mercredi 30 décembre 2015

La répression du rêve au cours des siècles

Mercredi 30 décembre 2015


Toute époque de la pensée humaine 
pourrait se définir, 
de façon suffisamment profonde, 
par les relations qu'elle établit 
entre le rêve et la vie éveillée."
Albert Béguin



Le rêve policier de la Rome impériale

Rome fut la seule civilisation antique qui ne produisit aucune clé des songes. 
Les historiens Tacite et Suétone racontent plusieurs anecdotes 
où le récit d'un rêve servit à des accusations pour crime de lèse-majesté. 
Au 1er siècle, l'empereur Tibère obligeait les interprètes de rêves 
à se faire seconder par un observateur, 
dont la mission était en fait de dénoncer aux autorités les rêveurs séditieux
Dans le même but, des indicateurs de police spéciaux 
furent plus tard chargés d'inciter les citoyens à raconter leurs rêves.



Le rêve condamné

Influencée peut-être par l'héritage romain, l'autorité religieuse 
adopta très vite une position bien plus sévère 
que les théologiens (au départ simplement hésitants). 
Il s'agissait d'abord de lutter contre les hérétiques 
qui proclamaient possible l'accès direct de l'humain au divin. 
Ils furent traités de "jeteurs de rêves", 
accusation qui servit longtemps puisqu'on la retrouve prononcée 
contre les Cathares ou dans les dossiers de l'Inquisition.

Profitant ensuite du vide créé par les invasions barbares, 
le pouvoir spirituel devint temporel, puis absolu.
Le combat contre le paganisme servit de prétexte à la répression du rêve
Le premier concile d'Ancyre (314) avait condamné 
les interprètes de songes à cinq ans de pénitence.
Le pape Grégoire les punit de mort au début du VIIème siècle.

On détruisit les temples d'Asclépios et d'Esculape
Trop ancrée dans les moeurs, la pratique de l'incubation 
persista quelque temps. 
Elle fut peu à peu remplacée par le culte des saints, 
le rêve guérisseur par la prière, la guérison onirique par le miracle.

Le mot cauchemar, à l'étymologie incertaine,
apparut au Moyen-Âge. 
Dans les régions scandinaves et celtes,
on combattit les croyances chamaniques 
pour lesquelles l'onirisme compte tant.

On transforma en visites des anges 
les rêves initiatiques des légendes populaires.


Des récits de "songes importants" furent largement colportés
dans l'Europe moyen-âgeuse.
Peuplés de créatures perverses, monstrueuses ou apocalyptiques, 
ils servaient tantôt à persuader les fidèles que le diable inspire les rêves, 
tantôt à faire le portrait des rêveurs hérétiques
L'Inquisition en fit ensuite ses pièces à conviction dans les procès de sorcellerie, 
souvent en accentuant leurs contenus sexuels. 

L'histoire du rêve en Occident est une chronique des temps obscurs.
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Sylvain Michelet - Roger Ripert - Nicolas Maillard
"Le livre des rêves"


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