lundi 3 août 2015

Interprétation personnelle du rêve de Marthe

Lundi 3 août 2015

Après avoir "médité" quelques jours
autour des symboles du rêve de Marthe, 
je vais vous offrir maintenant une interprétation plus personnelle...
interprétation qui, comme vous allez le voir, 
n'est pas en contradiction avec ce qui a déjà été dit auparavant, 
mais qui en est plutôt un complément ou un approfondissement.


Tout d'abord, que nous dit-on de la rêveuse ?

Avec son mari, elle suit un enseignement spirituel 
sous la direction d'un maître indien, 
maître qui est sur une voie 
de la connaissance et de la conscience claire, 
une voie d'esprit plutôt masculin...
et bien que cela lui convienne en partie, elle ressent, 
comme elle l'a déjà ressenti pendant ses études 
et dans l'exercice de son métier, 
une sensation de "manque"...

Ce qui lui "manque" manifestement ,
et qu'elle recherche sans forcément le savoir, 
c'est une voie plus "féminine", une voie certes spirituelle, 
mais qui soit en contact avec ce qu'elle ressent, 
avec sa nature féminine qui ressent avant de comprendre. 
Une voie qui n'aille pas directement vers la "clarté de l'esprit",
 ou vers la connaissance intellectuelle ...
mais qui passe par l'exploration de sa propre intériorité, 
et de ses propres profondeurs. (*)

Et elle cherche aussi une manière qui lui soit propre 
de voir et de sentir les choses; 

C'est-à-dire qu'elle cherche à se dé-fusionner 
de la façon de voir de son mari et aussi de la vision du monde habituelle. 
Elle cherche sa voie propre, unique, son chemin particulier (individuation).

Son rêve va venir, d'une certaine façon, lui donner la réponse...
et le chemin pour y parvenir.


Le rêve lui montre qu'il y a, sous sa  maison, 
un immense gouffre mystérieux et sombre, 
qu'il serait peut-être intéressant d'aller explorer. 
Il y a là quelque chose de mystérieux, de "caché"...
une grande grotte, un lieu peut-être lié au sacré...
ou peut-être même un secret ou un trésor à découvrir ?

La maison étant la personnalité visible, 
apparente aux yeux de tous, la cave représentant l'inconscient personnel...
elle voit que cette cave "ouvre" sur quelque chose de plus vaste, de plus grand : 
un immense domaine souterrain et inconnu qui l'attire et lui fait peur à la fois.
On pense bien sûr à l'inconscient collectif décrit par la psychologie des profondeurs...
cet inconscient qui n'est pas limité mais qui s'étend de façon souterraine, 
à la façon d'une nappe phréatique, 
et sur lequel débouche, comme autant de "puits" particuliers,
tous les inconscients personnels.
C'est la "couche" la plus profonde du psychisme.
On lui demande donc de ne pas rester à la surface,
d'approfondir et d'aller le plus loin possible dans sa recherche personnelle.

Le rêve parle de descendre sous sa propre maison
veut-il dire qu'il s'agit de chercher ses racines
là où elle est ...là où elle habite...là où elle vit (en Occident)
et qu'elle y trouvera tout autant de richesses spirituelles
que dans des endroits exotiques (Inde ?).


Marthe a envie de descendre (ou de plonger on ne sait pas), 
mais son mari lui dit qu'elle est folle :
qu'elle va attraper la mort ou être aspirée par la rivière souterraine 
qui alimente le lac de la grotte.


On comprend très bien que le masculin, en elle,
 représenté par son mari, s'effraie à cette perspective. 
Rien de rassurant, en effet, pour un masculin épris de clarté, 
à la vue de cette eau sombre et inquiètante. 
Il pense immédiatement au danger,
à un danger de noyade ou d'engloutissement...
Il faut être "fou" (ne plus avoir toute sa "raison") pour s'y risquer.
Et c'est vrai que la raison ou l'intellect 
n'est pas l'équipement adéquat pour s'aventurer là...

Il lui dit qu'elle est folle,
qu'elle n'y arrivera pas, qu'elle va y laisser sa peau...
Je crois que ces paroles sont très exactement 
celles que de nombreuses femmes "entendent en elles" 
quand elles veulent faire quelque chose de nouveau, 
quelque chose qui les tente vraiment...
Elles sont tentées, attirées et , en même temps, 
une petite voix (celle de leur animus) leur dit : 
"Tu es folle ! Tu n'y arriveras jamais !
C'est trop dangereux !  Tu n'y penses pas ! 
Ce n'est pas la peine d'essayer, c'est perdu d'avance...
Tu n'es pas capable de le faire...etc..."
C'est une voix insistante, perfide, très convaincante...
qui revient régulièrement et qui empêche une femme
de se lancer dans l'action : 
c'est la voix facilement reconnaissable de l'"animus négatif".


Dans ses écrits, Jung a parfois décrit
les manifestations de l'animus négatif et, 
étant un homme, il en a surtout décrit
les manifestations extérieures, visibles : 
c'est lui, dit-il, qui peut rendre une femme têtue, butée, 
aigrie, agressive, acariâtre ....
Ce n'est pas faux.

Mais "vu de l'intérieur", 
l'"animus négatif" est aussi souvent un animus...
qui ne fonctionne pas bien 
et qui, au lieu d'aider la femme à s'exprimer et à s'affirmer, 
la maintient dans l'inertie
en lui envoyant des pensées "décourageantes"...
chaque fois qu'elle essaie d'entreprendre quelque chose.
C'est un animus qui ne joue pas son rôle  
et qui conduit à la résignation et à l'impuissance.
C'est un critique, un saboteur et un censeur.
C'est le "mari intérieur" qui, au lieu de soutenir l'élan,
s'empresse de le briser...
et qui, dès qu'il le peut, vous dit :
"Je te l'avais bien dit !"

C'est un animus faible et inaccompli,
qui finit par "empoisonner" la vie de la femme 
en la faisant stagner et en freinant toute avancée personnelle, 
toute création ou réalisation valorisante. 
Avec ce genre d'animus, on ne "plonge" pas dans la vie...
on reste au bord et on attend, on attend...
ou alors on reste "fusionnée" au masculin, à son mari 
ou à une figure d'autorité (spirituelle ou autre) 
qui représente celui qui sait, celui qui peut, celui qui fait...
Et au bout d'un moment, cela ne peut que se manifester
par de l'amertume et un caractère plus ou moins désagréable, 
ainsi qu'on le disait plus haut.

Il est alors intéressant  et réconfortant de constater 
que la rêveuse n'en reste pas là et que la suite du rêve 
amène une autre image d'"animus" ...
avec le personnage du mari de la voisine, 
qui, lui, est une figure bien plus positive, plus dynamique, 
qui n'hésite pas à "encourager" ouvertement sa femme ...
et à la soutenir.

Il y a donc une possibilité d'évolution : l'animus négatif
 peut se transformer (avec le temps ?) en animus positif.

Le rêve montre donc à la rêveuse une autre possibilité,
toute proche (maison mitoyenne) :
Si son masculin intérieur évolue positivement,
elle peut dépasser sa crainte, ses doutes, 
affronter le danger et...plonger. 
Il est possible d'avoir "confiance",
et d'aller à la rencontre de ses aspects inconscients enfouis,
de cette "réserve d'énergie inconsciente" (lac souterrain)
sans s'y noyer.

Ce qui se passe alors, au fond du fond, on n'en sait rien :
on n'entend rien , on ne voit rien...
on ne peut qu'imaginer...
mais ce qu'on sait, c'est qu'on en revient !
Là où le masculin craint l'engloutissement...
le féminin a confiance et sait qu'on peut y "nager"...
il est dans son "élément" (l'eau est "féminine").

Certes, ce n'est pas facile...le "saut" demande un grand courage...
il ne s'agit ni plus ni moins que de descendre dans l'antre inconnue, 
dans les "entrailles de la terre", 
dans le "ventre obscur"...de la Mer-Mère.


C'est l'histoire de Jonas avalé par la baleine, 
celle de Pinocchio à l'intérieur du monstre marin 
ou celle du Petit Chaperon Rouge avalé par le loup...

C'est le thème de nombreux mythes et de nombreuses histoires,
anciennes ou récentes 
qui, toutes, racontent la même chose...
il faut "descendre avant que de monter", 
(phrase leitmotiv du très beau roman 
de Frédéric Lenoir et Violette Cabesos : 

On pourrait dire aussi "il faut mourir pour renaître", 
ce qui est le principe même de
toutes les voies ou traditions initiatiques...

Dans l'Evangile, Jésus disait à Nicodème
"Il te faut naître de nouveau..." et celui-ci lui répondait : 
"Comment un homme peut-il naître quand il est vieux ? 
Peut-il une seconde fois entrer dans le ventre de sa mère et naître ? »

Il n'arrivait pas à comprendre que la première naissance est "terrestre",
et que la seconde est d'une autre nature :
 c'est une naissance par l'Esprit, une naissance "spirituelle"...

C'est là la signification première du baptême (par immersion) :
une quasi-noyade...puis un retour à la vie, à une "nouvelle" vie...
dans l'Esprit.
C'est en rapport avec tous les cultes à mystères, 
celui de Démeter, par exemple, qui parle
du "grain qui doit s'enfouir sous terre, y mourir, 
avant de renaître à la lumière"...

C'est aussi l'invitation à "visiter l'intérieur" :
« Visite l’Intérieur de la Terre, 
et en Rectifiant Tu Trouveras la Pierre Cachée »


Et c'est, dans la Bible, l'aventure bien connue de Jonas :
Englouti par le monstre-baleine, il y reste trois jours et trois nuits
avant d'être "vomi" au sec sur le rivage.

Bon, on ne sait trop ce qui s'est passé dans ce ventre-gouffre...
dans cette "bouche d'ombre",
lieu d'initiation et de transformation (**),
mais ce qui est sûr , c'est que la petite vieille, elle aussi,
se retrouve "au sec" à la fin du rêve...
et cela signifie qu'elle a franchi l'épreuve,
et que, sortie des eaux,
elle est en quelque sorte "re-née"...

Il ne s'agit pas (on le voit bien dans l'histoire de Jonas,
on le voit aussi dans celle de Pinocchio...)
de s'attarder trop longtemps dans le "ventre humide",
même si l'on s'y plaît...
mais de revenir sur terre 
et de "ramener" ce qu'on a découvert 
dans la vie de tous les jours. 
A un moment donné, il faut "rentrer à la maison".


A la fin du rêve, le gouffre s'est transformé :
il est devenu bassin carrelé...et coloré.
Le lieu semble "sécurisé", il fait moins peur...
il est moins "sauvage", plus "abordable"
et on dirait qu'après cette exploration des recoins
les plus obscurs de la psyché,
le lieu a "repris des couleurs"...
Cette petite vieille pimpante et bonne nageuse
ne manque d'ailleurs pas de "vitalité"...
A-t-elle "attrapé la Mort"...
ou l'a t-elle dépassée pour "attraper la Vie" ?

Le bassin ainsi décrit, avec ses carrés de couleur,
me fait un peu penser aux bassins des "thermes"...
Le thermalisme existe depuis l'Antiquité et déjà, à l'époque romaine,
on se soignait par l'eau et on construisait ce genre de bassin
orné de mosaïques ou de petits carrés colorés.

On dirait que l'eau synonyme de danger est devenue
 "eau qui baigne" et "eau qui guérit"...
on dirait qu'elle est devenue bienfaisante et guérisseuse...
piscine naturelle dans laquelle on aime aller et nager
 pour se sentir bien, se soigner, se régénérer.

Le Principe féminin , la Nature féminine
"profonde", "sauvage" et "universelle"
(en lien avec la force archétypale que
Clarissa Pinkola Estes appelle Vie-Mort-Vie)
n'est plus vu(e) comme quelque chose
de sombre et de dangereux,
mais comme quelque chose de naturel,
de fréquentable et de bénéfique.

L'obscurité inquiètante du début a été explorée (ressentie ?) 
et elle a laissé place à des flots de lumière...

L'expérience personnelle des profondeurs (psychiques)
a été transformatrice et elle a amené une clarté
qui n'est pas celle de quelqu'un d'autre,
ou celle d'une spiritualité "étrangère",
 mais le fruit d'une transformation personnelle,
 la lumière d'une connaissance "vécue".



Expérience des profondeurs qui a permis
de relier le haut (ciel) et le bas (eaux souterraines),
 de relier le conscient et l'inconscient
et d'acquérir la Sagesse recherchée...
Sagesse qui est également due 
à l'union d'un féminin authentique...
et d'un masculin "positif", 
représentés tous deux par le couple âgé (***),
image d'union des contraires et de totalité,
image du Soi.

Est-ce que la rêveuse réalisera concrètement  cela...
dans les années suivantes ?
Rien n'est jamais sûr...
cela dépendra de ce qu'elle décidera de vivre...
mais le rêve semble dire que c'est...possible !
Que cette évolution existe "en potentiel"...
dans son inconscient...
et qu'elle n'attend qu'elle pour se concrétiser...
.
La Licorne
.
(*) Si  l'on ose reprendre une expression populaire et imagée,
on pourrait dire : une voie qui passe "par les tripes"

(**) De même qu'on ne peut qu'imaginer ce qui se passait
durant les "initiations" aux mystères d'Eleusis,
dont les rituels sont toujours restés...secrets...

(***) Et aussi peut-être, par la présence simultanée
des deux formes géométriques :
le rond (rondeur du bassin)
et le carré (carreaux colorés)
.

7 commentaires:

  1. Merci Licorne pour cette analyse,, elle me parle beaucoup surtout en ce qui a trait à l'animus négatif, qui freine la femme dans sa découverte personnelle.
    Ce rêve aussi est très instructif et tu me sembles en avoir tiré les enseignements , précieux. Comme dire que l'eau est un éléments féminin, plus naturel pour nous que l,on peut le croire. Faire le plongeon dans ces grandes eaux demeure toujours une crainte car ,on ignore ce que les profondeurs nous réservent, et puis on nous a habitué à fréquenter que les eaux que l,on connait....Ce rêve de Marthe est vraiment un grand rêve , il nous apporte à tous et à toutes. Et tu nous aide beaucoup à en comprendre la richesse.

    amitiés nicole

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    1. Oui, l'eau , c'est vraiment le plus beau symbole du Féminin.
      C'est le support essentiel de la Vie...sans eau, pas de vie...
      Sans Féminin, non plus...

      Et il est très inquiètant de voir que, de nos jours, c'est l'élément le plus "pollué" (encore bien plus que l'air).
      Je crois que sur ce point (comme sur d'autres), la réalité extérieure est le reflet de la réalité intérieure...(le Féminin a été traité sans respect, utilisé...et "sali").

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  2. Très intéressante, minutieuse analyse. Le personnage de cette voisine mitoyenne âgée
    me fait penser à la grande Mère. Voisine, donc beaucoup plus proche qu'on est portés à
    le croire. Forte de toute son expérience passée, elle n'a pas peur de plonger. Elle fait partie de toutes les femmes, cette ancêtre, intimement.

    Merci La Licorne, très belle réflexion,

    Michelle

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    1. Je me trompe peut-être, Michelle, mais j’ai du mal à imaginer que le rêve représente la Grande Mère (archétype) encouragée par... son mari.
      Je crois (je me répète... ;-) que cette femme âgée et son mari représentent plutôt l’avenir d’une exploration et découverte du gouffre inconscient possibles pour la rêveuse lorsque sa relation avec son esprit masculin intérieur aura mûri. Ce qui est bien sûr vrai pour toute femme qui développe la relation consciente avec l’animus, et qui est, en ce sens, une généralité valable pour toute femme.

      Amezeg

      P.S.Je me permets cette intrusion dans l'échange tandis que La Licorne est en vacances pour un temps indéterminé...

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    2. Et pourquoi chacun(e) n'aurait pas raison...?:-)
      Comme le dit Michelle, d'une certaine façon...la "Grande Mère" fait partie de toutes les femmes...
      Et pourquoi donc l'avenir de l'exploration inconsciente de la rêveuse n'irait-elle pas vers l'union d'un Masculin intérieur plus mûr, plus positif ET d'un Féminin redécouvert dans toute son authenticité et sa profondeur ?

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  3. Bonjour La Licorne :-)
    Les vacances furent-elles bonnes et reposantes ?

    Je dirais plutôt, en inversant les termes, que chaque femme est une petite part de la Grande Mère manifestée ici-bas.
    Et, à mon avis, la Grande Mère n’a ni besoin ni désir de plonger dans le gouffre pour...se découvrir elle-même en tant que part de cet inconnu profond qu’elle est...tandis que la rêveuse a le désir et le besoin de découvrir cette profondeur dont elle est une manifestation incarnée, manifestation éphémère qui peut s’ouvrir à la découverte de la Grande Mère éternelle et lui donner ainsi plus large présence consciente en ce monde manifesté.

    Amezeg

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    1. Oui, merci Amezeg, mes vacances, dans l'ensemble, ont été reposantes...
      je reviens bronzée et pleine d'énergie... ;-)
      J'ai même pensé plusieurs fois à ce blog ces derniers jours...car mes pérégrinations m'ont amenée -comme par hasard - à explorer une grotte et une rivière souterraine (en barque) et aussi à fréquenter des...thermes ! :-)

      Je comprends bien ce que tu dis : la "petite grand-mère" n' EST pas la "Grande-Mère" (qui, tu as raison, est bien plus vaste que ça...), mais on peut dire qu'elle l'évoque...

      Bien malin d'ailleurs qui pourra définir les limites de la "Grande Mère"...c'est à peu près comme si l'on voulait circonscrire les limites de la "Nature"...mais on peut dire que chaque femme est en lien potentiel avec elle et que chacune peut incarner l'une ou l'autre de ses "facettes"...

      Je crois que la "grand-mère" du rêve représente en effet l'"avenir" de la rêveuse, elle est une image d'elle-même plus mûre, plus "courageuse"...et aussi plus "sage"...qui peut rentrer en contact avec la "Grande Mère éternelle" et la manifester consciemment...

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