mercredi 5 août 2015

La "petite grand-mère" et l'archétype de la Femme Sage

Mercredi 5 août 2015

La "petite grand-mère" pleine de vitalité du rêve de Marthe,
grand-mère plutôt téméraire...qui ne s'effraie pas une seconde 
devant l'exploration des profondeurs, 
m'a fait penser à un autre livre de Clarissa Pinkola Estes
et à sa description de l'archétype de la Femme Sage
Je vous en copie quelques pages ci-dessous :


Ah...chère âme courageuse...
Bienvenue...
Entre, entre donc...
Je t'attendais...oui, toi et ton esprit !
Je suis heureuse que tu aies trouvé le chemin...
Viens, assieds-toi près de moi. 
Laissons un peu de côté "toutes ces choses qu'il nous reste à faire". 
Nous aurons le temps plus tard. 
Le jour lointain où nous nous présenterons à la porte du paradis, 
je t'assure qu'on ne nous demandera pas si nous avons bien manié le balai. 
On nous interrogera sur la profondeur de l'existence que nous aurons choisi de vivre 
plutôt que sur le nombre de "broutilles essentielles" 
par lesquelles nous nous serons laissé déborder.
(...)
Si tu es venue me voir, c'est peut-être 
parce que tu souhaites connaître le bonheur 
d'"être jeune dans la vieillesse et vieille dans la jeunesse", 
comme je le dis, 
c'est-à-dire d'avoir en toi un bel ensemble de paradoxes 
maintenus dans un équilibre parfait.
 N'oublie pas que le terme paradoxe est à prendre au sens d'idée contraire au sens commun. 
Cela s'applique à la grand-mère, la gran madre, la plus grande des femmes, 
car elle est en train de devenir une femme sage
qui assure la cohésion des capacités de la psyché profonde, 
illogiques en apparence, mais fondamentalement empreints de grandeur.


Ces grands attributs fondamentaux sont, globalement : 
posséder la sagesse tout en cherchant sans cesse à apprendre; 
être à la fois spontanée  et  fiable; follement créative et  vigilante ; 
entretenir la tradition et posséder une authentique originalité. 
Tu verras, je l'espère, que tu possèdes dans une certaine mesure tous ces attributs, 
que ce soit en puissance, en partie, ou intégralement.

Si tu es intéressée par ces contradictions divines,
tu es intéressée par l'archétype mystérieux et fascinant de la femme sage, 
dont la grand-mère est l'une des représentations symboliques. 
L'archétype de la femme sage appartient aux femmes de tout âge 
et il se manifeste de manière unique, particulière, dans la vie de chacune d'elles.
(...)

Ecoute, ma chérie, 
Ne sous-estime pas l"endurance de la vieille femme sage. 
Même déchirée et maltraitée, elle possède un autre soi sous celui qui est assiégé,
 un soi primaire, rayonnant et incorruptible, un soi lumineux à jamais entier.
(...)

Chaque arbre possède sous la terre une version primaire de lui-même. 
L'arbre vénérable abrite un "arbre caché souterrain, 
constitué par un réseau de racines vitales
qui s'abreuvent en permanence à des eaux invisibles
A partir de ces racines, l'âme cachée de l'arbre fait monter l'énergie 
afin que sa vraie nature, sage et audacieuse, puisse s'épanouir au-dessus du sol.
Il en va de même avec l'existence d'une femme. 

Malingre ou flamboyante, quel que soit l'état dans lequel elle se trouve en surface...
il y a en-dessous d'elle une "femme cachée" qui entretient l'étincelle d'or, 
cette énergie éblouissante, cette source d'âme qui ne tarit jamais.
La "femme cachée" tente toujours de faire remonter cette force vitale...
à travers le sol aveugle pour nourrir sa partie haute et le monde à sa portée. 
Ses périodes d'expansion et de réinvention dépendent de ce cycle.
(...)
Toutes celles qui ont noté leurs rêves 
et la façon dont ils animent et influencent leurs journées , 
savent qu'il existe une relation complémentaire 
entre leur vie intérieure et leurs activités extérieures. 
Quand cet échange fonctionne bien,
il y a apport mutuel de nourriture et de sagesse. 
Le fondement inextinguible que chacune possède en elle 
fait monter la "force vitale" jusqu'à son coeur, son âme et son esprit. 
Si elle y prête attention, si elle écoute, elle "aura des idées" ; 
en d'autres termes, elle donnera naissance à des "filles" 
sous la forme d'idées nouvelles et vibrantes 
pour vivre avec plus d'amplitude une vie plus riche de sens.


Au fur et à mesure que la femme croît
au-dessus du sol dans la réalité consensuelle, 
elle commande à ses racines de s'étendre,
 de sorte que sa vision profondément sensible
sa capacité d'écoute accrue et sa pensée intuitive augmentent d'autant.
 C'est un double processus éternel et sacré,
qu'elle déclenche en prêtant consciemment attention 
à la manière dont la psyché va passer de l'état d'adolescence
 à une sagesse mûrie, vibrante et dansante.

On peut avancer que ce cycle d'accumulation de l'énergie 
a son site dans l'inconscient psychoïde, 
décrit par Jung comme le lieu de la psyché où la biologie et la psychologie 
s'influenceraient mutuellement. 
Mais à dire vrai, nous n'avons pas éclairci le mystère des origines de cette force 
en perpétuel surgissement qui tend non seulement vers une existence plus remplie, 
mais vers une vie en expansion, une vie dans laquelle les arbres-filles
 poussent à partir de la vieille et sage racine-mère.

Sans doute savons-nous où et quand cela a lieu, mais nous ne pouvons pas vraiment l'affirmer. 
Pour expliquer la force vitale d'une femme, la poésie est nécessaire ; 
tout comme sont nécessaires la danse, la peinture , la sculpture, le tissage, 
la poterie, la théâtre, la parure, l'invention, l'écriture passionnée, 
l'étude des livres et de ses propres rêves,
les échanges verbaux avec des personnes sages, 
une perception, une pensée, des sensations attentives...
des réalisations et des apports en tous genres...
car les mots ordinaires ne suffisent pas à exprimer certains éléments mystiques, 
mais les sciences, la contemplation de ce qui est invisible mais palpable, et les arts 
y parviennent.

Pourtant, dans les orages comme dans les moments de satisfaction, 
la femme cachée continue à veiller sur la magnifique force vitale 
et elle se démène pour faire savoir qu'au moment même où nous sommes détruites, 
la reconstruction a commencé. 
Ainsi, cette force intérieure agit comme une grande mère,
 la plus grande des grands-mères, l'essence de la santé et de la sagesse de l'âme 
qui nous guide toujours et ne nous quittera jamais.


Nous faisons l'expérience de cette source mystérieuse 
par l'intermédiaire des connaissances précises et précieuses, d'une origine indiscernable, 
qui se présentent inopinément dans les rêves nocturnes clairs ou complexes, 
dans l'irruption d'idées et d'énergies apparemment surgies de nulle part, 
dans la certitude soudaine que notre affection, notre opinion, ou notre contact physique 
est réclamé quelque part, dans la détermination imprévue d'intervenir, 
ou de nous détourner, ou d'aller vers.

Comme la vieille femme sage qui apparaît dans les contes,
la source protectrice de l'étincelle d'or,
se manifeste par l'intermédiaires d'exhortations intérieures 
à agir dans la discrétion ou au contraire de manière éclatante, 
d'une impulsion judicieuse à créer de nouveau,
à chérir plus fort, à réparer plus complètement, 
à répandre plus largement, à protéger une vie nouvelle.

On peut constater cette manifestation intemporelle également chez les femmes de chair ; 
celles qui cherchent toujours à faire le choix de ce qui a du sens 
au détriment de l'union avec ce qui est périssable ; 
celles qui ont hâte de s'épanouir et développent avec une certaine conviction des ovaires 
qui vont leur permettre de fleurir pleinement et souvent ; 
celles qui se donnent du mal pour s'appartenir sans se couper du monde ; 
celles qui se battent pour devenir des réserves de graines et, 
au propre comme au figuré, voyagent loin de chez elles 
car elles ont besoin d'espace pour les semer.

On sent la force et la présence de la plus grande des femmes,
la vieille femme sage, la grande mère, la plus grande des mères, 
chez celles qui sont plus ou moins dangereuses, 
en ceci qu'elles repèrent les idées et les existences dénuées d'âme, 
et qu'elles ont l'intention de les mettre en péril.

On trouve toujours la preuve de l'existence, au niveau des racines, 
de cette source mystérieuse et sage 
chez les femmes qui apprennent et veulent apprendre toujours plus, 
développent leur vision intérieure, écoutent leur intuition, 
ne se laissent jamais ni arrêter ni bâillonner, et qui,
 face à une perspective prometteuse ou enrichissante, 
mais intimidante au premier abord, 
ne vont pas dire : "Je n'y arriverai jamais", 
mais se demanderont au contraire : 
"Quelle énergie dois-je rassembler pour pouvoir y arriver ?"

Qu'importe le lieu où nous vivons et en quel état, qu'importe notre mode de vie...
nous pouvons toujours compter sur cette alliée suprême, 
car même si notre structure extérieure est insultée, attaquée, terrorisée, voire pulvérisée, 
personne ne peut éteindre l'étincelle d'or ni tuer sa gardienne souterraine.
.
Clarissa Pinkola Estes
"La danse des grands-mères"
.




1 commentaire:

  1. Magnifique cet extrait, merci !

    j.aime particulièrement cette phrase: "celles qui se donnent du mal pour s'appartenir sans se couper du monde ";

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