dimanche 6 mars 2016

Le symbole du caducée

Samedi 5 mars 2016


C'est un symbole des plus anciens, dont l’image se trouve déjà gravée 
sur la coupe du roi Goudea de Lagah, 2 600 ans avant Jésus-Christ
et sur les tablettes de pierre, appelées en Inde « nâgakals ». 


Les formes et les interprétations du caducée sont beaucoup plus variées 
qu’on ne le croit généralement et elles ne s’excluent pas nécessairement.  

Le caducée, emblème d’Hermès/Mercure, est une baguette 
autour de laquelle s’enroulent en sens inverse deux serpents.


Elle équilibre ainsi les deux aspects, 
gauche et droit, diurne et nocturne,
 du symbole du serpent.
Le serpent possède ce double aspect symbolique
l’un, bénéfique, l’autre maléfique, 
dont le caducée présente, si l’on veut, l’antagonisme et l’équilibre ;
cet équilibre et cette polarité sont surtout ceux des courants cosmiques,
 figurés d’une façon plus générale par la double spirale.



La légende du caducée se rapporte au chaos primordial 
que symbolisent les deux serpents qui se battent, 
et à sa polarisation que représente 
la séparation des serpents par Hermès/Mercure, 
et l’enroulement final autour de la baguette réalisant 
l’équilibre des tendances contraires autour de l’axe du monde
ce qui fait parfois dire que le caducée est un symbole de paix.


Irminsul

D’ailleurs, le caducée ne prend tout son sens qu’à l’époque grecque, 
lorsque les ailes viennent surmonter les deux serpents : 
dès lors le symbole devient une synthèse chthono-ouranienne
transcendant ses origines, qui n’est pas sans évoquer les dragons ailés chinois 
et la représentation du dieu aztèque Quetzalcóatl 
qui après son sacrifice volontaire, renaît par une ascension céleste 
sous la forme du serpent à plumes.  



« La baguette magique que représente le caducée 
et qui est généralement composée d’une verge 
autour de laquelle s’enroulent deux serpents 
évoque des cultes très anciens dans le bassin égéen, 
de l’arbre et de la terre nourricière des serpents.

En effet, le caducée hindou est associé à l’arbre sacré… 
Le caducée mésopotamien montre une baguette centrale. 
Elle semble bien être le souvenir de l’arbre
On est donc en droit de regarder la baguette du caducée d’Hermès
et aussi d’ailleurs le bâton du caducée d’Esculape
comme le symbole de l’arbre
associé, demeure ou substitut de la divinité.


Pour Court de Gébelin, qui cite Athéna-gore et Macrobe, 
le bâton symbolise l’équateur, les ailes le temps 
et les deux serpents, mâle et femelle, 
représentent « le soleil et la lune qui dans le cours d’une année, 
parcourent l’écliptique sur laquelle ils sont
tantôt séparés, tantôt unis ».



Cette interprétation convient surtout au rôle d’Hermès/Mercure
 considéré comme le père de l’astronomie et de l’agriculture. 
Les alchimistes n’ont pas manqué, de leur côté, 
de donner aussi une interprétation  du caducée : 
« Il est le sceptre d’Hermès, dieu de l’alchimie
Reçu d’Apollon en échange d’une lyre de son invention, 
il comporte une baguette d’or entourée de deux serpents.



 Ceux-ci représentent pour l’alchimiste 
les deux principes contraires qui doivent s’unifier, 
que ce soient le soufre et le mercure, le fixe et le volatil, 
l’humide et le sec, ou le chaud et le froid. 
Ils se concilient dans l’or unitaire de la tige du caducée 
qui apparaît donc comme l’expression du dualisme fondamental 
qui rythme toute la pensée hermétique 
et doit être résorbé dans l’unité de la pierre philosophale.


Cette interprétation met sur la voie d’une conception 
qui fait du caducée un symbole d’équilibre 
par l’intégration des forces contraires. 
Il représenterait le combat entre deux serpents, 
qu’arbitrerait Hermès/Mercure. 
Ce combat peut symboliser 
la lutte intérieure entre des forces contraires, 
d’ordre biologique ou d’ordre moral, 
qui compromet la santé ou l’honnêteté d’un être. 
C’est ainsi que pour les Romains, 
le caducée représente l’équilibre moral et la bonne conduite : 
« le bâton représente le pouvoir, les deux serpents la prudence, 
les ailes la diligence, le casque les pensées élevées ».
L’interprétation toutefois ne dépasse guère ici le niveau de l’emblématique.


Le caducée réunit aussi les quatre éléments de la nature 
et leur valeur symbolique : 
la baguette correspond à la Terre, les ailes à l’Air,
 les serpents au Feu ainsi qu’à l’Eau.

Ce n’est pas seulement leur reptation qui les fait ressembler 
au mouvement ondulant des vagues et des flammes 
et assimiler à l’Eau et au Feu : 
c’est leur nature même, 
à la fois brûlante par leur morsure venimeuse, 
et quasi liquide par sa fluidité, 
qui les fait à la fois source de vie et de mort.

Selon l’ésotérisme bouddhique, 
et en particulier l’enseignement tantrique, 
le bâton du caducée correspond à l’axe du monde 
et les serpents à la Kundalini
cette force qui dort lovée en bas du dos 
et qui s’élève à travers les chakras successifs 
jusqu’au-dessus de la fontanelle, 
symbole de l’énergie pure qui anime 
l’évolution intérieure de l’homme. 



En fait, ce qui définit l’essence du caducée, 
c’est la composition même et la synthèse de ses éléments. 
Il évoque l’équilibre dynamique de forces opposées, 
qui s’harmonisent pour constituer une forme statique 
et une structure active, plus hautes et plus fortes. 
La dualité des serpents et des ailes montre 
ce suprême état de force et de maîtrise de soi 
qui peut être achevé 
tant sur le plan des instincts que les serpents symbolisent, 
qu’au niveau de l’esprit représenté par les ailes.

Alchimie : Mercurius et caducée, symbole unificateur

Cependant le caducée reste le symbole 
de l’énigmatique complexité humaine
 et des possibilités infinies de son développement. 
L’attribut d’Hermès/Mercure est fait d’une baguette 
qui est la verge d’or, ou l’arbre de vie, 
et autour de laquelle s’enroulent symétriquement, 
en forme de 8, deux serpents.


« Hermès, dit Homère dans l’Iliade, saisit la baguette 
au moyen de laquelle il charme à son gré les yeux des mortels 
ou réveille ceux qui dorment ».

La baguette pourrait rappeler l’origine agraire 
du culte d’Hermès/Mercure, 
d’où sa maîtrise sur le signe de Terre de la Vierge, 
et les pouvoirs de magiciens qu’il détient 
et l’apparente au signe d’Air des Gémeaux.
Quant aux deux serpents, ils évoqueraient 
le caractère originellement chthonien de ce dieu, 
capable de descendre aux Enfers et d’y envoyer ses victimes, 
aussi bien que d’en revenir à son gré 
et d’en ramener à la lumière certains prisonniers.



D’ailleurs, Pausanias signale un culte rendu 
à l’Hermès noir et à l’Hermès blanc, 
les deux aspects chthonien et ouranien,
néfaste et favorable, du même dieu. 
Les serpents du caducée désignent cette ambivalence
qui est celle-là même de l’homme.



Enfin, suivant l’interprétation symbolique, 
inspirée de son éthique-biologique, 
et suivant l’interprétation mythologique 
qui attribue le caducée à Asclépios/Esculape, 
père des médecins et futur dieu de la médecine
parce qu’il savait utiliser les poisons 
pour guérir les malades et ressusciter les morts.


Paul Diel explique ainsi le caducée : 
« la massue, l’arme contre la banalité, 
s’est transformée en bâton-sceptre
symbole du règne spirituel sur la vie terrestre,
 symbole du règne de l’esprit sur le corps, 
et le serpent-vanité, négation de l’esprit, 
exaltation imaginative, 
principe essentiel de tout dérèglement malsain, 
verse son venin dans la coupe salutaire ».


C’est toute l’aventure de la médecine 
qui se déroule dans le mythe d’Asclépios/Esculape 
et se résume dans le caducée : 
la véritable guérison, la véritable résurrection, 
sont celles de l’âme.

Le serpent s’enroule autour du bâton, 
qui symbolise l’arbre de vie,
 pour signifier la vanité domptée et soumise : 
son venin se transforme en remède, 
la force vitale pervertie retrouve la voie droite.

La santé, c’est :
« la juste mesure, l’harmonisation des désirs 
(la symétrie des volutes des serpents), 
la mise en ordre de l’affectivité, 
l’exigence de spiritualisation-sublimation, 
qui président non seulement à la santé de l’âme, 
mais co-déterminent la santé du corps ». 
Cette interprétation ferait du caducée 
le symbole privilégié de l’équilibre psychosomatique.
.

(d'après le dictionnaire des symboles
de Chevalier-Gheerbrant)
.

Remarquons au passage
que si le caducée d'Hermès affiche deux serpents symétriques,
le caducée des médecins et des pharmaciens
n'en comporte plus qu'un :

.




6 commentaires:

  1. Et bien chapeau. Une doc très complète et bien faite. Je repars moins bête qu'en arrivant

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  2. mille mercis c'est très complet!!! bravo pour cette synthèse :)

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  3. superbe document bien détaillée et remplis d'infos merci, suis infirmière avons nous aussi notre caducée mais ce que je comprends vu le sens du serpent d'en celui du médecin je suppose que c'est le côté versatile, menteur de la profession?

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    1. Menteur, je ne sais pas, mais incomplet, certainement...

      La façon dont la médecine officielle s'exerce aujourd'hui néglige tout le côté psychique et intérieur...manquant l'essentiel.

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  4. Eh oui, il manque un serpent chez ceux qui disent nous soigner... Leur caducée est volontairement déséquilibré. Et un caducée déséquilibré, c'est l'inverse de la guérison, de l'équilibre que représente effectivement ce symbole.
    ... alors pourquoi ceux qui arborent fièrement ce symbole mono-serpent, parlent toujours de maladie ? Mal à dit... C'est le mal qui le dit que vous êtes malade, souvent, vous ne l'êtes absolument pas, c'est juste votre corps qui rétablit l'équilibre, vos deux serpents qui œuvrent en vous. Il est temps d'arrêter d'écouter ces serpents qui sifflent dans les oreilles qu'il y aurait le mal en vous...
    Et de suivre ceux qui portent les caducées conformes... Hermès par exemple... Encore faudrai-il savoir où il est...
    Un indice encore : la réponse est en vous.

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  5. On peut effectivement voir la maladie, non comme un "mal", mais comme l'effort que fait le corps pour se rétablir.
    Exemple : la fièvre n'est pas un "mal" en elle-même, mais la réaction du corps qui augmente sa température pour éliminer les éléments indésirables.

    Quant à Hermès, il est lié à l'alchimie, c'est-à-dire à la transformation. Or, toute maladie est là pour nous "transformer", ou du moins pour nous "rééquilibrer". La guérison n'est pas un retour à l'état antérieur, mais bien l'accession à un "nouvel état" (physique et psychique).

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