samedi 13 juin 2015

L'expérience du divin

Samedi 13 juin 2015

Lettres de C-G Jung 
(correspondance privée)
extraites du livre 
"Le divin dans l'homme"
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A C.C. Vera Lier-Schmidt Ernsthausen
Scheveningen, Hollande, le 25 avril 1952

Madame,

Je m'efforce de mettre en évidence les faits psychiques 
auxquels se rapporte le discours religieux.

J'ai pu constater, en effet, qu'en règle générale, 
lorsque des contenus archétypiques 
apparaissent spontanément dans des rêves, 
ils produisent des effets numineux et thérapeutiques.

Ce sont là des expériences originelles qui, très souvent, 
permettent au patient de retrouver un accès à des vérités religieuses 
longtemps reléguées dans l'oubli.
J'ai pu vivre personnellement  ce genre d'expérience.

 (...)

C-G Jung
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A Heinrich Boltze , Münsterlager/ Allemagne
Le 13 février 1951

Monsieur, 

( ...) Dieu : 
une expérience intérieure, comme telle, 
ne peut faire l'objet d'une discussion 
mais marque celui qui la fait.

L'expérience psychique a deux sources :
le monde environnant et l'inconscient. 
Toute expérience immédiate est psychique. 
Il y a l'expérience médiatisée par le monde physique (environnant) 
et l'expérience intérieure (spirituelle).
Aussi valables l'une que l'autre.

Dieu n'est pas une vérité statistique
aussi est-il également stupide
de vouloir prouver ou nier son existence. 
Si quelqu'un se sent heureux, 
il n'a que faire d'une preuve ou d'une réfutation. 
Il n'y a pas de raison non plus de nier que l'on puisse faire 
l'expérience du "bonheur" ou de "l'affliction".

L'expérience de Dieu est universelle, 
obscurcie simplement par un rationalisme stupide 
et la théologie correspondante. 
(Cf mon petit livre, "Psychologie et religion", 1940, 
où vous trouverez d'autres choses encore sur ce thème.)

Ce que l'homme appelle "Dieu" depuis des temps immémoriaux, 
vous en faites chaque jour l'expérience.
Vous lui donnez seulement un autre nom, censément raisonnable, 
par exemple, vous l'appelez "affect".

Il est depuis toujours cette force supérieure dans l'âme 
qui peut faire dérailler votre intention consciente, 
vient fâcheusement  se mettre en travers, 
et à l'occasion la met en pièces.
C'est pourquoi bon nombre de gens ont "peur d'eux-mêmes".
 Dans ce cas-là, "moi-même" est l'autre nom de Dieu.

Le monde extérieur et Dieu 
sont les deux expériences premières, 
aussi grandes l'une que l'autre
et toutes deux portent mille noms qui tous ensemble 
ne changent rien à la réalité des faits. 
Les racines de l'une et de l'autre : inconnues.
L'âme reflète l'une et l'autre. 
Elle est sans doute le point où elles entrent en contact. 

Mais d'abord, pourquoi donc posez-vous la question de Dieu ?
C'est un Dieu qui vous travaille 
et vous pousse aux spéculations les plus étranges.
Quand on parle de foi, c'est qu'on a perdu le savoir
Foi et non-foi en Dieu ne sont que des succédanés. 

Le primitif dans sa naïveté ne croit pas, il sait
car il donne avec raison autant de valeur 
à l'expérience intérieure qu'à l'expérience extérieure. 
Il n'a pas encore de théologie, et et s'est pas encore laissé 
obscurcir l'esprit par des concepts sottement astucieux. 
Il oriente sa vie - par nécessité-
d'après les faits extérieurs et intérieurs
qu'il n'éprouve pas, comme nous, comme séparés. 
Il vit dans un monde entier,
et nous vivons, nous, dans une moitié du monde 
et nous croyons seulement, ou ne croyons pas,
à l'autre moitié.

Par ce que nous appelons l'"évolution intellectuelle", 
nous l'avons masquée,
 c'est-à-dire que nous vivons à la lumière d'une électricité
 que nous fabriquons nous-mêmes
et -comble du comique- 
nous croyons au soleil ou n'y croyons pas.
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C-G Jung
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Dans cette interview,
on demanda à Jung : "Croyez-vous en Dieu ?"
et il répondit : "Je n'ai pas besoin de croire, je sais..." :-)
Ce qui, évidemment,
suscita de nombreuses réactions...indignées !
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jeudi 11 juin 2015

Rêves et expérience religieuse

Jeudi 11 juin 2015

On peut difficilement penser, 
quand on s'est fait une idée de la variabilité infinie des rêves, 
qu'il puisse jamais exister dans ce domaine une méthode
c'est-à-dire une marche à suivre, techniquement prescrite, 
capable de conduire à un résultat infaillible. 

Le mieux que l'on puisse faire est de traiter le rêve 
comme un objet totalement inconnu
on l'examine sous toutes ses faces, 
on le prend en quelque sorte en main et on le soupèse, 
on le porte avec soi, on laisse courir son imagination, 
on le confie à d'autres personnes
Les primitifs racontent toujours les rêves qui les ont impressionnés, 
si possible devant la tribu rassemblée ; 
cet usage était encore accrédité à la fin de l'antiquité, 
tous les anciens accordant au rêve une signification auguste.
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Ce n'est pas tant la connaissance de la vérité qui nous est nécessaire, 
c'est la découverte de la voie intérieure 
qui nous permettra d'en faire l'expérience.
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Peu importe ce que le monde pense de l'expérience religieuse
celui qui l'a faite possède l'immense trésor d'une chose qui,
 pour lui, est devenue une source de vie, de signification et de beauté 
qui a donné une nouvelle splendeur au monde et à l'humanité. 
Il a la foi et la paix. 
Quel est le critère qui permettrait de dire
qu'une telle vie n'est pas légitime, 
qu'une telle expérience n'est pas valable, 
et qu'une telle foi n'est qu'une simple illusion ? 
Y a-t-il en fait une meilleure vérité sur les choses ultimes 
que celle qui nous aide à vivre ?
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Parmi tous mes patients qui ont dépassé le midi de la vie
c'est-à-dire qui sont âgés de plus de trente-cinq ans, 
il n'y en a pas un dont le problème définitif ne soit celui de l'attitude religieuse
Oui, chacun souffre en fin de compte d'avoir perdu 
ce que les religions vivantes ont donné de tout temps à leurs croyants, 
et aucun n'est véritablement guéri 
tant qu'il n'a pas retrouvé une attitude religieuse, 
ce qui n'a évidemment rien à voir 
avec une confession ou l'appartenance à une Eglise.
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Citations de C-G Jung
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vendredi 5 juin 2015

Solitude

Vendredi 5 juin 2015

Parfois, je ressentais comme une étrange envie de parler
 sans bien savoir de quoi.
Je voulais essayer de poser des questions 
pour savoir si d'autres personnes avaient aussi fait de telles expériences
Ou bien je voulais donner à comprendre 
qu'il existe des phénomènes curieux dont on ne sait rien. 
Je ne réussis jamais à en trouver, ne serait-ce qu'une trace, chez autrui. 
Et ainsi j'eus le sentiment d'être réprouvé ou élu, maudit ou béni.

Et pourtant il ne me serait jamais venu à l'esprit 
de parler directement de mon aventure, 
non plus que du rêve du phallus dans le temple souterrain, 
ou du petit bonhomme sculpté, même alors que je m'en souvenais encore. 
Je savais que cela m'était impossible. 
Je n'ai parlé du rêve du phallus 
que lorsque j'ai eu atteint ma soixante-cinquième année. 
Les autres événements, peut-être les ai-je communiqués à ma femme, 
mais tardivement aussi.

Pendant des dizaines d'années, 
un tabou rigoureux provenant de l'enfance les scella.
Toute ma jeunesse peut être envisagée sous le signe du secret.
Cela me plongeait dans une solitude presque insupportable 
et je considère, aujourd'hui, que ce fut un véritable exploit 
que d'avoir résisté à la tentation d'en parler à qui que ce fût.

Ainsi, dès lors, ma relation avec le monde se trouva préformée
 telle qu'elle est aujourd'hui : aujourd'hui aussi je suis solitaire,
 car je sais des choses qu'il me faut bien mentionner, 
que les autres ne savent pas, et le plus souvent ne veulent pas savoir. 
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"Ma vie" 
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