et les deux verbes raver et rêver auraient comme additionné leurs sens,
au délire de l'enragé se serait ajoutée l'évasion de l'esprit.
Sur le strict plan philologique,
 on ne peut que rejoindre la conclusion d'Alain Rey :
 « Les deux hypothèses, vraisemblables et ingénieuses,
 reposent sur des reconstitutions invérifiables. »
 

Il n'en reste pas moins que cette chasse étymologique,
dont la proie semble sans relâche échapper,
a parcouru puis exploré les moindres recoins d'un territoire
qui englobe un entrecroisement d'expériences de l'esprit.
Si la source reste – et sans doute restera à jamais – inaccessible,
en revanche les mouvements, parfois conjugués, parfois divergents,
de la signification révèlent et unifient un paysage.
Tous ces verbes composent en effet le tableau d'un comportement rêveur particulier.
On s'évade, on est transporté hors de soi
– c'est le sens du latin vehere où l'on a voulu voir un moment une clé –,
on vagabonde, on délire...
Dans leur récurrence, ces mots énoncent au fil des siècles
une représentation cohérente et homogène du rêve.
Seul le lien rétabli entre lexique et pratiques
peut maintenant nous permettre de la préciser.
 
 
Donc le mot rêve, par ses cousinages lexicaux
et l'éventail de ses emplois au cours de l'histoire
qui précède sa fixation et son hégémonie,
renvoie à une théorie particulière de l'activité qu'il désigne.
 
Songe n'est au fond qu'une qualité du sommeil,
rêve c'est déjà toute la complexité d'une conception
 plurielle et dynamique de la personne.
(...)
 
 
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