mercredi 28 octobre 2015

Le symbole de la spirale (2)

Mercredi 28 octobre 2015

On retrouve la même structure fondamentale dans plusieurs symboles (*)
qui constellent autour de la spirale,
et les liens qui s’établissent ainsi tendent à souligner
l’unité des grands sym­boles :


Le labyrinthe :
le héros qui arrive au centre du labyrinthe
(où l’attendent à la fois une épreuve ultime et une victoire potentielle)
est celui qui a su réaliser, trouver en lui ce centre essentiel,
contrastant avec les méandres du labyrinthe lui-même,
et un peu comparable à l’« œil » immobile du cyclone,
entouré de vents tourbillonnants.
On voit la symétrie de cette structure avec la structure précédente
(axe central/spires en mouvement) ;
on peut dire alors que le labyrinthe est la version bidimen­sionnelle
du vortex représentée en perspective par la spirale


La danse rituelle :
perçue comme une façon de s’incorporer,
suivant les mêmes principes,
 les vibrations créatrices et les mouvements ordonnés du cosmos ;
le derviche tournant sur lui-même est à la fois l’axe et le mouvement ;
son bras levé vers le ciel se relie à l’énergie cosmique ;
son bras baissé vers la terre la redistribue dans les règnes matériels ;
tant il est vrai que l’« éveillé » ne doit pas « retenir »
les énergies qui le traversent.


La montagne sacrée (**) :
toujours axiale,
pilier permettant la circulation des énergies divines,
et dont Yves-Albert Dauge a bien montré
 qu’elle représente une forme de pyramide qui s’inverse,
et s’évase à l’infini vers le haut à partir de son sommet,
ce point culminant que peuvent atteindre les œuvres humaines,
ce but de l’ascèse héroïque et des grandes quêtes,
à partir duquel s’opère une transfiguration de l’être :
même symbolisme de l’axe et du mouve­ment,
que l’on comprend mieux en le rappro­chant de celui du Temple :
nous pensons à la cathédrale de Chartres,
enracinée dans la terre par son puits (situé sous le chœur),
et projetant vers le ciel ses flèches ;
entre les deux, l’espace « horizontal »
et, sur le dallage, un labyrinthe.


Le serpent :
associé à l’hélice et à la spirale
dans l’image traditionnelle du caducée,
vérifie la même relation structurelle,
et la même nature complexe d’un être
à la fois « axial »
(par sa nature essentielle)
et en mouvement
(parce qu’il appartient au monde de la manifesta­tion).
Les serpents s’enroulant autour d’un arbre (du monde)
ou d’une montagne sacrée (voire même quelquefois
d’un axe représenté par la croix du Christ)
ont la même significa­tion.


On comprend mieux alors
le symbole druidique de l’« œuf du serpent »,
 en le rapprochant de l’« œuf cosmique »,
flottant sur des eaux symbolisant tous les possibles encore indifférenciés
(et dont on sait, outre ses origines orphiques,
l’importance qu’il joue dans la cos­mogonie des Dogon
qui nous précisent que « lorsque la vie augmente,
elle augmente en tourbillonnant » et par un mouvement spira­lant) :
de même le serpent,
ce symbole des possibilités de développement de l’énergie,
sort d’abord, réellement, d’un œuf,
et ces circons­tances ne pouvaient manquer de frapper des esprits
aptes à en expliciter le sens symbolique.
.


Enfin, nous voudrions souligner que des situa­tions symboliques
sans rapport apparent avec la spirale participent en fait
de la même structure fondamentale.

Ainsi, l’eschatologie des mys­tères de Mithra
fait intervenir l’idée d’un passage de l’initié, post mortem,
 à travers sept sphères, 
correspondant aux sept planètes ma­jeures connues dans l’Antiquité ;
mais cette notion même de passage n’apparente pas seule­ment la situation
au symbolisme du cercle, comme on pourrait le penser au premier abord,
mais aussi à celui d’une spirale divergente,
puisque la progression du « voyageur » de l’au-delà,
 en le faisant aller de cercle en cercle,
et en établissant donc un lien
entre les trajectoires autonomes de chaque planète,
s’assimile à un mouvement spiralé continu.


 Il est donc très cohérent, par rapport à notre archétype de la spirale,
que le culte de Mithra intègre deux divinités essentielles :
Aiôn, l’Axe, l’Un origi­nel,
 le dieu de l’espace-temps confondus et illimités,
définissant un état primordial de l’être
antérieur au processus de la création et de la différenciation,
et Mithra, le médiateur, le sauveur et le combattant,
celui qui symbolise
le devenir et la dynamique de l’évolution ontologi­que.



De même, pour le fidèle de l’Islam
accomplissant le pèlerinage de La Mecque,
la circumambulatio autour de la Ka’ba
transforme les sept cercles parcourus en mouvement spira­loïde,
 convergent cette fois (puisque son itiné­raire
le rapproche toujours plus du Centre).



Relevons enfin que l’exégèse
de la belle phrase du Cantique des Cantiques,
« Je dors, mais mon cœur veille » (V, 2),
participe de la même symbolique :
le « sommeil », c’est celui de l’âme,
prise dans le tourbillon de l’incarnation,
qui l’étourdit et la distrait
de la contemplation de l’Un dont elle est issue,
mais qu’elle a oublié (on songe au symbolisme du labyrinthe,
évoqué précédemment, avec ses connotations « fémini­nes ») ;
mais le Cœur « veille », et reste relié à l’Axe,
c’est-à-dire qu’il permet l’alchimie spiri­tuelle
qui restituera à l’âme sa nature essen­tielle,
 et la fera se retrouver elle-même.


À travers cette constellation d’images symbo­liques
à la fois simples et fondamentales,
et convergeant toutes vers le symbole de la spirale,
 on comprend mieux la fascination que cette figure
a pu exercer tout au long de l’histoire de l’humanité,
et qui explique à la fois son antiquité et sa pérennité.
.
(à suivre)
.
Joël Thomas
"La spirale symbole de la vie et du temps"
.

(*) Il est intéressant de constater que
deux de ces "grands symboles" associés...
apparaissent dans le rêve d'Estelle 
juste avant celui de la spirale :
la danse et la montagne.
.


(**) Ajout personnel :

 Le Mont Helicon, exemple de montagne "sacrée"
Pour les Grecs, le seuil entre le monde des hommes et celui des dieux
était symbolisé par le mont Hélicon, résidence des (9) Muses.
Son sommet, toujours entouré de nuages,
représentait la frontière entre le Ciel et la Terre.
La montée symbolique de l’Hélicon (de "helix", hélice)
se faisait en parcourant les pentes en un mouvement en spirale 
autour du mont. Le cercle ainsi parcouru se rétrécissait au fur et à mesure
que l’on approchait du sommet. Cette ascension spiralée permettait d’arriver,
peu à peu, au point le plus haut. Elle symbolisait la conquête de son propre centre,
ou la réalisation de sa propre synthèse,  et l’accession à l’unité du divin en soi-même
(l’enthousiasme dionysiaque) à partir de la multiplicité du monde.
.


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