lundi 28 mars 2016

La vouivre, un symbole universel

Lundi 28 mars 2016

"Que voulez-vous que je vous dise, braves gens ? 
C'est pas moi qui guéris, c'est la Vouivre ! 
Et la vouivre est à tout le monde..."
Henri Vincenot
"Le pape des escargots"



Voici un livre très complet, 
de Kintia Appavou et Régor R. Mougeot,
 sur un symbole un peu méconnu :
celui de la Vouivre... 
(serpent ailé portant sur le front une escarboucle)



Ce symbole avait été choisi, en raison de son extrême richesse
comme emblème par la revue jungienne suisse,
renommée plus tard "Culture et pensée jungienne"
(Cf ci-dessous)

image ici
.

Dans le ciel étoilé, elle volait gaiement,
De châteaux en donjons tout à son agrément,
Aux ruisseaux, aux fontaines, elle aimait s'abreuver,
Et aux fleuves limpides souvent elle s'est baignée.
Mais la belle escarboucle brillant à son front,
Attisa la rancoeur du pauvre Montagnon,
Belle vouivre dorée, mon âme pleure encore,
Pour ce triste manant qui a voulu ta mort ...
L'histoire nous l'a dit, peu de jours il vécut,
De ton oeil qu'il vendit, tira bien mille écus,
Qui tournèrent matin en mille éclats de buis ...
Belle vouivre dorée, reviens nous cette nuit !


Animal ailé à corps et tête de femme, à queue de serpent, 
le front garni d'un superbe diamant, 
qui sort de l'eau dans les zones marécageuses, 
sous les yeux incrédules des témoins innocents ....

Les Vouivres tiennent à la fois du dragon, du serpent, 
du basilic, du cocadrille, de la tarasque 
et de toutes ces autres créatures chtoniennes, 
la différence essentielle tient au fait que la Vouivre est aussi 
aquatique, vulcanienne et aérienne.
Elle est à elle seule la synthèse des 4 éléments, 
bases de toutes les initiations...
.


On l'évoque longuement dans le roman éponyme de Marcel Aymé, 
et dans "Le Pape des escargots" d'Henri Vincenot
Mais on la rencontre aussi dans toutes les provinces françaises... 
Les légendes, les contes, les récits 
que les mythologues ont rassemblés à son sujet
sont énumérés - dans le livre cité  ci-dessus - 
de façon impressionnante.

Dracs, dragons, vouivres, guivres, vuipres, wivres,
graouly, tarasques, coquadrilles, coulobres,
mâles bêtes, dards, gargelle ...
domptés par des héros, des chevaliers, des saints et des saintes,
voire de simples paysans, sont partout, dans tout le terroir,
comme des nouveaux qui les relaient,
le plus souvent sur les mêmes lieux d'ailleurs,
lorsque se fait la christianisation.
.

La première partie du livre traite
du symbolisme même de la Vouivre.


Le Serpent est d'abord montré comme étant à l'origine des temps 
dans presque toutes les civilisations sous les noms d'Atoum en Egypte, 
de Shesha , Makha, Vrita, Namuci en Inde, d'Ungud,
de Yurlungur, de Birndina ou d'Angamundi
chez les Aborigènes australiens,



de Mbumba chez les Bantous, du Serpent-d'Arc-en-Ciel au Bénin, 
de Kan ou Gan chez les Quichés du Guatemala, etc. ... 
Il est souvent bisexué,
toujours à l'origine de la création, 
symbole de la Nature Naturante androgyne 
ou bien attribut de la divinité représentant la Mère Universelle.




Le Dragon-Vouivre personnifie aussi les forces naturelles du chaos à maîtriser. 
Représentant le temps, il devient l'Ouroboros qui, dévorant sa queue, 
nous invite à pénétrer dans les entrailles de notre chaos intérieur, 
ce qui explique pourquoi les traités d'alchimie lui font une si grande place.

Objet de culte dans toute l'Afrique comme en Asie 
(où le culte du serpent-dieu a encore cours dans la jungle birmane),
 mais aussi  dans les Abruzzes italiennes de nos jours, 
le Serpent est souvent associé au combat entre la lumière et les ténèbres
Apollon tue le python de Delphes,
Neith vomit le serpent Apophis,
Quetzalcoatl est le Seigneur de l'aube...



Son culte a presque disparu en Europe occidentale du fait du christianisme 
qui a muré les anciennes cryptes, comblé les puits sacrés. 
Les auteurs rejoignent là, en les citant, certaines conclusions de C.G.Jung 
dans "L'Homme à la découverte de son âme".

Sur toute la Terre et en tout temps, les dieux et les déesses
voire les Héros divinisés, prennent forme de serpent ou, 
à tout le moins, queue de serpent: Ua Zit sous la forme du cobra, 
Renenoutet, déesse des moissons, Isis Thermoutis 
ou encore Isis et Sarapis identifiés
au serpent Agathodémon, en Egypte;


Nuilil "la Grand Mère Serpent des Cieux"
et Nidaba, "la Dame-Serpent divine" chez les Sumériens;
Echida, reine des Cythes; Zeus ou Jupiter-Amon,
Cécrops à queue de serpent fondateur d'Athènes 
ou Erechtonios, son défenseur; Nommo, le Dieu d'Eau des Dogons; 
les Nâginis du Népal et de tout l'Orient, etc....
Partout, la queue de serpent 
est "la racine chthonienne de la divinité" 
selon le mot cité de A.K.Coomaraswamy 
dans La Doctrine du Sacrifice.

Le Dragon-Vouivre a également comme fonction
d'être Gardien du Seuil
le seuil du passage de l'humain au divin.

 Il est, dans de nombreuses légendes de nos provinces, 
le gardien d'un trésor caché
Mais les auteurs nous font découvrir que derrière l'or matériel 
se cache en vérité le Corps de Gloire 
comme le montrent tous les Alchimistes.



Ce Dragon est aussi Gardien de la Fontaine de Jouvence
Il possède l'Escarboucle,
symbole du Troisième Œil, du don de Voyance. 
D'où les images données du Dragon à tête de Licorne 
et de la Licorne à queue de serpent. 
(...)


Toutes les légendes où les Héros, les Chevaliers, les Saints 
maîtrisent le Dragon pour délivrer la Femme 
sont vues comme montrant l'Unité humaine éclatée.
 Triompher de l'épreuve permet le retour à l'unité de soi
le retour au Principe, par l'acquisition de la Noblesse véritable, 
celle du corps, du cœur et de l'esprit. 
Voilà pourquoi, nous dit-on, le Héros épouse la fille du Roi !
(...)


Le Dragon-Vouivre est dévorant
L'homme, avalé puis recraché,
à l'exemple de Jonas par la baleine, dans la Bible, 
est l'initié qui, dans la caverne, la grotte, 
l'antre de la Vouivre, est mort à lui-même.


Dans le chapitre "De la Chevauchée de la Tarasque à la Décollation", 
les auteurs nous proposent les clefs d'un véritable ésotérisme chrétien 
exposé à la vue de tous dans certaines sculptures, figurant sur les chapiteaux,
les porches et les façades de nos églises romanes.


Ils nous exposent tout d'abord celles qui représentent
l'homme dévoré par la Tarasque
par le Dragon-Vouivre, c'est-à-dire par l'Energie, 
puis celles qui le montrent chevauchant la Bête. 
Equivalentes à ces dernières, sont celles où le saint, la sainte, 
a ses pieds sur le Dragon maîtrisé.


Viennent ensuite les saints céphalophores
marchant au gré de la Vouivre en tenant leur tête coupée
 bien en main, au niveau du cœur.

 Un parallèle intéressant et révélateur est fait
avec la Domestication de la Vache dans le Zen 
qui montre la concordance de deux traditions bien lointaines.

Tympan Conques : Léviathan


Sur les porches de nombre d'églises romanes, 
au-dessus des hommes dévorés par le diable ou le Léviathan à droite, 
et ceux emportés à gauche par les anges, 
c'est-à-dire dévorés par leurs vertus, par la Licorne, 
nous disent les auteurs en illustrant leur propos par de textes pertinents, 
se trouve le Christ en Gloire, dans sa mandorle.

Le Christianisme révèle ainsi, comme tant d'autres traditions, 
au-delà de la voie du salut, celle de la Libération.
Cependant, une discrimination est faite entre le dragon à tuer
l'Hydre représentant l'ego inférieur,
et le Dragon représentant l'Energie vitale 
qui, lui, est à maîtriser, à l'exemple de Saint Michel 
qui le maintient de sa lance à sa juste place.


Le chapitre sur Gargantua, 
Morgane, Mélusine, sur les Fées donc, 
ouvre d'intéressantes perspectives.
(...)


Mélusine et Morgane sont présentées
comme des personnifications de la Mère Universelle
Dans leur forme humaine, elles épousent les hommes
 qui deviennent Héros ou Rois, 
les hissant au rang divin, et toutes les dynasties 
revendiquent justement une origine non humaine.
(...)

...Mélusine peut aussi bien être justement vue, nous dit-on, 
comme Mère-Lus (Mère de la Lumière), 
Mère-Ogresse (Malorcine, Mélorcine, avec la racine orc), 
Mère-Ourse (Méloursine, évoquant l'étoile polaire) 
ou encore Mère-l'Oie (Méloursine, ours = oie), 
les différentes facettes s'enrichissant et se complétant sans s'opposer.


Les auteurs mettent en évidence le rôle joué par le christianisme 
qui a disjoint ce qui était autrefois regardé comme un

Le Dragon rassemblait le bien et le mal : 
il est dissocié en dragon maléfique
et en saint ou sainte issu du Dragon 
qui seul en concentre l'aspect bénéfique.

Gargantua est à la fois diabolisé
et les lieux et tombes de Gargantua 
deviennent roches, gouffres du diable 
tandis que se développe un culte à saint Gorgon.


Mélusine est également diabolisée, en infâme serpente, 
mais christianisée en sainte Vénice(ou Sainte Véronique). 
Les Morganes sont brûlées comme sorcières 
dans le même temps
où se répand le culte de sainte Marguerite.
 L'homme ainsi n'a plus d'humus pour vivifier  ses racines.

Tout cela met en évidence pourquoi, dans de nombreuses traditions 
(Indiens Navajo, Africains de Casamance, 
pèlerins d'Epidaure dans la Grèce antique etc. ...), 
le Serpent est guérisseur.



L'image du Caducée
dont on nous montre la plus ancienne représentation connue, 
est bien évidemment évoquée.



Le rappel est fait du Christ, "Serpens, Christus, proper sapientiam", 
considéré par les Pères de l'Eglise comme le Serpent crucifié 
en rappel du serpent d'Airain élevé par Moïse sur l'Etendard 
pour la guérison des Hébreux mordus par les Brûlants. 
En Orient, le Bouddha est assis sur le serpent Mucilaci.


Mais est évoquée aussi l'insurrection de la Kundalini 
lovée au bas de la colonne vertébrale, 
les nâdis Shushumâ, Idâ et Pingâla de la tradition indienne 
étant à l'image du caducée. 
Le lieu où est lovée la Kundalini endormie est appelé "Luz
dans la tradition hébraïque.

La guérison véritable, c'est alors l'ouverture des chakras 
par l'insurrection du serpent qui s'élève jusqu'aux fontanelles.




La seconde partie du livre aborde les émanations de la Vouivre
c'est-à-dire de la vie manifestée par l'énergie de la Terre 
fécondée par celle du Ciel.
(...)

Selon les auteurs, la Vouivre peut donc être vue :
comme l'Energie du Serpent Premier à l'Origine de la création, 
comme la Vie des courants telluriques qui innervent la Terre, 
tout comme la Kundalini qui se dresse du sacrum aux fontanelles 
dans l'être enfin réalisé.
(...)
.
Article complet ICI
.


image et texte ici
.

"On appelle du nom de Vouivre les courants d'Énergie tellurique 
qui innervent la Terre-Mère, qui lui donne son souffle, sa chaleur, 
afin de nourrir tous les êtres vivants qu'elle recèle en son sein. 
Elle est cette énergie fantastique à laquelle on imputait la crue des fleuves, 
les tremblements de terre, les éruptions volcaniques, 
les forces terrifiantes de l'érosion qui sculptent les paysages, 
énergie personnalisée par Gargantua 
et tous les géants mythiques de nos provinces.

Elle est cette Énergie 
qui colore les sources que l'on dit guérisseuses. 

Les hommes, de tout temps, l'ont représentée
 sous la forme du Serpent-Dragon souterrain.
En parcourant l'échine de la Terre,
 elle aspire à rejoindre son complémentaire,
 c'est-à-dire l'Énergie Cosmique.

Tout ce qui vit entre Terre et Ciel est voué à ces deux formes d'énergies,
 et l'Homme est le pivot, le lien les rassemblant et les unissant en lui. 
Cela lui est fort difficile car les énergies de la Terre sont chaotiques
 et ce Feu peut détruire et dévorer celui qui n'en a pas la maîtrise."
.

1917 - Livre rouge- C.G.Jung
(représentation de divinités chtoniennes)
.

dimanche 27 mars 2016

Grand rêve : L'émergence du serpent ailé

Dimanche 27 mars 2016


Article de Maria Taveras
Analyste jungienne à New-York
.

"L'émergence du Serpent ailé" est un projet de sculpture
basée sur les rêves que j'ai eus au début des années 1990, 
après avoir visité l'Institut CG Jung à Küsnacht, en Suisse. 
J'ai eu plusieurs rêves dans lesquels beaucoup, 
beaucoup de serpents sortaient de ma bouche.


Jung était dans le premier rêve, 
et j'étais allongée sur un divan dans sa salle de consultation. 
C'était comme si Jung était vivant. Je lui disais que je ne comprenais pas
 pourquoi une telle profusion de serpents sortait de ma bouche. 
Il n'y avait pas de fin à la quantité de serpents. 
J'étais choquée qu'il y en ait tant à l'intérieur de moi.

Au début, les serpents étaient petits. 
Au fur et à mesure, de plus gros serpents 
ont commencé à sortir de ma bouche. 
Ils émergeaient d'une partie très profonde de moi. 
Je devais faire un grand effort physique pour les aider à sortir. 
Je devais les pousser parce qu'ils étaient si grands.
 Jung a dit: «Eh bien, c'est très intéressant."

 C'était comme s'il avait compris le phénomène 
et validait mon expérience, comme si ce n'était pas étrange ou absurde, 
comme si c'était une expérience humaine typique ou archétypale. 
Il me semblait qu'il voulait me réconforter - 
pour me rassurer sur le fait 
qu'il était naturel pour tous ces serpents de sortir, 
car ils avaient besoin d'un autre endroit pour vivre.
 Ils n'étaient pas censés vivre à l'intérieur de moi. 
Ils appartenaient à un autre lieu.

Au début, je pensais que je devais me purger des serpents, 
mais je compris ensuite que je leur donnais vie. 
Tous ces serpents étaient énergies de créativité. 
À l'époque, mon ego ne donnait pas toute sa valeur 
à cette créativité primitive qui devait évidemment être exprimée.

Finalement, dans un rêve plus tardif, les serpents ont développé des ailes. 
Puis je vis les serpents dans les airs, avec des ailes, en train de voler.
En outre, dans le rêve de serpents ailés sortant de ma bouche, 
je remarquai que j'étais un arbre-femme. 
La partie supérieure de mon corps était femme, 
mais la partie inférieure était arbre.


En 1993, je fis deux sculptures - l'un d'une femme 
avec un serpent sortant de sa bouche ; 
l'autre d'un arbre-femme avec un serpent ailé qui sort de sa bouche.

Ces sculptures ont été exposées dans un diaporama à une conférence intitulée 
«Les animaux dans les mythes et les rêves", présenté par une analyste jungienne, 
Geneviève Geer, au Centre CG Jung du Québec le 26 Février1993. 
Plus tard, j'ai exposé les sculptures à la Fondation CG Jung de New York 
dans une exposition collective d'œuvres d'art créées à partir d'images de rêve. 
Plus récemment, en 2004, je fis une nouvelle sculpture de l'arbre-femme 
avec un serpent ailé sortant de sa bouche.

Medard Boss présente un cas dans lequel une femme 
a ressenti des serpents et des vers "à l'intérieur de son corps". 
La femme avait le sentiment d'être l'éclatement complet des serpents et des vers 
Selon Boss, "C'était particulièrement son ventre
qu'elle croyait être "infesté et criblé de créatures vermiformes"
Il dit qu' ils ont commencé à se propager à la poitrine, à ses bras, ses jambes
Patron continue: "Finalement, elle a été en proie à la peur constante 
que les serpents et les vers seraient à tout moment 
se tortiller sur sa bouche" 
Il dit que finalement «le patient est devenu accessible à la prise de conscience 
que le mode de vie reptilien pourrait également 
avoir une place dans l'existence humaine» 

Jung aborde également un cas dans lequel un serpent sorti de la bouche d'une femme. 
Après la Première Guerre mondiale, une femme de 28 ans a consulté Jung. 
Elle voulait «être guérie "dans les dix heures"-
c'est-à-dire en seulement dix séances d'analyse. 
La femme a dit à Jung que «elle avait un serpent noir dans son ventre.» 
Ce fut la raison pour laquelle la femme lui avait consulté,
car elle pensait qu'il devrait être "réveillé". 

La femme était «seulement intuitive, sans sens de la réalité.» 
Puis elle a annoncé que le serpent, qui avait été mis en sommeil, 
était devenu subitement actif. 
Un jour, elle est venue et a dit que le serpent dans son ventre s'était déplacé; 
il avait fait demi-tour ", dit Jung. 
Alors le serpent se déplaça lentement vers le haut,
 sortit enfin de sa bouche, et elle vit que la tête était en or.

Dans un autre compte-rendu du même cas, 
Jung mentionne une jeune femme environ 27 ou 28 ans 
qui l'a informé au cours de sa première séance d'analyse 
qu'elle avait un serpent dans son ventre: 
«Ses premiers mots ont été quand je l'ai fait asseoir, 
"Vous savez, docteur, je viens à vous 
parce que j'ai un serpent dans mon ventre »
 Jung cria: « Quoi ?! » La femme répondit: 
« Oui, un serpent, un serpent noir enroulé juste en bas de mon abdomen. »

Je dois lui avoir  présenté un visage plutôt ahuri , dit Jung,
 car elle a dit: «Vous savez, je ne veux pas dire littéralement, 
mais je dois dire que c'est un serpent, un serpent.» 
Au milieu de son analyse qui a duré seulement dix consultations, 
la femme annonça à Jung qu'elle savait comment l'analyse se conclurait:
 «Je viendrai dix fois, puis ce sera bien.» 
Comment, demanda Jung, était-elle au courant ? 
«Oh, dit-elle, j'ai une intuition.» 
«Quand la femme est apparue pour sa cinquième ou sixième séance, 
elle a dit, 'Oh, docteur, je dois vous dire, le serpent a progressé, 
il est maintenant à peu près ici » 
Quand elle est apparue pour sa dixième séance, 
Jung demanda:
 «Maintenant, ceci est notre dernière consultation. 
Vous sentez-vous guérie ? »
La femme a dit: «Vous savez, ce matin, il est venu,
 il est sorti de ma bouche, et la tête était d'or» 


Jung amplifia l'image du serpent dans l'abdomen 
par référence au serpent dans le Kundalini Yoga. 
"Je vous ai raconté, dit  Jung , le cas de cette fille intuitive 
qui a soudainement déclaré
qu'elle avait un serpent noir dans son ventre." 
Il situe le serpent dans le contexte de l'inconscient collectif. 
"Eh bien maintenant, c'est un symbole collectif», dit-il. 
"Ce n'est pas un imaginaire individuel, c'est un fantasme collectif."
 L'image du serpent dans l'abdomen, Jung dit, "est bien connue en Inde.
Bien que la femme "n'ait rien à voir avec l'Inde" 
et bien que l'image "est tout à fait inconnue pour nous", 
il dit que "nous  l'avons aussi, car nous sommes tous de la même humanité."

 Quand la femme parla d'abord à Jung du serpent dans son ventre,
 il se demanda si "peut-être elle était folle," 
mais alors il a réalisé qu'elle était seulement "extrêmement intuitive." 
Elle avait eu l'intuition d'une image typique ou archétypale. 
«En Inde, dit Jung, le serpent est à la base de tout un système philosophique, 
du tantrisme; il est Kundalini, le serpent Kundalini "
D'après Jung, "ceci est quelque chose de connu
 de seulement quelques spécialistes, 
généralement on ne sait pas que nous avons un serpent dans l'abdomen" .
Le serpent Kundalini est enroulé à la base de la colonne vertébrale. 
Lorsque cette énergie est éveillée dans la pratique du Kundalini Yoga,
 il se déroule et monte le long de la colonne vertébrale 
à travers six chakras successifs, ou centres de conscience.

Voici ce que John Woodroffe
(également connu sous le nom Arthur Avalon) 
appelle le "pouvoir du serpent".
Il y a, note Jung, dans le "yoga tantrique" ou "Kundalini Yoga" 
une tentative d'atteindre l'état où Shiva est en union éternelle avec Shakti." 
Il dit que Shiva "est encerclé par le principe féminin, Shakti, 
sous la forme d'un serpent"
.
Traduction personnelle
de l'article (anglais)...
 Original ici
.



samedi 26 mars 2016

Le serpent et l'oiseau

Samedi 26 mars 2016

Un serpent se dorait au soleil près de l’anfractuosité du rocher où il nichait.
Sur le rocher, un Oiseau lissait ses plumes dorées.


– Oh, dit le Serpent à l’Oiseau, s’il te plait, 
prête moi l’une de tes plumes pour écrire un mot !
– Que veux-tu écrire ?répond l’Oiseau.
– Un mot qui me fait rêver : « voler » ! 
Voler au-dessus des nuages, voler par delà les plus hautes montagnes 
pour voir ce qu’il y a derrière, sentir le souffle du vent sur mes écailles, 
entendre siffler tous les oiseaux du ciel, 
sentir s’écouler dans mon gosier les gouttelettes d’eau absorbées en plein vol, 
brûler au feu du soleil qui a doré tes plumes…
– « Voler », c’est juste un mot, dit l’Oiseau. 
Ma plume ne te permettra pas de voler !
– Il me suffit de l’imaginer répond le Serpent. 
Je prendrai ta plume dans ma bouche 
et écrirai laborieusement mon mot dans la poussière du sol.
 Je créerai l’image et je sais que, dans un retournement renversant, 
l’en-dedans deviendra l’en-dehors. 
« Serpent » sera « penser » et « image », « magie ». 
Je passerai de l’autre côté du miroir, 
deviendrai un Serpent à Plumes et je libèrerai l’Oeuf du Monde (1)…



– D’accord, dit l’Oiseau. 
Voici l’une de mes plus belles plumes pour écrire ton mot… 
En échange, peux-tu me fournir l’une de tes écailles pour creuser la terre ? 
Mon bec n’est pas assez puissant.
– Pourquoi veux-tu creuser la terre demande le Serpent ?
– Je veux savoir ce que l’ombre recèle,  
retrouver les ossements des Anciens et respirer leur Sagesse, 
connaître le goût des vers des profondeurs. 
Je veux ressentir le poids de la terre sur mes plumes légères. 
Je veux percevoir le grondement grouillant de la vie du monde d’en bas. 
Je veux vibrer au feu intérieur de la terre…
– Comment pourrais-tu avoir une telle expérience
 avec ma seule écaille, petit oiseau fragile ?
– Il me suffira de l’imaginer, répond l’Oiseau.
 Je tiendrai ton écaille en mon bec et fournirai l’effort nécessaire pour creuser. 
Je créerai l’image et, dans un retournement renversant, 
l’en-dehors deviendra l’en-dedans. 
Mon « S en Ciel » s’élevant de « oiSeau » se fera serpent. 
Je visiterai l’intérieur de la terre et ferai les transformations nécessaires 
pour trouver la pierre cachée (2). 
 Je passerai de l’autre côté du miroir et deviendrai un Oiseau à Écailles !
.
Patricia Buigné-Verron
"Dialogue du serpent et de l'oiseau"
.

.
 (1) Allusion au Quetzlcoatl, divinité aztèque 
formée d’un oiseau (quetzal) et d’un serpent (coatl), 
symbolisant l’union du Ciel et de la Terre. 
Dans certaines traditions, l’Oeuf du Monde, 
symbolisant le Verbe, sort de sa bouche…

(2) Allusion à la célèbre formule des alchimistes qui condense leur doctrine:
 « Visita Interiorem Terrae Rectificando Invenies Operae Lapidem » (V.I.T.R.I.O.L.), 
soit, « explore l’intérieur de la terre. En rectifiant, tu découvriras la pierre cachée ».
.

La vouivre et son escarboucle
qui, dit-on, possède le pouvoir de soigner...
.

Mélusine, 
à la fois serpentine et ailée...
.

Dame des Philosophes, je suis pour eux
le Mercure libre, subtil et immatériel,
le principe volatil de la matière.
Mais tout me pousse à "fixer le  volatil" de mon Mercure
pour permettre au Soufre, principe masculin fixe,
de volatiliser le fixe de son état et qu'il ne reste que le blanc dépôt  du Sel
après la longue épure de bains en bains dans le vase alchimique,
cette cuve où je me baigne...

De la célébration des "noces mystiques du Roi et de la Reine"
jaillit le feu de la "Salamandre" grâce à l'action de ma queue de serpent.
C'est alors que je deviens "Dragon Ailé" ou "Mercure Double"
ou encore "l'androgyne".

Je suis, en fait, la Mère-Cure,
celle qui guérit par l'équilibre et l'harmonie,
et mon double pouvoir de Mort et de Vie,
de séparation et de réunion, "Solve et Coagula",
me permet,  à certains moments de l'année,
de trouver l'accord entre le sec et l'humide, le feu et l'eau,
en  les maintenant conjointement dans une tension créatrice
où l'eau ne mouille pas et le feu ne brûle pas
mais, au contraire, se nourrissent l'un de l'autre.
.
Patricia Buigné-Verron
"Mélusine et le feu dans l'eau"
.

figure alchimique 
du 18ème siècle

dimanche 6 mars 2016

Le symbole du caducée

Samedi 5 mars 2016


C'est un symbole des plus anciens, dont l’image se trouve déjà gravée 
sur la coupe du roi Goudea de Lagah, 2 600 ans avant Jésus-Christ
et sur les tablettes de pierre, appelées en Inde « nâgakals ». 


Les formes et les interprétations du caducée sont beaucoup plus variées 
qu’on ne le croit généralement et elles ne s’excluent pas nécessairement.  

Le caducée, emblème d’Hermès/Mercure, est une baguette 
autour de laquelle s’enroulent en sens inverse deux serpents.


Elle équilibre ainsi les deux aspects, 
gauche et droit, diurne et nocturne,
 du symbole du serpent.
Le serpent possède ce double aspect symbolique
l’un, bénéfique, l’autre maléfique, 
dont le caducée présente, si l’on veut, l’antagonisme et l’équilibre ;
cet équilibre et cette polarité sont surtout ceux des courants cosmiques,
 figurés d’une façon plus générale par la double spirale.



La légende du caducée se rapporte au chaos primordial 
que symbolisent les deux serpents qui se battent, 
et à sa polarisation que représente 
la séparation des serpents par Hermès/Mercure, 
et l’enroulement final autour de la baguette réalisant 
l’équilibre des tendances contraires autour de l’axe du monde
ce qui fait parfois dire que le caducée est un symbole de paix.


Irminsul

D’ailleurs, le caducée ne prend tout son sens qu’à l’époque grecque, 
lorsque les ailes viennent surmonter les deux serpents : 
dès lors le symbole devient une synthèse chthono-ouranienne
transcendant ses origines, qui n’est pas sans évoquer les dragons ailés chinois 
et la représentation du dieu aztèque Quetzalcóatl 
qui après son sacrifice volontaire, renaît par une ascension céleste 
sous la forme du serpent à plumes.  



« La baguette magique que représente le caducée 
et qui est généralement composée d’une verge 
autour de laquelle s’enroulent deux serpents 
évoque des cultes très anciens dans le bassin égéen, 
de l’arbre et de la terre nourricière des serpents.

En effet, le caducée hindou est associé à l’arbre sacré… 
Le caducée mésopotamien montre une baguette centrale. 
Elle semble bien être le souvenir de l’arbre
On est donc en droit de regarder la baguette du caducée d’Hermès
et aussi d’ailleurs le bâton du caducée d’Esculape
comme le symbole de l’arbre
associé, demeure ou substitut de la divinité.


Pour Court de Gébelin, qui cite Athéna-gore et Macrobe, 
le bâton symbolise l’équateur, les ailes le temps 
et les deux serpents, mâle et femelle, 
représentent « le soleil et la lune qui dans le cours d’une année, 
parcourent l’écliptique sur laquelle ils sont
tantôt séparés, tantôt unis ».



Cette interprétation convient surtout au rôle d’Hermès/Mercure
 considéré comme le père de l’astronomie et de l’agriculture. 
Les alchimistes n’ont pas manqué, de leur côté, 
de donner aussi une interprétation  du caducée : 
« Il est le sceptre d’Hermès, dieu de l’alchimie
Reçu d’Apollon en échange d’une lyre de son invention, 
il comporte une baguette d’or entourée de deux serpents.



 Ceux-ci représentent pour l’alchimiste 
les deux principes contraires qui doivent s’unifier, 
que ce soient le soufre et le mercure, le fixe et le volatil, 
l’humide et le sec, ou le chaud et le froid. 
Ils se concilient dans l’or unitaire de la tige du caducée 
qui apparaît donc comme l’expression du dualisme fondamental 
qui rythme toute la pensée hermétique 
et doit être résorbé dans l’unité de la pierre philosophale.


Cette interprétation met sur la voie d’une conception 
qui fait du caducée un symbole d’équilibre 
par l’intégration des forces contraires. 
Il représenterait le combat entre deux serpents, 
qu’arbitrerait Hermès/Mercure. 
Ce combat peut symboliser 
la lutte intérieure entre des forces contraires, 
d’ordre biologique ou d’ordre moral, 
qui compromet la santé ou l’honnêteté d’un être. 
C’est ainsi que pour les Romains, 
le caducée représente l’équilibre moral et la bonne conduite : 
« le bâton représente le pouvoir, les deux serpents la prudence, 
les ailes la diligence, le casque les pensées élevées ».
L’interprétation toutefois ne dépasse guère ici le niveau de l’emblématique.


Le caducée réunit aussi les quatre éléments de la nature 
et leur valeur symbolique : 
la baguette correspond à la Terre, les ailes à l’Air,
 les serpents au Feu ainsi qu’à l’Eau.

Ce n’est pas seulement leur reptation qui les fait ressembler 
au mouvement ondulant des vagues et des flammes 
et assimiler à l’Eau et au Feu : 
c’est leur nature même, 
à la fois brûlante par leur morsure venimeuse, 
et quasi liquide par sa fluidité, 
qui les fait à la fois source de vie et de mort.

Selon l’ésotérisme bouddhique, 
et en particulier l’enseignement tantrique, 
le bâton du caducée correspond à l’axe du monde 
et les serpents à la Kundalini
cette force qui dort lovée en bas du dos 
et qui s’élève à travers les chakras successifs 
jusqu’au-dessus de la fontanelle, 
symbole de l’énergie pure qui anime 
l’évolution intérieure de l’homme. 



En fait, ce qui définit l’essence du caducée, 
c’est la composition même et la synthèse de ses éléments. 
Il évoque l’équilibre dynamique de forces opposées, 
qui s’harmonisent pour constituer une forme statique 
et une structure active, plus hautes et plus fortes. 
La dualité des serpents et des ailes montre 
ce suprême état de force et de maîtrise de soi 
qui peut être achevé 
tant sur le plan des instincts que les serpents symbolisent, 
qu’au niveau de l’esprit représenté par les ailes.

Alchimie : Mercurius et caducée, symbole unificateur

Cependant le caducée reste le symbole 
de l’énigmatique complexité humaine
 et des possibilités infinies de son développement. 
L’attribut d’Hermès/Mercure est fait d’une baguette 
qui est la verge d’or, ou l’arbre de vie, 
et autour de laquelle s’enroulent symétriquement, 
en forme de 8, deux serpents.


« Hermès, dit Homère dans l’Iliade, saisit la baguette 
au moyen de laquelle il charme à son gré les yeux des mortels 
ou réveille ceux qui dorment ».

La baguette pourrait rappeler l’origine agraire 
du culte d’Hermès/Mercure, 
d’où sa maîtrise sur le signe de Terre de la Vierge, 
et les pouvoirs de magiciens qu’il détient 
et l’apparente au signe d’Air des Gémeaux.
Quant aux deux serpents, ils évoqueraient 
le caractère originellement chthonien de ce dieu, 
capable de descendre aux Enfers et d’y envoyer ses victimes, 
aussi bien que d’en revenir à son gré 
et d’en ramener à la lumière certains prisonniers.



D’ailleurs, Pausanias signale un culte rendu 
à l’Hermès noir et à l’Hermès blanc, 
les deux aspects chthonien et ouranien,
néfaste et favorable, du même dieu. 
Les serpents du caducée désignent cette ambivalence
qui est celle-là même de l’homme.



Enfin, suivant l’interprétation symbolique, 
inspirée de son éthique-biologique, 
et suivant l’interprétation mythologique 
qui attribue le caducée à Asclépios/Esculape, 
père des médecins et futur dieu de la médecine
parce qu’il savait utiliser les poisons 
pour guérir les malades et ressusciter les morts.


Paul Diel explique ainsi le caducée : 
« la massue, l’arme contre la banalité, 
s’est transformée en bâton-sceptre
symbole du règne spirituel sur la vie terrestre,
 symbole du règne de l’esprit sur le corps, 
et le serpent-vanité, négation de l’esprit, 
exaltation imaginative, 
principe essentiel de tout dérèglement malsain, 
verse son venin dans la coupe salutaire ».


C’est toute l’aventure de la médecine 
qui se déroule dans le mythe d’Asclépios/Esculape 
et se résume dans le caducée : 
la véritable guérison, la véritable résurrection, 
sont celles de l’âme.

Le serpent s’enroule autour du bâton, 
qui symbolise l’arbre de vie,
 pour signifier la vanité domptée et soumise : 
son venin se transforme en remède, 
la force vitale pervertie retrouve la voie droite.

La santé, c’est :
« la juste mesure, l’harmonisation des désirs 
(la symétrie des volutes des serpents), 
la mise en ordre de l’affectivité, 
l’exigence de spiritualisation-sublimation, 
qui président non seulement à la santé de l’âme, 
mais co-déterminent la santé du corps ». 
Cette interprétation ferait du caducée 
le symbole privilégié de l’équilibre psychosomatique.
.

(d'après le dictionnaire des symboles
de Chevalier-Gheerbrant)
.

Remarquons au passage
que si le caducée d'Hermès affiche deux serpents symétriques,
le caducée des médecins et des pharmaciens
n'en comporte plus qu'un :

.