La revue Santé Yoga interviewe ici Pierre Etevenon ,
scientifique reconnu pour ses recherches sur la conscience,
notamment à l’INSERM
dont il est actuellement directeur de Recherches honoraire.
.
.
Santé Yoga : (...) vous n’avez cessé de scruter les mystères
de la conscience et de l’esprit. Racontez-nous la genèse
de « Des rêves pour changer votre vie », votre dernier livre.
Pierre Etevenon : Tout s’enracine dans la question qui suis-je
qui n’a cessé de me tarauder, en écho avec celle,
tout aussi énigmatique de qu’est-ce que le réel ?
Le rêve, si l’on y prête attention, nous fournit un véhicule idéal
pour explorer la part cachée de notre être, de notre présence au monde:
pourquoi ne pas devenir alors des onironautes curieux,
des voyageurs des rêves, par les rêves, au cœur des rêves ?
Le yoga avec mon épouse Micheline Etevenon qui l’enseignait,
nous avons souhaité rencontrer « La Mère » dès 1970
qui fut la compagne spirituelle de « Sri Aurobindo » à l’ashram de Pondichéry.
Nous avons alors approfondi l’exploration «en vigilance » des rêves
dans un état de conscience où veille l’antaryamin, le témoin ou sujet conscient.
C’est par cette expérience de deux modes de présence au monde
(la veille et le sommeil),
que peut naître la présence éveillée au Soi.
Dans la philosophie indienne, on appelle cela coïncider avec le « quatrième état » (Turya)
perçu comme le socle de la vie consciente, impersonnelle, universelle.
C’est aussi l’accès au Cœur, pour lequel tous les maîtres spirituels
unanimement déclarent : «cherchez là et vous trouverez!».
C’est au contact de ces deux maîtres indiens que s’est imposé à mon esprit
la «psychologie intégrale des rêves.»
S.Y. Un aspect particulièrement intéressant et accessible réside
dans le caractère thérapeutique de la créativité onirique, orientée, lucide.
Vous évoquez plusieurs types de rêves,
dont certains vous ont aidé à élaborer intuitivement
des solutions dans les problématiques scientifique,
et aussi à «reprogrammer» votre vie.
Vous mentionnez cet adage étonnant :
«rêver, c’est informer l’avenir» (Gérald Neveu).
Comment, concrètement, les rêves peuvent-ils nous aider
et comment transforment-ils notre existence en un champ de recherches ?
P.E. S’endormir, rêver, participent d’un lâcher-prise initial :
pour plonger dans le sommeil, il est nécessaire, en amont,
de se désintéresser du monde et des mouvements de surface.
N’est-ce pas le même processus dans la méditation ?
Pour expliquer les rêves, j’ai proposé le modèle de « l’ascenseur des rêves »,
où l’être intérieur, l’être psychique, voyage
entre les divers « étages » de notre vie intérieure
qui relie le plan des pulsions, des émotions, des pensées, de l’intuition, et de l’ineffable,
entre le passé et le présent, mais aussi le futur, car tout est en interconnexion.
S.Y. Cette ouverture est particulièrement intéressante
car elle renvoie à des travaux novateurs en physique quantique notamment.
Vous entrez en dialogue avec des scientifiques comme le physicien Philippe Guillemant,
auteur d’une théorie qui fait écho à votre pensée du réel : la rétro-causalité.
P.E. Un rêve peut alors devenir un voyage dans l’espace-temps.
La science aujourd’hui découvre des horizons d’ignorance !
Il s’agit de penser différemment, d’inventer d’autres modèles du réel.
S.Y. Vous qui avez depuis votre enfance recueilli plus de trois mille rêves,
diriez-vous qu’ils sont porteurs de sens et qu’ils contribuent à mieux comprendre
la nature de la vie et le rôle que nous avons à jouer dans cette existence ?
Cela peut-il changer notre regard sur les autres civilisations,
comme les peuples dits archaïques qui pratiquent
l’art du silence ou la culture du songe ?
P.E. Le tome 2 du livre qui vient de paraître donne
des exemples choisis de mes récits de rêves.
Avec de plus en plus d’attention, nos rêves peuvent devenir des chemins de vie,
voire des enseignements initiatiques !
Les consciences communiquent entre elles, et avec le monde.
Les peuples premiers pratiquent le « rêve lucide » pour se relier à une réalité au-delà.
C’est un exemple de la richesse créative de l’esprit, universellement partagée.
Devenir plus conscient de nos rêves nous rend attentif
à ceux des autres et à notre être intérieur.