samedi 24 décembre 2016

Les rêves de Pauli (1)

Samedi 24 décembre 2016



 
 
 
Dans un rêve que Pauli fit en 1934, le physicien rencontra 
un homme qui ressemblait à Einstein et qui lui dit 
que la physique quantique n'était que la partie unidimensionnelle 
d'une réalité beaucoup plus vaste.

Ce rêve avait pour but de le pousser à enquêter plus profondément 
sur le mystère qui unit l'esprit et la matière, 
et qui génère des phénomènes de synchronicité entre les deux.

Dans un autre rêve,  
Pauli rencontra celle qu'il définit 
comme "la femme exotique"
qui lui avait rendu visite.

Pauli sut interpréter ce rêve seul :
de toute évidence cette femme était son âme, 
ou la partie irrationnelle de sa personne 
qui, bien trop rationnelle, 
n'avait jamais voulu l'accepter auparavant. 
Ce rêve lui permit de prendre conscience
de l'absence inquiétante du concept d'âme 
dans la conception scientifique du monde.

Grâce à l'analyse jungienne, 
il était finalement en train de s'apercevoir que la spiritualité 
-comme élément intrinsèquement lié à la matière - 
avait été niée pendant 300 ans 
et qu'elle était maintenant en train de lutter pour renaître. 
Son très beau rêve symbolisait le retour de l'âme au monde.

Tout cela était en train de remonter à la surface 
justement après qu'il avait opprimé la partie émotionnelle et spirituelle de son être. 
Mais ses rêves démontraient que cette partie possédait une énergie débordante
tellement débordante qu'il la craignait peut-être avant l'analyse jungienne.
Et pourtant, elle faisait partie de lui et il commençait maintenant à l'accepter. 
Ces rêves visaient à stimuler en lui une transformation
fidèle en tous points aux principes alchimiques 
que Jung avait déjà étudiés à fond avant de rencontrer Pauli.
 
 


 
 
En effet, le point culminant de cette série de rêves 
au contenu alchimique profond 
fut la vision de ce qu'il baptisa l' "horloge cosmique"
une image pleine d'harmonie qui s'imprima en lui pour le reste de sa vie 
et qui lui montra de façon définitive  la voie que devait emprunter la physique 
afin que l'humanité s'achemine vers une nouvelle ère de plénitude 
et de réelle interconnexion avec l'univers tout entier.
Le rêve de l'horloge cosmique symbolise la façon
dont l'univers fonctionne dans sa dualité, 
où causalité et synchronicité
dominent en éternelle compétition.
 
 

Cette horloge vue en rêve montra à Jung
que les événements causaux du monde de la matière 
n'étaient en réalité absolument pas disjoints
du monde synchrone où tout est lié
Cette horloge symbolique contient en effet deux disques, 
montés à angle droit l'un par rapport à l'autre 
et tournant autour d'un axe commun.
 

Cette image donna à Pauli la certitude 
que l'axe de cette horloge paradoxale 
n'existe que dans la logique du rêve, 
même si elle ne peut pas exister dans l'espace tridimensionnel 
de la réalité concrète où nous vivons normalement.
 
 

 
Mais que signifie "exister" ?
Pauli se posa sûrement la question. 
De toute évidence, il avait compris 
que l'existence est caractérisée par différents niveaux 
et que vivre sur un niveau plutôt que sur un autre
 ne dépend que de la façon dont la conscience s'organise.

Aller sur des niveaux de réalité supérieures est de fait un acte intentionnel
un acte bien présent dans les desseins de Pauli comme dans ceux de Jung,
 même si d'un point de vue différent.

La conscience, et avec elle le mécanisme symbolique
 que sont les rêves et les événements synchrones
est le seul instrument permettant d'accéder à des règnes supérieurs, 
en transcendant ainsi les limites dimensionnelles 
dont nous avons l'illusion d'être prisonniers.

Il ne s'agit pas de passer de la réalité de la matière à celle de l'esprit, 
mais de vivre l'univers comme une interconnexion constante 
entre la matière et l'esprit.
Voilà donc le vrai sens de l'horloge avec ses deux disques perpendiculaires 
tournant autour d'un axe commun. 
Un disque représente le monde de la matière, l'autre celui de l'esprit, 
et l'axe commun le substrat qui les unit.




 
 
Pauli comme Jung, au cours d'une relation longue et durable 
qui continua après la fin du traitement de Pauli,
avaient bien compris que cet "axe commun" 
est le monde des archétypes de l'inconscient collectif
qui met justement en communication synchrone un état psychique 
avec un événement du monde de la matière.


C'était exactement l'interconnexion 
que les deux scientifiques cherchaient ensemble 
et les rêves de Pauli étaient le laboratoire 
permettant d'élaborer une théorie de la physique 
complètement nouvelle. 
 
Quoi qu'il en soit, Jung interpréta le rêve de l'horloge de Pauli
comme une sorte de "conversion" ou du moins une renaissance,
déclenchée par un mécanisme symétrique d'équilibre et de complémentarité 
qui du monde des quanta se réfléchissait dans celui du psychisme.





 
Vers la fin de sa vie, Pauli fit un rêve (*) tout aussi frappant.
 
Une femme essayait de lui apprendre à jouer du piano. 
A un certain moment, elle enlevait une bague de son doigt et la lui tendait. 
Puis elle lui disait que cette bague unirait deux mondes. 
Cette bague - lui expliqua-t-elle - est "l'anneau du i", 
"i" représentant un nombre imaginaire en mathématiques.
 



 
Trouver une solution au problème de la théorie unifiée de l'univers 
consistait-il donc à concevoir des nombres imaginaires ?
.
 
Massimo Teodorani
"Synchronicité"
 
 
(*)  En fait, il ne s'agissait pas d'un rêve...





22 commentaires:

  1. Merci pour cet article passionnant ! Il me semble réclamer qu'on élabore un peu autour de ce fameux nombre i, au moins à l'usage de nos amis non-mathématiciens mais aussi pour éclairer ces derniers sur l'usage que l'on peut faire de cette abstraction du point de vue de la psychologie des profondeurs. i est la racine carrée de -1, c'est-à-dire que c'est une aberration dans l'ordre des nombres dits réels. La racine carrée est l'opération inverse de l'élévation d'un nombre au carré, et dans le réel, un carré est toujours supérieur ou égal à zéro. Le carré d'un nombre négatif est positif. Ainsi, 2 au carré et -2 au carré donnent 4. Et la racine carrée de 4 est 2 ou -2. Jusque là tout va bien, et on peut se demander pourquoi introduire un nombre imaginaire comme i dès lors où les nombres réels semblent suffisants pour décrire le réel. Mais justement, sans même aller jouer dans le champ de la physique quantique, on a besoin de i pour faire une grande partie des calculs qui nous permettent de comprendre les phénomènes énergétiques comme l'électricité et l'électromagnétisme. On ne s'en sauve pas ! Il faut passer par cette grandeur imaginaire qui a la vertu de s'effacer bien souvent elle-même des équations à la fin du calcul, mais sans laquelle on ne saurait obtenir le résultat réel en bout de ligne. En tant que nombre imaginaire, i ouvre une possibilité de profondeur insoupçonnée dans le réel : avec i, soudain la division apparente entre les nombres négatifs et positifs est levée car les mêmes lois s'appliquent aux uns et aux autres. Il permet de dessiner un ordre mathématique sous-jacent à l'ensemble des nombres réels en assurant la cohérence. On se trouve avec i dans la même position que lors de la résolution de l'énigme consistant à rejoindre 9 points de 4 traits d'un seul trait de crayon, ce qui est impossible sans sortir du cadre...

    L'analogie avec l'Inconscient est inévitable : réel et conscient sont comme deux faces de la même pièce, et on ne peut l'appréhender sans sortir du cadre pour prendre appui dans l'inconnu (inconscient). Mme Von Franz soulignait que toute les théories ont un point aveugle qui est justement celui dans lequel s'engouffre l'inconscient, et que celui-ci relie finalement toutes les théories physiques de l'Univers qui tournent autour du mystère central qu'aucune théorie ne peut appréhender entièrement - c'est ce qu'on appelle en physique la théorie du bootstrap, qui montre tous les modèles comme des perles enfilées sur l'inconscient qui les relie. On peut aussi questionner la notion d'imaginaire avec celle de monde imaginal avancée par Henri Corbin : le domaine imaginal serait celui des archétypes, d'un certain point de vue plus réel que notre monde qui en serait un pas reflet, une dégradation. On rejoint là le mythe platonicien de la caverne dans lequel nous vivons finalement dans un monde d'ombres portées. Enfin, il ne faut pas penser qu'on peut se contenter de se servir de i sans interroger sa signification quand on sait que le mathématicien Euler a joint en une seule équation miraculeuse les nombre pi, e (base des logarithmes naturels) et i. Mais ce qui est délicat ici, c'est que pi et e sont déjà sont ce qu'on appelle des nombres irrationnels et dont nous sommes forcés de constater l'importance incontournable pour décrire le réel. Or i réconcilie rationnel et irrationnel en en faisant de simples modalités d'un réel supporté par une profondeur imaginale. Il y a sans doute un parallèle à tirer là avec ce que la philosophie classique désignait être de l'ordre du transcendant, c'est-à-dire qui échappe à toutes nos catégories mentales.

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    1. Merci, Jean, pour ce commentaire...passionnant... ;-)

      Oui, c'est exactement ça...le nombre "i" "sort du cadre" et permet de faire le lien entre deux domaines apparemment séparés...et il sert "d'intermédiaire" dans les calculs pour passer de l'ensemble des réels...à l'ensemble des réels, avec un passage obligé...dans l'imaginaire.

      Les nombres réels sont un sous ensemble de l'ensemble des nombres complexes (de la forme z=a+ib).
      Que ces nombres "complexes" aient une partie réelle (a) et une partie imaginaire (ib) est un stimulant, je trouve, pour l'imagination... :-)
      Est-ce que tout ce qui existe aurait aussi une partie "réelle" et une partie "imaginaire" ?

      La partie réelle correspondrait aux "objets extérieurs" et la partie imaginaire aux "objets intérieurs" (archétypes") ?
      Dans ce cas, c'est bien le "i", nombre "impossible", qui ferait le lien.

      Je fais quand même une différence entre i et les nombres pi et e: ces deux derniers ne peuvent être exprimés sous forme d'une fraction (et sont donc irrationnels) mais sont "réels".
      Seul le "i", en tant que racine carrée de -1 , est "imaginaire".
      Il a un statut tout à fait particulier.
      Je ne sais pas s'il réconcilie rationnel et irrationnel, mais il a effectivement quelque chose de "transcendant"...qui échappe au réel tout en le soutenant.
      Je crois que c'est Jérôme Cardan (*) qui l'a "découvert" en tentant de résoudre les équations du troisième degré.

      Je viens de découvrir ce rêve de Pauli...je ne le connaissais pas, car il ne fait pas partie, à ma connaissance, des rêves cités par Jung dans "Psychologie et alchimie".
      Je l'ai partagé de suite, car il me semble d'un grand grand intérêt...

      (*) Jérôme Cardan fut un scientifique mais aussi un grand "rêveur" ( et Jung a analysé plusieurs de ses rêves dans un de ses livres intitulé "Sur l'interprétation des rêves")

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    2. Renseignements pris, la "leçon de piano" ne serait pas un rêve, mais une imagination active de Pauli.

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    3. Et j'ai fini par en trouver une version plus complète (en anglais)
      (en fait, il s'agit de la toute fin de l'imagination active, qui, dans son intégralité, est très très longue...)

      I now felt it was time to leave, but once more I heard the voice of the master : "Wait. Transformation of the centre of evolution."
      I thought: "In earlier times one said: lead turns into gold."

      At that moment the lady slipped a ring from her finger which I had not noticed before. She let it float in the air and taught me:
      "I suppose you know the ring from your school of mathematics. It is the ring i ."
      I nodded and spoke the words:
      "The i makes the void and the unit into a couple. At the same time it is the operation of rotating a quarter of the whole ring."
      She : 'It makes the instinctive or impulsive, the intellectual or rational, the spiritual or supernatural, of which you spoke, into the unified or monadic whole that the numbers without the i cannot represent.'
      I : "The ring with the i is the unity beyond particle and wave, and at the same time the operation that generates either of these."
      She : "It is the atom, the indivisible, in Latin…" When I spoke these words she gave me a significant look, but it seemed to me not necessary to say Cicero's word for the atom aloud.
      I : "It turns time into a static image."
      She : "It is the marriage and at the same time the realm of the middle, which you can never reach alone but only in pairs."
      There was a pause; we waited for something.
      Then the voice of the master speaks, transformed, from the centre of the ring to the lady:
      “Remain merciful.”
      -xxxx-
      Now I knew I could go out of the room into normal time and normal everyday space.
      When I was outside, I noticed I was wearing my coat and hat. From afar I heard a C-major chord of four notes CEGC, apparently played by the lady herself when she was on her own again.

      http://herbert.vanerkelens.nl/2009/03/the-piano-lesson/

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    4. L’accord de quatre notes joué par la femme détentrice de l’anneau du i, accord perçu de loin par le rêveur qui a revêtu "sa tenue de sortie" (manteau et chapeau) me fait imaginer que le rêve suggère peut-être que ce qui pourrait être reconnu et exploré par le chercheur en physique qu’est Wolfgang Pauli dans son état de conscience ordinaire (c’est à dire lorsqu’il a quitté le monde intérieur - qui est aussi celui du rêve - et qu’il est de nouveau entré dans le "vêtement" qui lui permet d’évoluer dans le monde "extérieur") ; c’est la question des fréquences vibratoires, de la place qu’elles tiennent dans la manifestation des phénomènes, de l’harmonie/accord ou de la disharmonie/désaccord des fréquences, etc.
      L’accord harmonieux n’évoque-t-il pas également l’Amour ?

      À propos de vibrations, dans son livre The Dream of the Cosmos (Archive Publishing), Anne Baring cite Elisabeth Kubler-Ross :
      “ It started with a very fast vibration, or pulsation, of my abdominal area which spread through my entire body and then to anything that my eyes could see — the ceiling, the wall, the floor, the furniture, the bed, the window, the horizons outside of my window, the trees, and eventually the whole planet earth. It was as if the whole planet was in a very high speed vibration, every molecule vibrated. At the same time, something that looked like a lotus flower bud appeared and opened into an incredible, beautiful, colorful flower. Behind the lotus flower appeared the light that my patients so often talk about. And as I approached this light through the open lotus flower, with a whirl in a deep, fast vibration, I gradually and slowly merged into this incredible unconditional love, into this light. I became one with it.”
      Elisabeth Kubler-Ross, " On death and dying ", Spectrum, US


      Amezeg

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    5. Ah...je te rejoins tout à fait sur ce point...

      Oui, ce rêve (et d'autres) orientent Pauli vers la notion de "fréquence vibratoire", notion centrale si l'on veut comprendre l'univers et ses lois...il semblerait que tout soit une question de "fréquence" et de "vibration", bien plus que de "matière" et d'"esprit".

      Marie-Louise Von Franz, qui a étudié cette imagination active de Pauli, se disait "déçue" par la façon dont elle se terminait.
      Pauli semble retourner dans la vie ordinaire et dans son "vêtement de physicien" sans avoir tiré tout ce qu'il aurait pu de cette" leçon" de piano. Il entend l'accord "de loin"...mais n'y participe pas...

      Et oui, l'accord "harmonieux" évoque l'Amour, avec un grand "A" celui qui unit les "quatre"...et qui mène vers la totalité.

      C'est celui qui "unit" toute chose et qui est aussi "a very high speed vibration"...une vibration très élevée, une vibration "créatrice"...
      Le "fond de l'univers" serait peut-être cette incroyable "vibration d'amour", qui est aussi comme une "musique", (la "musique des sphères" ?)

      Merci mille fois pour ton commentaire et aussi pour ce texte d'Elisabeth Kübler-Ross, que je ne connaissais pas et qui est de toute beauté !

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    6. C'est d'ailleurs dommage que tous ne le comprennent pas . Je vais essayer de le traduire :

      «...ça a commencé par une vibration ou une pulsation très rapide dans ma région abdominale, vibration qui s'est répandue dans tout mon corps et ensuite à tout ce que mes yeux pouvaient voir - le plafond, le mur, le plancher, les meubles, le lit, la fenêtre, les horizons à l'extérieur de ma fenêtre, les arbres, et finalement toute la planète Terre.
      C'était comme si toute la planète était dans une vibration très haute, chaque molécule vibrait. En même temps, quelque chose qui ressemblait à un bourgeon de fleur de lotus est apparu et s'est ouvert en une fleur incroyable, belle et colorée. Derrière la fleur de lotus est apparue la lumière dont mes patients parlent si souvent. Et comme je me suis approchée de cette lumière à travers la fleur de lotus ouverte, avec un tourbillon dans une vibration profonde et rapide, j'ai progressivement et lentement fusionné, dans cette lumière, avec cet incroyable amour inconditionnel. Je suis devenue une avec lui. "
      Elisabeth Kubler-Ross, "Sur la mort et le fait de mourir", Spectrum

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    7. Et dans le même élan, je traduis aussi le texte de "La leçon de piano" :-) :

      A ce moment, la dame fit glisser de son doigt un anneau que je n'avais pas remarqué auparavant. Elle le laissa flotter en l'air et me dit :
      «Je suppose que vous connaissez l'anneau de votre école de mathématiques. C'est l'anneau i."

      Je hochai la tête et prononçai ces paroles:
      "Le i rassemble le vide et l'unité en un couple. En même temps, c'est l'opération de rotation d'un quart de tour de la bague entière."

      Elle: «Elle fait de l'instinct ou de l'impulsion, de l'intellectuel ou du rationnel, du spirituel ou du surnaturel, dont vous parliez, l'ensemble unifié ou monadique que les nombres sans le i ne peuvent représenter.

      Moi: «L'anneau avec i est l'unité au-delà de la particule et de l'onde, et en même temps l'opération qui génère l'une ou l'autre de ces choses.

      Elle: «C'est l'atome, l'indivisible, en latin ...»
      Pendant que je prononçais ces mots, elle me lança un regard significatif, mais il me semblait inutile de prononcer à haute voix la parole de Cicéron.

      Moi: "Il transforme le temps en une image statique."

      Elle: «C'est le mariage et en même temps le royaume du milieu, que vous ne pouvez jamais atteindre seul, mais seulement par paires.

      Il y eut une pause; Nous attendions quelque chose.
      Puis la voix du maître, transformée, venant du centre de l'anneau, dit à la dame:
      Restez miséricordieux.
      -xxxx-

      Maintenant je savais que je pouvais sortir de la pièce et revenir dans le temps normal et l'espace quotidien.
      Quand je fus à l'extérieur, je remarquai que j'avais mon manteau et mon chapeau.
      De loin j'entendis un accord do-majeur de quatre notes do-mi-sol-do (CEGC), apparemment joué par la dame elle-même quand elle était à nouveau seule.

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    8. Il y a juste un truc que je ne peux rendre en français...c'est qu'en anglais, "moi" se dit... "i" ! :-)

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  2. Le langage mathématique est l’une des formes d’expression de la réalité vécue et saisie par les hommes. Ce langage, qui semble fasciner parfois certains de ses pratiquants, est accessible à un certain nombre de gens et beaucoup moins à d’autres. Il occupe aujourd’hui tant de place dans notre "civilisation" que l’on peut se demander si les non-mathématiciens sont les laissés-pour-compte de la saisie de la réalité ou s’il existe d’autres voies et d’autres langages, d’autres formes d’expression capables de rendre compte de la réalité, capables de la faire saisir "sans les nombres". Un chaman non-mathématicien pourrait-il, par exemple, vivre et saisir la réalité de façon aussi profonde – et qui sait, peut-être plus large et plus profonde ? – qu’un mathématicien de haut niveau, sans pouvoir cependant l’exprimer en termes mathématiques ?

    Dans "Reflets de l’âme – Projections et recueillement selon la psychologie de C.G.Jung", ouvrage paru aux Éditions Entrelacs, Marie-Louise von Franz fait la remarque suivante que je trouve très intéressante:
    « Nous devons néanmoins partir du fait que toute hypothèse, c’est à dire interprétation et explication scientifique, finira un jour par être démasquée comme projection, mais « l’énergie nucléaire » psychique qu’elle contenait continuera d’aller son chemin, revêtue d’un mythe nouveau. » (chapitre Projection et hypothèse, page 100)

    Amezeg

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    1. C'est une bonne question... :-)

      Je dirais que les mathématiques, qui sont une "épure" du réel, sont un peu ce que le squelette est au corps : ils peuvent indiquer de façon efficace la structure et le fonctionnement (articulation) de la réalité, mais dans leur beauté abstraite, ils restent "secs" ...ils manquent de "chair"... :-)
      Que certains y soient hermétiques, je le comprends...

      Et puis, le vrai "problème", c'est que notre société ne les considère que pour leur usage "pratique", "technique" et pas, ou presque pas, pour ce qu'ils nous disent de la réalité...
      Contrairement à ce que tu sembles croire, le côté "sacré" de ce langage n'est pas du tout à l'honneur...pour cela, il faut remonter fort loin (jusqu'à Pythagore ?)
      Il n'y a guère que quelques "illuminés" (ou théoriciens purs) comme Pauli, ou Jung, qui se penchent sur l'aspect archétypique des nombres...
      Pour les autres, même très "calés", ce sont avant tout des outils de calcul. La plupart des scientifiques ne "visualisent" pas beaucoup la réalité qui est derrière les équations...ils les appliquent, et c'est tout !
      Le chaman, dans ses explorations, ramène beaucoup plus d'images...:-)

      Quant aux explications du monde qui sont des projections, c'est très vrai, bien sûr, mais plus en physique qu'en mathématiques...
      (exemple : le modèle de l'atome, ce n'est qu'un modèle et on sait qu'un jour ou l'autre, il est dépassé).
      Les maths se prêtent peu à la "projection", me semble-t-il...
      Peut-être juste un peu dans le vocabulaire employé...(nombres "imaginaires" ?)

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    2. Ce matin, une autre comparaison m'est venue :
      je crois qu'il y a un peu le même rapport entre les formules mathématiques et la réalité qu'entre une partition écrite et la musique ...
      Les mathématiques ne sont, au final, qu'une sorte de "solfège".

      Si tu n'as pas appris le solfège, les notes ne sont pour toi que de petits signes noirs et incompréhensibles...
      Mais si tu le connais, il te donne accès à la beauté de la musique.
      Reste que la musique ne se savoure que "jouée"...

      Tout comme la Vie n'a de saveur que si elle est "vécue"...:-)

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  3. Dans sa préface à "Nombre et temps", Étienne Perrot, qui a traduit cet ouvrage en français, nous rappelle que, du centre, partent tous les rayons vers la circonférence :

    « Les lecteurs de Nombre et Temps retrouveront dans ce livre la pensée claire et incisive qu'ils ont appréciée dans les ouvrages de Mme von Franz traitant de C. G. Jung, du symbolisme et de l'œuvre intérieure. Nous sommes assurés qu'ils partageront notre admiration pour l'aisance avec laquelle l'auteur évolue dans les régions les plus abstraites des mathématiques, ainsi que pour la lumière qu'elle y projette à notre intention, tant il est vrai que la connaissance de soi (du Soi) est «ce qui rend toutes choses connues». C'est que tous les éléments du savoir humain sont des rayons partant d'un centre unique vers les trois cent soixante degrés de la circonférence. Qui s'est placé au centre a par suite accès — au moins virtuellement — à tous les points de la périphérie. »
    Marie-Louise von Franz, " Nombre et temps – psychologie des profondeurs et physique moderne ", Éditions La Fontaine de Pierre

    Amezeg

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    1. Oui, enfin , c'est un accès "potentiel"...faut quand même bosser un peu le sujet ! :-)

      Tous les chercheurs qui ont eu des "illuminations", ont, auparavant, beaucoup travaillé !!!

      J'aime bien cette façon discrète qu'a Perrot de sous-entendre que les lumières de Marie-Louise Von Franz lui ont été "données" (sans effort ?). Pourquoi une femme ne développerait-elle pas aussi une intelligence mathématique ou scientifique ?!?

      Reste qu'il a raison sur le fond : c'est en atteignant le "centre", le "Soi" que l'on peut atteindre le Savoir, celui qui a une vue globale et juste.

      Le livre "Nombre et temps" est une vraie mine sur le sujet des maths et de la synchronicité.

      Et puis, si tu as le livre, à la fin du chapitre 6, il y a là un autre rêve de Pauli. C'est un rêve très mathématique et géométrique, qui fait aussi intervenir la figure de la chinoise...et qui parle (entre autres) du Yi King...

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    2. « J'aime bien cette façon discrète qu'a Perrot de sous-entendre que les lumières de Marie-Louise Von Franz lui ont été "données" (sans effort ?). Pourquoi une femme ne développerait-elle pas aussi une intelligence mathématique ou scientifique ?!? », dis-tu.

      Là, mon avis est que fais une très grosse erreur, une énorme erreur, si tu crois, ou projettes, qu’Étienne Perrot avait ce point de vue réducteur sur les capacités intellectuelles (et autres capacités) de Marie-Louise von Franz... !!!

      Amezeg

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    3. Peut-être...c'est possible...je ne sais pas :-)

      Je ne prends pas Etienne Perrot pour un mysogyne (ce qu'il n'est pas) et je lis bien dans ses mots son "admiration" pour les capacités de Marie-Louise...mais je constate juste qu'il est rare, quand c'est un homme qui a écrit le livre, qu'on fasse ce genre de remarque...
      Quand on est "sûr", on ne fait même pas la remarque.
      Je pourrais développer le sujet, mais ce serait long.
      Disons, pour faire court, qu'une façon "subtile" et presque invisible de dénier aux femmes certaines capacités est de suggérer que celles-ci ne sont pas "construites" mais "tombées du ciel"...(et donc, une exception).

      Pour la petite histoire, je crois que c'est Jung qui a "délégué" ce travail sur "Nombre et temps" à M-L Von Franz en lui disant : "Je suis trop vieux pour ce genre de travail, je vous le passe..."
      Comme quoi, lui non plus, ne doutait pas de ses capacités. :-)

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    4. Ce que tu dis est très souvent justifié par la réalité des faits, je suis tout à fait d’accord avec toi sur ce point. Mais très souvent ne veut pas dire toujours.
      Es-tu bien sûre qu’Étienne Perrot suggère "discrètement et subtilement" ce que, toi, tu vois dans ces quelques lignes de sa préface à Nombre et temps ? Le subtil et le discret ne seraient-ils pas les attributs d’autre chose que les propos d’E.P. ? Par exemple les attributs d’une projection de ta part que tu as du mal à discerner comme telle parce que tu as vérifié, en de très nombreuses occasions, et dans ta propre vie personnelle, que cette "langue fourchue" des hommes à l’encontre des femmes est très-très souvent réelle, très présente, et que c’est une vraie calamité pour les femmes, et pour tous... ?

      Amezeg

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    5. Amezeg, ne crois pas que je prête de "mauvaises intentions" à Etienne Perrot, je suis au contraire persuadée qu'il n'en avait aucune et que consciemment, il voulait juste faire un compliment
      Mais ce n'est pas non plus de la pure "projection" de ma part...je vais essayer d'expliquer mon point de vue plus clairement.
      Il me semble que Jung, Etienne Perrot (que, je te l'assure, j'admire...:-) et Marie-Louise Von Franz avaient tous trois beaucoup travaillé sur eux-mêmes et qu'ils étaient tous trois établi un "lien avec le Soi". D'une manière sans doute presque "équivalente"...

      Or, malgré ce lien, ni Jung, ni Perrot ne sont devenus -comme par magie- des mathématiciens "éclairés" (Jung avouait ses déficiences dans ce domaine et Perrot était un fin latiniste, un alchimiste des temps modernes mais en aucune façon un scientifique).
      Alors, dire que c'est de la connaissance de soi (et du Soi) que M-L Von Franz tient son "aisance" dans l'abstraction mathématique est, je trouve, un raccourci "facile".

      La vérité vraie, c'est qu'elle s'est courageusement "coltiné" le travail et qu'elle y a passé sans doute beaucoup de temps.
      En fait, elle a vraiment du "mérite"...de l'avoir fait, et bien fait.

      Mais Perrot (sans s'en rendre compte, j'en conviens) minimise un peu ses mérites (et son travail) en laissant entendre que c'est le Soi qui "rend toutes choses connues"...
      Est-ce que tu comprends ce que je veux dire ?

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    6. Oui, j’avais compris que tu voyais les choses de cette façon. Je n’ai pas voulu le préciser dans mon précédent commentaire pour ne pas le rallonger...mais j’aurais dû le faire pour que ce soit plus précis... :-))
      J’avais donc compris cela, mais de mon côté je ne voyais pas dans le rappel du fait que : ...la connaissance de soi (du Soi) est «ce qui rend toutes choses connues» minimisait l’importance du travail scientifique, du travail de réflexion et de pensée de Marie-Louise von Franz. Je n’y voyais pas pour ma part la discrète et subtile dévalorisation de ce travail que tu disais y voir. Ce rappel me semblait bien plutôt souligner la valeur et la pertinence d’un travail accompli à la lumière de la bonne relation avec le Soi, lumière qui contribua dans le cas qui nous occupe à guider et à soutenir l’étude des nombres dans une direction pertinente, enracinée à la fois dans la profondeur inconsciente et développée par une réflexion et une pensée consciente de valeur s’attelant à un vrai travail scientifique d’analyse et de synthèse rationnel, conscient. Pour Marie-louise von Franz la réalisation du Soi en elle et par elle passait donc sans doute, entre autres nombreuses choses, par ce travail de réflexion rationnelle et consciente à propos des nombres.

      Amezeg :-)

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    7. Je reviens (après avoir vaqué à des activités purement féminines" (repassage et tutti quanti...:-)
      Tu parlais de la "langue fourchue" des hommes à l'encontre des femmes...
      Eh bien tu vois, je crois que le problème n'est pas vraiment là...il n'est pas, à mon avis, dans ce que "disent" les hommes (on connaît leurs histoires de "blondes", ça ne nous fait ni chaud ni froid...et puis, côté "mauvaises langues", les femmes n'ont rien à envier aux hommes).

      Non. Ce n'est pas ça qui est douloureux. Le problème est plus sournois : c'est que la contribution des femmes, dans tous les domaines, est maintenant acceptée...

      Mais ce qui fait vraiment défaut, c'est la RECONNAISSANCE.
      On veut bien qu'elles aident, qu'elles rendent service, qu'elles contribuent (elles l'ont d'ailleurs toujours fait, car c'est plus ou moins dans leur nature), mais au moment de la reconnaissance (sociale, financière, honorifique), alors là, il y a vraiment quelque chose qui "bloque"...et qui ne passe pas.

      C'est vrai absolument partout. Et il faut être une femme pour se rendre compte "à quel point" c'est vrai.

      Un exemple flagrant dans le domaine qui nous occupe: tu peux lire la vie de Mme Wu, physicienne sino-américaine, photographiée ci-dessus avec Pauli (cliquer sur le lien), qui, collaboratrice de plusieurs hommes et ayant travaillé à égalité avec eux...est la seule qui s'est vue privée, on ne sait pourquoi (ou plutôt on sait trop bien pourquoi) du prix Nobel ...!!!

      C'est vrai aussi de toutes les femmes qui ont "inspiré" de grandes idées et dont on n'entendra jamais parler (qui sait que la première femme d'Einstein a étroitement participé à la découverte de la théorie de la relativité ??? )

      C'est enfin vrai pour M-L Von Franz, qui, pourtant brillante, ne sera jamais citée que comme la "collaboratrice" et la "continuatrice" de Jung.
      Si tu trouves que j'exagère, relis avec attention la préface de "Nombre et temps".
      Perrot ne consacre qu'un paragraphe (celui que tu as cité) à son travail...et tout le reste (une dizaine de pages) est à la gloire de Jung (qui, certes, lui a passé ses notes sur le sujet...mais qui n'a pas finalisé le livre !).
      C'est absolument "typique" de ce qui se passe en général : les femmes font le travail (ou une bonne partie du travail) et les hommes, eux...récoltent les honneurs et le passage à la postérité...:-)

      Et encore, Marie-Louise VF s'en sort bien...car d'autres sont restées "encore plus" dans l'ombre...(Sabina Spielrein, Toni Wolff...etc)

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    8. P-S : Oups ! La photo de Mme Wu, c'est dans l'article numéro 2.

      Et, désolée, mais, à cause de la modération, j'ai écrit le texte ci-dessus AVANT d'avoir lu ton dernier message.

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  4. Je reviens un peu au rêve de "l'anneau du "i"...

    En relisant certains passages de "Nombre et temps", je suis tombée sur ceux-là, qui me paraissent intéressants :
    p280
    "Nous savons depuis longtemps que le nombre n'avait pas, initialement, ce caractère sec et abstrait que nous lui connaissons aujourd'hui. Il était autrefois, non seulement quelque chose de "divin" mais il avait aussi, curieusement, "une signification qui embrassait toutes choses" : il ne séparait pas mais unissait toutes choses . "

    (Or, dans le rêve , il est dit que le nombre i "unirait" deux mondes)

    Et quelques pages plus loin (p 285):
    "Le nombre joue aussi, au sens le plus profond, ce rôle effectif d'un Eros qui relie toutes choses, quoique dans une acception totalement différente de ce que nous entendons ordinairement par amour et eros."

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