samedi 14 mars 2015

Visages du Féminin sacré

Samedi 14 mars 2015


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Je viens à toi, Lucius, émue par tes prières.
Je suis la Nature,  mère de toutes choses,
maîtresse des éléments, principe originel des siècles,
divinité suprême, reine des Mânes,
la première entre les habitants du ciel,
type universel des dieux et des déesses.

L'Empyrée et ses voûtes lumineuses,
la mer et ses brises salubres,
l'enfer et ses silencieux chaos, obéissent à mes lois:
puissance unique adorée sous autant d'aspects, de formes,
de cultes et de noms qu'il y a de peuples sur la terre.

Pour la race primitive des Phrygiens,
je suis la déesse de Pessinonte et la mère des dieux;
le peuple autochtone de l'Attique me nomme Minerve Cécropienne.
 Je suis Vénus Paphienne pour les insulaires de Chypre,
Diane Dictynne pour les Crétois aux flèches inévitables.
Dans les trois langues de Sicile,
j'ai nom Proserpine Stygienne,
 Cérès Antique à Éleusis.
Les uns m'invoquent sous celui de Junon,
les autres sous celui de Bellone.
Je suis Hécate ici, là je suis Rhamnusie.
Mais les peuples d'Éthiopie,
de l'Ariane et de l'antique et docte Égypte,
contrées que le soleil favorise de ses rayons naissants,
seuls me rendent mon culte propre,
et me donnent mon vrai nom
de déesse Isis. 

.
Apulée
"L'âne d'or ou les métamorphoses"
.



Nature, à ton autel le poète est seul prêtre
Isis, c’est à lui seul que tu te fais connaître
Toi qu’un voile sacré cache aux profanes yeux !
Laisse-moi pénétrer au divin sanctuaire,
Dussé-je en sortir pâle après le grand mystère,
Et puni par les dieux.;
.
Gérard de Nerval 
"Chant d'un soir d'été"
.



Nous avons besoin des dieux et des déesses.
Et d'elle en particulier. Elle?
Isis, dix mille fois nommée mais jamais totalement cernée,
 mirage dans un pays de sable dont elle s'est éloignée un jour
pour entamer sa course d'étoile  à travers le monde,
palimpseste complexe aux écritures superposées
mais qui n'a jamais perdu ses traces anciennes.

Histoire d'un mythe qui prend racine dans les temps immémoriaux
et qui est sans cesse parcouru par la tragédie
et l'espoir fou de renaissance et d'immortalité,
miroir de nos angoisses existentielles et de nos rêves insensés de salut,
Isis a transcendé sa fonction originelle de déesse égyptienne.

Changeant sans cesse de forme,
jamais à bout d'imagination ni de souffle  pour nous appeler à elle,
Isis est finalement devenue une figure archétypique,
 de celles qui irriguent les représentations de l'inconscient collectif.

(...) pourra-t-on jamais comprendre
la vitalité, la permanence et l'omniprésence de cette déesse
dans la psyché et l'imaginaire des hommes ?
(...)

Deux mille ans de christianisme institutionnel ont donné du féminin sacré,
principalement à travers la figure de Notre-Dame ,
une image désexualisée, uniquement maternelle, virginale
et débarrassée de tout aspect ténébreux.
Mais on ne se débarrasse pas ainsi de la grande déesse.

Tout un pan de la féminité avait été occulté, ostracisé ?
Le refoulé fait toujours retour :
les icônes contemporaines de la pop-rock
 jouent sur les symboles de la féminité
et président des concerts aux allures de rituel païen.

 La puissante Isis n'est pas loin avec son visage ambivalent.
 Pas de lumière sans ombre, nous rappelle-t-elle dans sa grande sagesse.


"Dame de vie est son nom" disaient les anciens :
Isis est bien celle qui nous invite à être aussi vivants que possible,
en dépit des événements que nous traversons, entre joie et enténébrement.

Son histoire ne nous enseigne rien d'autre :
tenez-vous du côté de l'espoir, de l'enthousiasme
(étymologiquement "transport divin") et de la vie de l'âme,
ne renoncez ni à l'audace ni à la sainte folie de l'amour.

A toutes les femmes, à toutes les filles
et à tous les hommes  qui ont assumé leur anima
et qui, partout dans le monde, en ce moment même,
se dressent pour leur dignité
et s'opposent à ce qui les dénigre dans leur essence la plus profonde,
la déesse rappelle que le féminin (comme genre et non comme sexe)
 peut être un rempart contre les pires dérives.
Et que, même ordinaires, nous sommes tous -toutes- souverain(e)s.

Dans sa robe constellée d'étoiles gonflée par les vents,
 l'Isis maîtresse des flots 
tient toujours la barre du monde entre ses mains.
.
Florence Quentin
"Isis l'éternelle"
.
(the lighthouse goddess, 
la déesse des phares) 
 
 

An artist's vision of the Pharos lighthouse of Alexandria


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