mercredi 16 septembre 2015

Du fond de l'abîme jaillit la lumière

Mercredi 16 septembre 2015

Ce n'est pas en regardant la lumière qu'on devient lumineux,
mais en plongeant dans son obscurité.
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Carl Gustav Jung
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A travers les rêves, les visions et les fantasmes 
qui le submergeaient en cette tragique année 1914, 
il (Jung) voyait surgir une expérience immémoriale de l'humanité entière, 
"une poussée de forces capables de nous changer soudain, 
qui ne sont pas nos propres créations, mais montent du fond de nous, 
une réalité toute-puissante à laquelle se trouve livrée le moi conscient"
a écrit la psychologue jungienne Marie-Louise Von Franz.
(...)
Jung se souvint alors de son épouse, de leurs enfants, de ses malades.
Il devait avant tout faire face à ses responsabilités immédiates. 
Il repassa de l'autre côté du mur. 
Mais il revenait de loin. 
Et rien, désormais, ne serait plus comme avant. 
Il avait contemplé le visage aveuglant de l'unique Réalité.

Plus tard, Jung dira que s'il avait échappé à la folie 
après sa confrontation avec l'inconscient, 
il le devait à sa formation de psychiatre, 
mais aussi à son assise solide dans le monde.

Il était marié et avait cinq enfants. 
Il habitait une belle maison sur le lac, avec deux servantes. 
Médecin thérapeute réputé, il recevait des malades et les soulageait. 
On l'invitait à des congrès. Il écrivait des articles, des lettres et des livres.
 Il avait enseigné la psychanalyse à l'université de Zürich
 et multipliait les conférences. mais le monde intérieur 
demeurait son unique passion, l'âme , la psyché, l'inconscient mystérieux 
qui n'a pas fini de nous délivrer des messages.

De ce voyage extraordinaire, 
il retenait que l'accès à l'inconscient n'est pas sans danger
Le chercheur de l'océan psychique est comme un scaphandrier non autonome 
relié à la surface par un tube qui lui dispense de l'oxygène. 
Que le tube se rompe, et c'est la mort, à moins d'une remontée rapide.

Le cas de Jung n'est pas unique. 
On le retrouve chez les mystiques : Angèle de Foligno, 
Jean de La Croix, Thérèse d'Avila, Marthe Robin. 
On le trouve même chez Nietzsche et chez Freud. 
Frappé par une psychose, le neurologue viennois s'était jeté 
dans la voie périlleuse de l'auto-analyse. 
Et il avait inventé la psychanalyse. 
Jung prenait le même chemin :
solitude, dépression, initiation, 
retour vers la lumière de la conscience 
enrichie de la découverte de la grotte intérieure.

Il en explora les richesses, dont Freud, 
obsédé par la sexualité, s'était détourné.
Tout au contraire, 
Jung se livrait à l'expérience mystique, 
hiérophanique et divinatrice 
des prophètes, des chamanes et des visionnaires. 
Ainsi la crise dramatique qui semblait le conduire à la folie 
devint l'élément de résurrection et de progrès, 
la métamorphose spirituelle.
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Jean-Jacques Antier
"C.G. Jung ou l'expérience du divin"
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2 commentaires:

  1. J'aime l'image de la plongée du scaphandrier non autonome, relié à la surface par un tube (pour Jung sa famille, son travail) qui lui dispense de l'air. Et puis la mort est probablement une autre façon de rencontrer cette Unique Réalité, et la tradition mystique insiste sur le fait qu'il n'y a pas d'autre voie pour parvenir à celle-ci que de "mourir avant de mourir"...

    Jean

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  2. Oui...la tradition mystique dit cela et aussi toutes les traditions "initiatiques"...
    Et c'est d'ailleurs ce qui est arrivé à Jung en 1944, de façon encore beaucoup plus "concrète" qu'en 1914, quand il a frôlé la mort et qu'après avoir "entraperçu" ce qui est "derrière le voile", l'Autre côté des choses, il en est revenu totalement "transformé"...

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