dimanche 22 février 2015

Grand rêve : La flamme de la vie

Samedi 8 mars 2014

Dans le volume d'autobiographie qu'il a intitulé "Rain upon Godshill" l'écrivain J.B. Priestley nous fournit un merveilleux exemple de la manière dont peut se présenter à la conscience le revirement d'attitude vers le milieu de la vie, en relatant un rêve qu'il eut à quarante-deux ans.

L'auteur commence par quelques réflexions sur ce qu'il appelle le "rêve de sagesse" qui "semble offrir un type d'expérience nouveau et plus élevé" et nous donne l'impression que "pour un court instant nous avons été en contact avec un esprit infiniment plus grand et plus riche que le nôtre."
(C'est là une paraphrase de ce que la psychologie analytique appellerait l'inconscient collectif.).
Puis il continue :


"Juste avant mon dernier voyage en Amérique,
pendant ces épuisantes semaines où j'étais absorbé
par mes pièces sur le Temps,
j'eus un rêve de ce genre, et j'en conservai une impression plus profonde
que de n'importe quelle expérience vécue jusque-là,
que ce fût à l'état de veille ou en rêve ;
et ce songe m'en apprit plus sur la vie que n'importe quel livre.

Le cadre du rêve était simple et devait quelque chose au fait
que peu de temps auparavant ma femme s'était rendue
au phare de Sainte-Catherine, près d'ici, pour y baguer des oiseaux.

   
Je rêvai que j'étais au sommet d'une très grande tour, seul,
regardant au-dessous de moi des myriades d'oiseaux
volant tous dans la même direction ;
il y avait des oiseaux de toutes les espèces, tous les oiseaux du monde,
et c'était un noble spectacle que ce fleuve aérien d'oiseaux.


Mais tout à coup, de façon mystérieuse,
la vitesse changea, le temps s'accéléra,
et je vis des générations et des générations d'oiseaux ;
je les voyais briser leur coquille, prendre leur vol dans la vie,
s'accoupler, faiblir, vaciller et mourir.
Les ailes ne naissaient que pour se désagréger ;
les corps étaient lisses, puis, dans un éclair, saignaient et s'étiolaient;
et la mort frappait partout à chaque instant.
A quoi bon cette aveugle aspiration à la vie,
cet ardent bruissement d'ailes, ces accouplements hâtifs,
ce vol et cet élan, tout ce gigantesque effort biologique
dépourvu de signification ?


Tandis que je regardais, il me semblait que j'embrassais d'un coup d'oeil
la médiocre petite histoire de chaque créature,
et j'en avais le coeur malade.
Il eût mieux valu pour chacun d'eux,
qu'aucun de nous ne fût né, que cette lutte cessât pour toujours.

Et je me tenais dans la tour, toujours seul, et me sentant désespéré.
Mais de nouveau la vitesse changea,
et le temps se mit à passer plus vite, toujours plus vite,
avec une telle rapidité que je ne pouvais plus distinguer
aucun mouvement des oiseaux,
qui n'étaient plus qu'une immense plaine semée de plumes.



      Et voilà que tout le long de cette plaine, voltigeant à travers les corps mêmes,
passa une sorte de flamme blanche, tremblant, dansant, courant de l'avant;
et dès que je l'aperçus, je compris que cette flamme blanche,
c'était la vie, la quintessence même de l'être ;
et il m'apparut, dans un déchirement d'extase,
que rien ne pouvait jamais importer,
parce que rien n'était vrai que ce frissonnement,
ce flamboiement rapide de la vie.



Oiseaux, hommes, êtres de toutes sortes,
sans forme et sans couleur encore, aucun ne comptait,
tant que cette flamme de vie n'avait pas passé en eux.
Elle ne laissait derrière elle rien à déplorer ;
ce que j'avais pris pour une tragédie
n'était que du vide ou un spectacle d'ombres chinoises;
car maintenant tout sentiment vrai était saisi et purifié
par la blanche flamme de vie
et dansait avec elle en extase."
.
Gerhard Adler  "Le moi et le cycle de la vie"
"Etudes de psychologie jungienne"
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